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Michel Crauste : la force intérieure et la référence spirituelle

  • Michel Crauste anobli par ses coéquipiers
    Michel Crauste anobli par ses coéquipiers
Publié le Mis à jour
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En 2004, nous avions rencontré Michel Crauste qui préparait le pélerinage des sportifs à Lourdes. Au lendemain de son décès, nous avons voulu faire revivre cette rencontre émouvante.

Lourdes est une référence spirituelle depuis les apparitions vécues par Bernadette Soubirous en 1858. Un siècle plus tard, il devint un sanctuaire du ballon ovale avec les huit titres du Football Club lourdais. Qui peut symboliser mieux que Michel Crauste cette double identité ? Fervent chrétien, ancien troisième ligne et capitaine du XV de France, il organise du 25 au 28 juin le pèlerinage sportif : une série de manifestations où l’âme, la conscience, les muscles et la volonté seront sollicités à parts égales. L’an passé, pour la première édition, il réunit 150 bénévoles pour encadrer environ 400 participants.

Pourtant, ce n’est pas sur le lieu de ses exploits qu’il nous a donné rendez-vous, mais à Saint-Laurent-de-Gosse dans le pays du Seignanx à quelques encablures de Tyrosse et de Peyrehorade. Car Michel Crauste n’est pas lourdais, mais landais, monté très jeune à Paris pour entrer à EDF. Il n’a découvert la cité mariale qu’à 26 ans quand il quitta volontairement le Racing par fascination pour le jeu du FCL. Il nous accueille dans la maison où il a vu le jour et où sa mère, Marguerite, a vécu jusqu’à son décès, en janvier dernier. Dans la cuisine, traîne encore ce magazine de 1966 où l’on voit le général de Gaulle décorer une série de sportifs. Michel attend son tour, juste après Jacques Anquetil et Alain Calmat : "Elle conservait religieusement tous les articles qui parlaient de moi. Elle a vécu ici toute une vie de labeur. Elle était monteuse en sandales et ma grand-mère l’aidait."

De son enfance modeste, marqué par la séparation de ses parents, il a conservé cette transcendance. Cette foi chrétienne transmise par le cocon familial qui l’a toujours aidé dans les moments difficiles. C’est par ce biais-là qu’il a fait sa première incursion à Lourdes en compagnie d’un autre Landais appelé à devenir célèbre… André Boniface : "Nous étions Cœurs Vaillants (1) en semble. À douze ans, nous avions fait un pèlerinage ensemble. Avec mon frère, Guy, nous avions même habité chez lui. Nous avions cassé des lits en faisant des sauts de Tarzan. En tant que joueur, je me souviens de son pouvoir apaisant, c’était un leader par l’exemple. Pas un gueulard. Il est l’un de ceux que j’aime le plus dans le monde du rugby."

Recueillement

À 70 ans, Michel Crauste est plus que jamais pétri de cette spiritualité : "L’homme a besoin de croire en quelque chose. J’ai toujours vécu intensément cette foi, je m’en suis servi durant ma carrière. Je ne demandais pas la victoire au bon Dieu. Mais je priais simplement pour être à la hauteur, pour savoir résister et pour savoir souffrir." En effet, on souffrait parfois dans les années cinquante-soixante sur des terrains de rugby. Les joueurs étaient moins athlétiques qu’aujourd’hui. Mais les contacts y étaient souvent plus rudes. Michel Crauste administrait des plaquages très sévères (les "cravates" étaient tolérées) ainsi que des manchettes, il ne le nie pas. On l’a revu récemment sur ESPN dans le fameux France-Afrique du Sud de 1961. Dans ces domaines, en bon chrétien, il a beaucoup donné… et beaucoup reçu.

Avant chaque rencontre, il allait se recueillir dans une église : "On n’en parlait pas trop entre nous. Parfois, j’avais la surprise de rencontrer un coéquipier." Aujourd’hui, il participe toujours aux activités paroissiales, s’occupe un peu de Notre Dame du rugby, à Larrivière. Son frère cadet est même devenu diacre : "Une satisfaction pour ma mère, autrefois, dans les familles rurales, on rêvait d’une embauche dans la fonction publique à l’EDF comme moi, à la Poste ou dans l’enseignement. Mais les mères espéraient aussi avoir un enfant qui entre dans les ordres."

De Crauste, surnommé "le Mongol" à cause des traits particuliers de son visage, on garde bien sûr des images positives : la victoire à Springs en 1964 (8 à 6) à la tête du « Pack des Bestiaux » ; les trois essais marqués aux Anglais à Colombes en 1962 (premier triplé d’un Français dans le Tournoi, aucun avant n’en a fait autant depuis). Le grand public ignore qu’il a traversé beaucoup de coups durs après sa carrière. Il y eut d’abord cette grave blessure subie à 38 ans, dans un match corpo d’EDF : "Je suis resté six mois hémiplégique à l’hôpital de Bayonne. La foi m’a aidé à supporter cette épreuve."

Deuils cruels

Puis, ces dernières années, cette succession de deuils, certains très cruels, mais après tout, il n'est pas le seul. André Boniface explique : "Il a surmonté tout ce qui lui est tombé dessus avec beaucoup de force et de dignité." L’ancien centre international se souvient aussi de ce jour de janvier 1968 quand Michel surgit à l’improviste chez lui, pour qu’ils regardent ensemble le premier match du Tournoi. Guy venait de disparaître et André ne voulait plus entendre parler de rugby. Ce réconfort inattendu le fit changer d’avis.

Marc Dandré qui organise avec lui le pèlerinage poursuit : "Il se bat en permanence pour aller de l’avant. En un mot, il fait face, malgré tous ses malheurs et il sait écouter les autres, de plus en plus."

Rien n’est trop grand, ni trop petit, ni trop futile pour l’altruisme du  "Mongol". En 1997-1998, il accepta la présidence du FCL au plus mauvais moment pour le club et pour lui-même. "Mon club a été percuté par le professionnalisme." Sept ans après, il est toujours à la barre avec un trophée à l’actif de son équipe dirigeante : le déficit de 915 000 euros dont il a hérité est en passe d’être surmonté. ça n’a pas eu le retentissement d’un Brennus d’autrefois. Pour un chrétien, cette victoire obscure a sans doute autant de valeur que tous les succès médiatiques

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