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Parra - Laidlaw : Paroles de 9

  • « Il va vous dire qu’il ne parle pas français mais ne l’écoutez pas : il parle très bien ! »Photos Midi Olympique - Patrick Derewiany
    « Il va vous dire qu’il ne parle pas français mais ne l’écoutez pas : il parle très bien ! »Photos Midi Olympique - Patrick Derewiany
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Deux joueurs à 70 sélections au même poste, dans un même club. La rareté valait bien une rencontre. Début janvier, les deux demi de mêlées s’étaient prêtés au jeu de l’entretien croisé. Décontractés.

Midi Olympique : Vous souvenez-vous de votre première confrontation directe ?

Greig Laidlaw : Je crois, oui. Un France-écosse au Stade de France, dans le Tournoi. Nous avions échangé nos maillots. Non ?

Non, c’était en 2012 à Édimbourg…

Morgan Parra : Vraiment ? Moi non plus, celui-là ne m’a pas marqué. Par contre je me souviens bien du match dont Greig parle, au Stade de France. L’Écosse mène au score une bonne partie du match mais nous finissons par l’emporter. Et effectivement, nous avions échangé nos maillots.

À votre initiative ?

M.P. : Je ne sais même plus… Oui, je crois que c’est moi qui étais allé le voir.

G.L. : Je crois effectivement que c’était lui.

Quel est votre meilleur souvenir de France-Écosse ?

G.L. : J’ai joué ma cinquantième sélection contre la France. C’était à Murrayfield. Vern (Cotter, N.D.L.R.) était notre entraîneur et nous avions battu les Bleus après dix années de disette. Un jour très particulier pour moi. Gary Armstrong (ancien demi de mêlée de l’Écosse, 51 sélections entre 1988 et 1999) m’avait remis mon maillot la veille du match, c’était un moment très fort en émotion. En Écosse, quand vous entrez dans le club des joueurs à cinquante sélections, l’inscription du match en bas du maillot n’est plus blanche mais argentée. C’est une manière de symboliser ce cap. J’ai regardé mon maillot et ces inscriptions argentées, ma fierté était immense.

Et vous, Morgan ?

M.P. : Si Greig a honoré sa cinquantième sélection contre les Bleus, j’ai pour ma part connu ma première contre l’Écosse, à Murrayfield. C’était le 3 février 2008, un moment à part pour moi. Je me souviens aussi de notre victoire en 2010, en ouverture d’un Tournoi des 6 Nations où nous avons décroché le grand chelem. Et puis… En fait, tous les matchs à Edimbourg sont un souvenir particulier.

Pourquoi ?

M.P. : Pour le Flower of Scotland avant le match et tout le public qui pousse derrière. Pour l’engagement que met cette équipe et cette fierté de représenter un pays finalement assez petit. Jouer l’écosse à Murrayfield, c’est un moment assez particulier dans une carrière.

Et votre pire souvenir ?

M.P. : Je touche du bois. Je crois que je n’ai jamais perdu contre l’Écosse.

G.L. : Il a de la chance, hein ! Moi, j’ai perdu pas mal de France-Écosse… Mon pire souvenir c’est aussi 2012. Justement parce que je n’ai pas beaucoup de souvenirs ! Je jouais à l’ouverture et j’avais pris un coup à la tête. J’avais dû sortir à la pause.

Greig, les joueurs Français sont-ils durs ?

G.L. : On parle toujours du "French Flair" mais quand on me parle des Bleus, je pense toujours en premier à un gros paquet d’avants. Et des joueurs incroyablement talentueux derrière.

Morgan, que craigniez-vous de Greig quand vous vous prépariez à l’affronter ?

M.P. : Je ne vais pas vous le dire, sinon, maintenant que nous sommes coéquipiers, je dévoile des armes de Clermont !

Quel est son principal point fort ?

M.P. : Je dirais son sang-froid. Il ne s’affole jamais, il reste toujours maître de son sujet même dans les moments chauds. C’est une force incroyable qu’il a, j’essaie de m’en nourrir. Dans un match, il y a toujours des hauts et des bas mais lui, du point de vue émotionnel, il est constant. Il est le patron de son équipe et le maître de son paquet d’avants.

