FFR – Claude Atcher : "Une communauté d’intérêt contre moi"
L’ancien patron de la Coupe du Monde 2023, Claude Atcher, vient d’écrire un livre où il donne sa version de sa mise à pied. Il n’y va pas avec le dos de la cuillère et fustige tous ceux qui l’auraient trahi, de l’extérieur comme de l’intérieur.
Claude Atcher est un homme clé du rugby international. Il fut l’une des chevilles ouvrières de la Coupe du Monde 2007, il a travaillé avec Bernard Laporte à l’obtention de celle de 2023. Il fut un très proche de Bernard Lapasset. Il connaît parfaitement les rouages de World Rugby. Mais il est souvent au cœur de controverses et de polémiques. En mars 2022, un article de presse a pointé du doigt son management toxique, ce qui a provoqué son départ du poste de directeur général du GIP 2 023. Il s’est ensuite retrouvé au tribunal dans l’affaire Altrad-Laporte. Claude Atcher a éprouvé le besoin de s’expliquer dans un livre : "Dans l’ombre de la Coupe". (Éditions En Exergue).
Vous avez été sacrément mis en cause ces derniers mois. Quels étaient vos objectifs en publiant ce livre ?
C’est une forme de thérapie que d’écrire, même si ce n’est pas ma spécialité. Je voulais remettre les faits dans l’ordre pour mieux les comprendre car je suis parti du GIP sans saisir ce qui s’était passé. Je voulais aussi décrire une communauté d’intérêts, je ne dis pas complot, qui avait intérêt à mon départ.
Mais qui pouviez-vous gêner à ce point ?
Florian Grill est un personnage central de cette affaire. Il a une obsession, devenir président de la FFR. Sur ce, arrive Amélie Oudéa-Castéra qui soutient M. Grill depuis 2020. Donc l’élimination de Bernard Laporte favorisait l’élection de M. Grill à la faveur de circonstances exceptionnelles. AOC a quand même appelé Bernard Laporte pour le faire démissionner et tout ça pour faire élire son poulain. Il fallait que Florian. Grill mette la main sur l’organisation de la Coupe du monde pour déstabiliser Bernard Laporte et avoir des arguments pour se faire élire.
Vous évoquez des forces internes qui auraient voulu vous déstabiliser au sein du GIP…
En novembre 2021, j’ai dû me séparer d’un collaborateur très compétent car j’ai été alerté du fait qu’une de ses collaboratrices se plaignait de harcèlement sexuel. Et j’ai eu besoin de recruter quelqu’un pour le remplacer. Un remplaçant est arrivé sur les conseils de la FFR, je ne me suis pas méfié. J’ai appris plus tard, que tout le monde était content de le voir partir. Ils s’en sont débarassés et l’envoyant chez moi. J’ai été naïf. Il n’était pas organisé, ni rigoureux, il ne voulait que rencontrer des politiques. Il a laissé filer des dossiers sur lesquels on m’a fait des reproches. Le premier cité a monté une cabale contre moi en associant son remplaçant et d’autres collaborateurs. Jacques Rivoal, président du GIP qui n’avait jamais rien fait, se met à expliquer à tout le monde comment il faut organiser une Coupe du monde. J’ai eu l’impression que ces gens, en interne, étaient « maqués » par quelqu’un. Je me suis retrouvé trahi par tous mes lieutenants qui ont témoigné contre moi.
Et si l’on vous écoute, une troisième force vient vous percuter, venue de l’extérieur…
Oui, World Rugby. Il faut que je vous explique. Nous, Français, nous ne sommes que tolérés par le monde anglo-saxon. Il est rare qu’on nous considère comme partie prenant de la gouvernance de notre sport. Bernard Laporte est arrivé dans ce milieu-là comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Je l’ai accompagné pour qu’il soit élu au Comité Exécutif. Puis il devient vice-président, avec l’idée qu’il sera le prochain président, mais ça ne plaît pas à tout le monde.
D’accord, il a fait alliance avec Bill Beaumont pour une élection, mais ce n’était pas une alliance positive, Bill Beaumont avait pris Bernard avec lui parce que sans ça, il aurait perdu. Bernard Laporte aurait pu faire alliance avec Agustin Pichot, mais ce dernier s’était mis à dos les fédérations des Six Nations. Réunies à Tokyo, elles décident de ne pas voter pour lui, mais elles pouvaient voter pour l’association Beaumont-Laporte. Et ceci a fait basculer l’élection. Rappelez-vous qu’en 2011, Bill Beaumont avait été battu par Bernard Lapasset pour la présidence, et qu’il avait été aussi battu pour la vice-présidence au profit de Oregan Hoskins. C’est vrai, à l’époque, j’avais été l’un des artisans de ce vote en faveur de Bernard Lapasset.
Bref, on comprend que Bill Beaumont n’est pas votre ami…
Oui Bill Beaumont n’est pas mon ami. À World Rugby, j’étais à mon aise quand Bernard Lapasset occupait la présidence et que Brett Gosper, mon ancien coéquipier du Racing, était directeur général. À peine élu, Bill Beaumont casse le contrat que j’avais avec WR pour m’occuper du rugby en Asie.
Les gens de World Rugby ont sauté sur l’occasion de l’envoi du rapport du comité d’éthique par la ministre (alors que je ne l’avais pas lu). Alan Gilpin, le directeur général, un homme de Bill Beaumont, a écrit tout de suite à Bernard Laporte et à Jacques Rivoal pour me virer sur-le-champ. Ce Gilpin, je lui avais fait un chèque de 285 millions d’euros, et toutes les semaines, il voulait que je paye quelque chose en plus. Je me battais tous les jours avec lui pour ne pas subir des dépenses supplémentaires.
