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La chronique d'Olivier Margot : "Mon" Galthié

Par Midi Olympique
  • "Mon" Galthié
    "Mon" Galthié
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C’est compliqué, un homme. Il y a seize ans, Viviane Galthié, la mère de Fabien, m’avait confié : "Jeune, il était intransigeant, il aimait certaines personnes et pas d’autres. C’était un sentimental, la famille comptait énormément pour lui, mais il n’était pas doux. Il n’a jamais été doux."

Fabrice, son frère, ancien numéro 8 de Balma : "Chez les Galthié, on ne sait pas trop se dire les choses, en tout cas jamais qu’on s’aime." Dans sa dernière année de joueur, Fabien lui-même m’avait avoué : "Grâce à cette longue aventure avec l’équipe de France, j’ai fait connaissance avec ce que je suis, je suis capable maintenant de m’accepter. " Cet homme ne s’est jamais protégé, dans tous les sens du terme. Le samedi 6 novembre 1999, pour France-Australie, finale de la quatrième Coupe du monde, il s’était seulement strappé les chevilles. Il n’a jamais porté ni épaulières ni protège-dents ni coquille, comme il n’a jamais dissimulé ses blessures au cœur, ses douloureuses incompréhensions.

Qui est vraiment Fabien Galthié, aussi critiqué parfois pour sa gestion des hommes qu’il peut être louangé pour sa vision moderniste du jeu de rugby ? Entre nous, tout a commencé par un hasard singulier. Pour Miroir du Rugby, j’étais allé faire un reportage sur Jean-Claude Skrela, alors moniteur des sports à Colomiers. Des années plus tard, redécouvrant les photos de ce jour-là, j’ai reconnu le très jeune Fabien, dans son admirative relation d’un élève au maître. Et je me suis attaché à lui.

Pour comprendre Galthié, au moins pour essayer, il convient de découvrir ses racines, le Lot, sa région, son village de Mongesty où il s’est marié dans l’église de 1330, à 25 kilomètres de Cahors, les promenades avec son père dans les bois de châtaigniers, la cueillette de champignons dans les traces du grand-père. "Goûter ce bout de terre reste magique. Me promener dans les chemins empierrés, entrer dans de vieilles maisons, apercevoir les pigeonniers au toit de Lauze, tout cela m’émeut aux larmes." Il quitta ce paradis intime en 1995, quand il apprit que Pierre Berbizier lui avait préféré Guy Accoceberry pour la Coupe du monde en Afrique du Sud. Néanmoins il partit là-bas, vécut dans une baraque en planches de surfer à Hamilton, puis rejoignit le False Bay Rugby Football Club près de Cape Town, qu’entraînait Nick Mallett. J’ai débarqué un soir, il était stupéfait. Je crains d’avoir perturbé l’entraînement, que Mallett, en colère, écourta. Je me souviens de Camps Bay, sur l’Atlantique, où il logeait, de sa fierté quand il revêtit le blazer bleu électrique de là Western Province. Puis il rejoignit l’équipe de France, Accoceberry s’étant cassé Le bras. Pierre Berbizier : "J’avoue que ce fut un véritable soulagement pour ma conscience. C’est tout le danger d’un choix : on peut briser un homme. Et Fabien, tu n’as pas envie de lui faire du mal."

Deux souvenirs encore. À Cardiff, juste avant la finale de 1999, j’avais dépêché un taxi pour le kidnapper. L’homme, ancien pilier de mêlée, nous emmena avec ravissement dans un pub de 700 ans d’âge, pour une conversation enchantée. Quand partit le demi de mêlée vainqueur des All Blacks, les costauds attablés se dressèrent et, dans un murmure de phalanges, l’applaudirent doucement. Dans la nuit noire, il sortit illuminé.

Quatre ans plus tard, à Sydney. L’équipe de France du capitaine Galthié a sombré contre l’Angleterre en demi-finale. Le téléphone sonne dans la chambre 301 du Swiss Grand Hotel, il est six heures du matin. Son oncle tant aimé vient de mourir. Entre eux, c’était une histoire magique. Francis Galthié luttait depuis longtemps contre un cancer. Fabien, en larmes : "On s’était fait des défis : tu vas guérir, je vais gagner." Il avait perdu et il venait d’annoncer qu’il arrêtait sa carrière. "Jamais je n’aurais dû dire : c’est fini." Je suis persuadé que ces mots le hantent encore. Fabien Galthié n’est pas un garçon facile mais ses fragilités sont sa richesse.

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