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Chronique d’un enfer annoncé

Par FADAT Jérémy
  • Les Toulousains de Maxime Médard n’ont rien pu faire face à la machine irlandaise du Leinster, à l’image du centre Garry Ringrose (photo page de gauche). Une grande partie de l’effectif stadiste avait fait le déplacement en Irlande, qu’ils soient dans le groupe comme Jerome Kaino et Piula Faasalele (photo en bas à gauche) mais aussi hors des 23 à l’image d’Arthur Bonneval et Florian Verhaeghe encadrant Maks Van Dyk et François Cros (photo en bas à droite) Les Rouge et Noir étaient soutenus tout au long du match par près de 2000 supporters. Photos Icon Sport et Stade toulousain
    Les Toulousains de Maxime Médard n’ont rien pu faire face à la machine irlandaise du Leinster, à l’image du centre Garry Ringrose (photo page de gauche). Une grande partie de l’effectif stadiste avait fait le déplacement en Irlande, qu’ils soient dans le groupe comme Jerome Kaino et Piula Faasalele (photo en bas à gauche) mais aussi hors des 23 à l’image d’Arthur Bonneval et Florian Verhaeghe encadrant Maks Van Dyk et François Cros (photo en bas à droite) Les Rouge et Noir étaient soutenus tout au long du match par près de 2000 supporters. Photos Icon Sport et Stade toulousain
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Ce dimanche, le Stade toulousain est logiquement tombé à l’Aviva Stadium, en demi-finale de Champions Cup, face à un Leinster rompu aux grandes joutes européennes. Ceci au bout d’une semaine durant laquelle il a fallu braver les vents contraires. Plongée dans les coulisses d’un cruel mais indispensable apprentissage.

Ugo Mola faisait la moue. Une grimace prémonitoire ? Il était 14 heures vendredi en salle d’embarquement de l’aéroport Toulouse-Blagnac et l’avion, affrété par le club pour transporter joueurs et partenaires, était censé décoller en direction de Dublin. Sauf que le troisième ligne Rynhardt Elstadt avait oublié son passeport chez lui et dû effectuer un aller-retour express pour récupérer le précieux sésame. Un comble pour celui qui possède sa licence de pilote. "Je leur ai dit que je pouvais les rejoindre avec mon propre avion mais ça ne les a pas fait marrer", nous confiait ironiquement le Sud-Africain à son arrivée à bord, avec plus d’une heure de retard, gentiment applaudi par ses potes.

Énième contretemps d’une semaine que le staff aurait aimée moins agitée. Les ennuis ont commencé le dimanche précédent, à l’issue d’une rencontre folle remportée face à Clermont qui a vu Zack Holmes sortir sur protocole commotion. L’ouvreur australien expulsé lors du quart de finale de Champions Cup gagné au Racing 92, pour qui dirigeants et entraîneurs s’étaient battus devant la Commission de discipline de l’EPCR afin de le voir autorisé à disputer la demi-finale.

Les résultats de son test HIA3, obligatoires pour les joueurs commotionnés afin de les juger aptes ou non à reprendre l’entraînement, ne pouvaient être connus avant jeudi après-midi. Il fallait composer jusque-là et l’encadrement, qui hésitait entre plusieurs combinaisons sur la ligne de trois-quarts, a vite décidé de titulariser la paire Bezy-Dupont à la charnière. Ce qui, en l’absence de buteur de haut niveau, conduisait à placer Thomas Ramos à l’arrière et à décaler Cheslin Kolbe sur une aile. Et, finalement, le test s’est avéré infructueux pour Holmes qui, la mort dans l’âme, renonçait à découvrir l’Aviva Stadium. Au contraire de Romain Ntamack qui, malgré une grosse béquille l’ayant privé de séances collectives jusqu’à vendredi, a pu s’asseoir sur le banc.

L’imbroglio Tekori

Mardi soir, fut aussi officialisée la citation de Joe Tekori pour son plaquage sur le Clermontois Yohan Beheregaray, qui lui avait valu un carton jaune. Laquelle a provoqué un improbable imbroglio. Le règlement français stipule qu’un joueur cité, mais non exclu, peut être aligné dans l’attente de son audience.

Mais un problème de traduction de celui de l’EPCR a placé tout le monde dans l’embarras et Tekori dans une situation incongrue. Malgré plusieurs contre-exemples de garçons qui avaient pu jouer ces dernières saisons, le flou autour du point de loi faisait planer le risque d’une défaite sur tapis vert si le Samoan foulait la pelouse dimanche. La malédiction se poursuivait pour lui, déjà privé du quart parce qu’il était rentré au pays pour les funérailles de sa mère.

Les Toulousains, blessés par l’épreuve traversée par celui qui est considéré comme le papa et l’ambianceur du groupe, s’étaient alors promis de lui offrir une demi-finale. Revenu le matin même du duel à l’Arena, Tekori avait débarqué à l’hôtel des Stadistes où, sans un mot, ses coéquipiers lui étaient tombés dans les bras, provoquant une intense émotion selon les témoins de la scène. "À cet instant-là, le match était définitivement lancé", racontait l’un d’eux après coup.

Même absent, le colosse était encore décisif. Autant dire que l’imaginer rater le déplacement à Dublin a secoué le vestiaire stadiste même si le joueur est toujours resté positif devant le groupe, ne voulant pas créer de psychodrame autour de son cas. "Il a eu une attitude de seigneur, comme d’habitude", assurait un membre du staff. Mercredi soir, la décision d’avancer son audience était prise dans l’espoir d’écarter toute sanction supplémentaire. En quelques heures, le club a organisé sa défense avec l’expertise salvatrice d’un biomécanicien.

