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Pertes de mémoire

Par Emmanuel Massicard
  • Michel Crauste
    Michel Crauste Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L'édito d'Emmanuel Massicard... Nous nous apprêtions donc à faire la fête, comme souvent à l’approche des phases finales. Enivrés par le parfum singulier des matchs aux couteaux qui s’annoncent, et déjà prêts à parier que le sprint du championnat de ProD2 allait être plus intense que jamai

Sur ce point, il faut bien le reconnaître, nous n’avons pas été déçus. Dimanche, les sans-grade du professionnalisme nous ont offert un incroyable dénouement, livrant six qualifiés et deux relégués au paroxysme des sentiments.
On pense forcément à Bourg-en-Bresse qui doit quitter l’élite malgré treize succès cette saison, après un parcours magnifique et une ultime victoire bonifiée remportée face à Béziers qui jouait encore la qualif’… Les Bressans méritaient mieux et l’on se dit que la ProD2 toute entière vaut bien autre chose que l’anonymat infamant des matchs du jeudi soir joués dans des tribunes toujours trop clairsemées.

Nous nous apprêtions à faire la fête et, d’un coup, la joie s’est envolée. La faute à cette drôle de fin de semaine, quand deux monuments du rugby français nous ont quittés. Michel Crauste, juste avant Henri Foures. Deux hommes aux parcours incroyables, deux caractères et deux personnalités tout simplement attachantes qui n’ont jamais laissé indifférents ceux qui, comme nous, ont eu la chance de croiser leur chemin.
Dans des univers parfois différents, depuis les gradins ou sur le terrain, Crauste et Foures ont marqué l’histoire du XV de France. Ils ont également partagé l’attachement d’une vie à l’adresse de leurs clubs respectifs (le Racing Club de France, Lourdes et Toulouse) défendus jusqu’au bout. Souvent avec force. Convictions. Et cette extrême discrétion qui tranche avec les us et coutumes d’une société où l’on parle souvent très fort pour ne rien dire. Ils n’étaient pas de ceux-là.

Avec eux, c’est un nouveau pan de l’histoire de ce jeu qui se referme soudainement, de l’après-guerre jusqu’à l’avènement du professionnalisme qui changea leur monde et inversa brusquement l’échelle des valeurs sur lesquelles ils avaient construit leur parcours. C’est aussi une part de la mémoire du rugby français qui vient de ficher le camp. Une de trop pourrions-nous dire, après que Raoul Barrière et Pierre Lacroix aient récemment tourné les talons en suivant Jean Cormier et Jacques Verdier.
La perte de mémoire est immense, qui laisse planer sur les épaules de leurs contemporains et autres héritiers désignés la responsabilité immense de porter le message de ce que fut le rugby avant d’être un métier. Il nous appartient à tous de ne rien oublier et d’apprécier cette manière singulière qui fut la leur d’aborder la discipline, plus encore de la servir pour mieux grandir.

Tout cela peut apparaître décalé, suranné et détonant à l’instant même où la course qui nous projette dans l’hyper action revêt des airs infernaux. Ceux qui font table rase du passé prennent le risque de se couper de leurs richesses. Et plus encore de fragiliser l’édifice sur lequel ils trônent. Crauste et Foures, eux, avaient pris le temps de ne rien oublier. À notre tour de garder la mémoire.

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