La chronique de Benoît Guyot : "Ça raccroche !"

Par GUYOT Benoit
  • Benoît Guyot en 2012, sous le maillot du BO
    Benoît Guyot en 2012, sous le maillot du BO Iconsport
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C’est un paradoxe. Le week-end dernier, j’ai joué avec l’équipe de Suresnes mon dernier match de rugby. C’était contre Dax, équipe contre laquelle je jouais avec le BO le maintien en Top 14, il y a de ça quelques années. Bel exemple de l’instabilité et de l’imprédictibilité qui règne au sein de l’élite.

C’est aussi pour moi le symbole de la rencontre de deux mondes. D’un côté, le club Dax, solidement implanté dans une approche professionnelle de la pratique (contrats à temps plein, pratique exclusive du rugby et abandon quasi-généralisé du double projet). De l’autre côté, le monde amateur. Celui de Suresnes, au sein duquel le rugby ne constitue pas un métier à proprement dit. Des journées bien remplies, les entraînements le soir, une préparation physique parfois approximative et surtout une volonté de garder une forme de légèreté dans l’approche de ce jeu qui nous rassemble, tous, sur et hors du terrain.

Je dois avouer que cet arrêt constitue aussi pour moi un soulagement. Ces dernières années m’ont aussi fait prendre conscience que mon corps avait des limites. Je n’ai pas eu à subir d’importantes interventions chirurgicales (plus de trois mois d’indisponibilité). J’ai en revanche fait beaucoup de commotions, trop sûrement. Beaucoup de fins de match ne me sont revenues qu’avec la vidéo.

Ce n’est pas pour autant que je me reconnais dans le débat actuel sur la santé qui, par ses excès, tendrait à contre-indiquer la pratique du rugby. Je ne regrette pas de m’être mis en danger sur le terrain, tant ce que j’ai connu est riche. Il est, en revanche, essentiel d’informer sur l’importance de la préparation, sur les risques encourus et sur le fait de savoir prendre du repos lorsque c’est nécessaire, notamment après avoir subi des chocs à la tête. En ce qui me concerne, certaines limites ont été atteintes. Il est aujourd’hui temps d’arrêter.

Jouer son dernier match n’est pas le moment le plus agréable de la carrière d’un joueur. L’arrêt a quelque chose de brutal. Depuis un peu moins de 20 ans, toute ma vie était organisée autour du rugby. Je repense au temps passé sur les terrains, aux déplacements parfois interminables, aux défaites, aux victoires, à tout ce qui constitue finalement la vie d’un joueur de rugby, peu importe le niveau. Malgré tout, cette douleur est pour moi atténuée par le fait d’avoir connu un après-professionnalisme dans le club de Suresnes, comme un sas de décompression. Cette transition m’a aussi permis de développer un esprit critique, non pas envers le professionnalisme, mais envers tout ce qui en découle de non-vertueux.

Cet arrêt est finalement l’occasion de remercier tous ceux qui ont impacté mon parcours, de près ou de loin. Tous ceux que j’ai croisés et qui m’ont accompagné à Garches, au Stade français, à Biarritz, à La Rochelle et à Suresnes. Tous, vous m’avez amené à aimer ce sport. C’est aussi ce qui m’amène à continuer de le vivre mais différemment, sur le bord des terrains cette fois. Sur les hauteurs du Mont-Valérien, à la sortie de mes derniers vestiaires, la coutume est de s’encourager d’un cri collectif lancé par le capitaine, le fameux "come on !" Dorénavant, il m’appartiendra de me le dire à moi-même, comme pour préparer les combats futurs…

Cette transition m’a aussi permis de développer un esprit critique, non pas envers le professionnalisme, mais envers tout ce qui en découle de non-vertueux.

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