Jeudi midi, Tekori présentait ses arguments par visio-conférence. Dans l’après-midi, la LNR l’autorisait à jouer dès ce week-end. Soulagement à Ernest-Wallon. Depuis quinze jours, le staff, désireux de maintenir le duo de géants Arnold-Gray en deuxième ligne, songeait sérieusement à replacer le Samoan en position de flanker pour densifier son pack et répondre au défi physique irlandais. Le choix était dès lors arrêté : Tekori serait dans le XV de départ.

Destin et tradition

Mais il était écrit que les aléas se multiplieraient jusqu’au coup d’envoi. Mardi encore, dans la foulée des fuites qui annonçaient Fabien Galthié comme futur sélectionneur, Rugbyrama. fr révélait que William Servat était le premier choix de Bernard Laporte pour prendre en charge les avants des Bleus et que le président de la FFR l’avait déjà sollicité. Pas l’idéal au moment d’aborder le rendez-vous de l’année dans la sérénité.

Voilà qui rappelait les jours précédant le barrage perdu contre Castres l’an passé, quand les négociations autour des transferts de Yoann Maestri et Gaël Fickou au Stade français étaient venues polluer la préparation toulousaine.

Face à un sort qui s’acharnait, les Stadistes ont pourtant force leur destin et n’ont jamais perdu la flamme qui les anime. "Cela fait une semaine que je n’arrive pas trop à dormir", souriait Sofiane Guitoune. L’excitation à son paroxysme pour ces mecs dont beaucoup vivraient leur baptême sur l’herbe de l’Aviva. "C’est énorme, assurait Elstadt après l’atterrissage sur le tarmac dublinois, où une poignée de supporters toulousains attendaient pour un accueil chaleureux. Moi, s’il faut aller jouer maintenant, j’y vais !"

Il avait encore quarante-huit heures à patienter, selon une tradition bienfaitrice de la saison. La délégation stadiste est partie deux jours avant le match, comme elle l’avait fait lors des succès à Bath, aux Wasps ou au Racing. À chaque fois, l’initiative, avec une première soirée libre, avait porté chance.

Le seul déplacement européen lors duquel ce programme n’avait pas été retenu, c’était… à Dublin, face au Leinster, en janvier. Week-end de défaite. Alors vendredi soir, les joueurs se sont séparés en plusieurs groupes, selon les affinités, pour manger en ville quand le staff avait réservé un restaurant italien situé à quelques encablures du sublime hôtel Intercontinental où logeaient les Rouge et Noir. Là où une trentaine de membres de l’effectif avaient pris leurs quartiers, de nombreux garçons hors groupe (Ainu’u, Tafili, Verhaeghe, Placines, Madaule, Pagès, Bonneval, etc...) étant du voyage. Comme Holmes, malgré son forfait, ou Leonardo Ghiralini, récemment opéré d’un genou soutenu par une attelle. Symbole de l’union d’un groupe à part, à l’audace déroutante, capable de renverser des montagnes pour ramener l’institution la plus titrée de France et d’Europe au sommet. "Tout est simple avec eux", se permettait Mola.

"S’attacher à vivre le présent"

Il était question de suprématie face à la seule autre équipe à compter quatre étoiles sur son maillot. Une pression ? "Le poids de l’histoire est souvent source de motivation et d’exigence, rétorquait Mola samedi midi dans les entrailles de l’Aviva Stadium, à l’issue de l’entraînement du capitaine. La normalité, quand on joue dans un tel club, impose d’être à la hauteur de son prestigieux passé. Même si les titres sont faits pour être rangés dans des armoires et s’il faut s’attacher à vivre le présent à fond."

Ce que cette génération, sensible à la vitrine à trophées d’Ernest-Wallon, s’efforce de réaliser pour coucher les plus belles lignes de son propre roman. C’est ainsi qu’aux alentours de 14 heures ce dimanche, lors de son discours d’avant-match avant de partir au stade, Ugo Mola a dit à ses hommes que les deux plus gros palmarès de la compétition se retrouvaient pour la première fois exactement au même point et qu’au coup de sifflet final, il n’en resterait qu’un à portée d’un cinquième sacre. Le capitaine Jerome Kaino, double champion du monde au CV vierge en club venu en Europe pour entrer un peu plus dans la légende et ponctuer une carrière exceptionnelle, pouvait mener ses troupes dans l’enfer dublinois. Là où la marche était beaucoup trop haute face à une armada rompue à ce genre de joute. Un monument insurmontable pour cette bande d’insouciants, arrivée où peu de monde les imaginait mais trop imprécis ou trop timides. Peut-être juste en manque de vécu.

"Quoi qu’il arrive, on ne perdra pas notre temps et ce match nous fera grandir", avait prévenu Mola. Et de rappeler que, lors de sa dernière demi-finale en 2011, Toulouse avait su se relever pour aller chercher le Bouclier de Brennus, derrière. Avant de revoir les cieux et de toucher cette Coupe qu’ils ont frôlée à leur entrée sur le terrain, c’est tout ce qui les attend maintenant. Et c’est ce qui transpirait sûrement des mots lâchés par les cadres, au cœur de leur habituelle ronde de fin de rencontre, au milieu du champ de guerre sur lequel ils ont pris rendez-vous.

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