Ce rapport du Comité d’Éthique, vous ne l’avez pas digéré, visiblement.
Non, j’ai porté plainte contre X pour violation du secret de l’instruction, abus de confiance et violation du secret professionnel. Je veux que la police enquête.
"J’ai toujours pensé qu’avec Laporte à la présidence, la France n’aurait pas été éliminée"
D’accord, mais il y a l’histoire du prix payé pour organiser la Coupe du monde. Vous avez proposé 82 millions d’euros pour les droits d’hospitalité. C’est jugé délirant, vous prêtez le flanc à la critique sur ce dossier, non ?
C’est M. Grill qui dit ça. Sans cette surenchère on n’aurait jamais emporté le Mondial. Mais jamais personne n’a fait une remarque là-dessus et ce jusqu’en juin 2023. Ni Deloitte, ni la FFR, ni les inspecteurs. Un CA de février 2023 en atteste. Qu’est ce qui s’est passé après ? Oui la société Daimani a renvoyé des billets d’hospitalité non vendus. Mais il y avait une caution bancaire, un tribunal a tranché et donc cette garantie va être activée.
Ensuite RWC avait préempté une salle du Stade de France pour vendre 28 000 packages, je ne voulais pas qu’ils les rendent s’ils ne les vendaient pas. Après mon départ, ils en ont rendu la moitié, ça a provoqué une perte sèche pour le GIP entre 4 et 6 millions d’euros. Ce truc ne serait pas arrivé avec moi. La troisième raison, c’est l’élimination de la France. On peut penser qu’à cause de ça, le GIE n’a pas rempli ses objectifs. J’ai toujours pensé qu’avec Bernard Laporte à la présidence, la France n’aurait pas été éliminée. Mais j’ai entendu des annonces de pertes énormes, jusqu’à 25 millions, c’est un mensonge puisque les comptes ne sont pas arrêtés. Si la caution bancaire est récupérée il n’y aura pas de dégâts.
Mais cette caution salvatrice, certains disent que c’est votre successeur, M. Colette qui l’a ajouté au contrat initial…
J’ai des documents qui prouvent le contraire. Ils sont signés par moi.
À vous lire, vous avez été lié à tort à l’affaire Altrad-Laporte.
Dans un rapport du Procureur de la République du 21 décembre 2021, il est écrit que je n’ai rien à voir dans cette affaire. Mais le même Procureur est revenu devant mon avocate pour dire que finalement à travers, la société Score XV qui facture mes prestations, je devais passer au tribunal, sur abus de confiance, abus de biens sociaux et de travail dissimulé qui n’ont rien à voir avec l’affaire Altrad-Laporte. Si j’avais commis des délits, j’aurais eu affaire à un tribunal correctionnel classique, je n’aurais rien eu à voir avec une affaire pilotée par le Parquet National Financier. Et la justice m’a donné raison, j’ai été relaxé à l’exception d’une amende de 5 000 euros pour une histoire de non-déclaration des statuts à temps. Mais le début de mon affaiblissement date de là, des articles sortent en mai juin 2022, en profitant de ma convocation au tribunal. On pouvait dire que j’étais un voyou.
On a l’impression que vous avez connu un écueil avec Nicolas Hourquet. Ne regrettez-vous pas certaines choses dans vos rapports quotidiens avec lui ? C’est ce qui a généré les accusations sur votre management dut "toxique" qui ont entraîné votre mise à pied.
Dans mon management, je suis passé à côté de certaines choses. Mais je ne reconnais pas un harcèlement, attention. Mais je reconnais, je suis exigeant dans le travail. Il y a pu avoir incompréhension avec les jeunes qui ont un rapport différent au travail. Mais revenons à Nicolas Hourquet, si j’avais écouté la FFR, je ne l’aurais pas pris. On m’avait dit qu’il n’était pas fiable. Je n’ai pas voulu écouter, j’ai rencontré un garçon torturé qui voulait montrer à son père qu’il pouvait réussir dans le Rugby. Je le prends avec moi, je le forme, mais je ne vois pas qu’il est fragile. Mais quelques jours avant l’altercation du 22 mars 2022 dont on a parlé, il m’avait envoyé un message, « Tu es mon second papa ». Ce jour-là, je ne vois pas qu’il est à bout de nerfs, c’est un regret, j’aurais dû être plus attentif, j’avais perdu mon père, il était tôt, lui était dans un état psychologique fragile pour des raisons personnelles. Oui, pour moi c’est un regret.
Votre ouvrage se termine par des lettres écrites directement à ceux qui vous ont trahi. Vous y allez fort en les accusant de choses graves, vous assumez ce que vous dites ?
Mon livre est sorti avec un mois de retard car il a été relu par des avocats. J’assume. Je donne le nom de celui qui a été accusé de harcèlement sexuel par une collaboratrice. Là où il travaille désormais, il dit que je me serais en fait séparé de lui pour cacher des infractions que j’aurais commises. C’est trop. De toute façon, il y a enquête de police à ce sujet.
Vous décrivez aussi des faits assez graves au sujet de M. Rivoal dans son ancien emploi en disant qu’un procès l’attend. Mais il n’est l’objet d’aucune poursuite judiciaire à ce sujet… N’allez-vous pas trop loin ?
Je vous renvoie à un article de l’Express très documenté qui cite un rapport de gendarmerie. Et je vous dis qu’une procédure collective avec information judiciaire a été relancée dans cette affaire.
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