G.L. : Je dirais un peu la même chose le concernant. Son jeu au pied aussi est impressionnant.

Vous semblez effectivement être deux joueurs qui se ressemblent beaucoup…

M.P. : Bien sûr qu’on se ressemble : nous ne sommes pas les plus rapides ni les plus costauds des 9. On joue plutôt sur un registre collectif et de leadership. Il y a aussi le tir au but qui nous unit. Pour moi, Greig est un des meilleurs buteurs au monde, surtout dans les moments chauds. Regardez sa Coupe du monde 2015 : il avait été énorme ! Il avait tenu l’Écosse par ses orientations de jeu, par la structure qu’il imposait mais aussi par sa qualité face aux poteaux.

Au quotidien, quel est le petit défaut de l’autre ?

M.P. : Pro. Très pro.

Ce n’est pas un défaut. À moins qu’il en devienne ennuyeux…

M.P. : Très pro, c’est une qualité. Est-ce que ça peut devenir un défaut ? Parfois… (il rigole) Parfois, c’est bien de sortir un peu du cadre. Faire une connerie, boire un dernier verre avant de rentrer chez soi… Lui, il est toujours carré.

G.L. : Le problème, c’est que je ne suis pas le plus costaud en soirée !

On a tous vu passer une vidéo de Greig, en grande forme en fin de soirée en Écosse après avoir battu l’Angleterre dans le Tournoi…

G.L. : Voilà exactement pourquoi je ne bois pas ou pas souvent ! Après, parfois, je perds un peu le contrôle.

Et concernant Morgan ?

G.L. : Il est compétiteur. Très compétiteur. Trop compétiteur ?

M.P. : (à voix basse) J’étais sûr qu’il allait dire ça…

G.L. : C’est une bonne chose, hein ! C’est une chance et une force pour l’équipe. Mais parfois, il en devient un peu insupportable !

Qui est le meilleur numéro 9 au monde ?

M.P. : Je dirais Aaron Smith. Personnellement, j’aime aussi beaucoup le jeu de Ben Youngs. Mais difficile de passer à côté de Smith. Sa qualité de passe, sa capacité à coller au ballon avec une grosse VMA, son jeu au pied… Il est complet, il a tout.

G.L. : Je te suis sur ce terrain. Aaron Smith est incroyable dans sa capacité à coller au ballon. Juste derrière, je mettrais Faf de Klerk qui a une activité assez impressionnante, que ce soit avec Sale ou les Springboks.

Et le meilleur 9 de l’histoire ?

G.L. : George Gregan est certainement un des plus grands joueurs de l’histoire, tous postes confondus. Par sa manière de jouer, il a fait évoluer durablement le rôle du demi de mêlée. Avant, les neufs étaient surtout là pour éjecter. Passe-passe-passe. Gregan a commencé à porter le ballon, à scruter les intervalles, à peser sur les défenses pour ouvrir des espaces à ses coéquipiers. Si on devait élire demain le plus grand 9 de l’histoire, il aurait ma voix.

M.P. : Entièrement d’accord. Aucun doute, George Gregan. Pas costaud mais complet et avec une rage de vaincre incroyable.

Vous êtes deux capitaines, en club ou avec votre sélection. Est-ce un honneur ou une charge ?

G.L. : Les deux. Au départ, vous ne voyez que l’honneur. Avec le temps, vous comprenez les responsabilités qui viennent avec. Vous n’êtes pas seulement le capitaine d’une équipe, vous êtes celui d’un club ou d’un pays. Les gamins vous regardent différemment. Vous devez être exemplaire. Quand vous le comprenez, être capitaine n’est plus seulement un honneur. Soudainement, ça devient une responsabilité.

M.P. : Bien sûr qu’il y a l’honneur mais être capitaine, c’est s’inscrire dans l’histoire d’un club. Chez nous, parmi les anciens capitaines il y a Aurélien Rougerie, par exemple. Il faut se sentir prêt pour assumer un tel héritage. Autre chose : quand vous n’avez pas cette responsabilité, vous êtes plutôt centré sur vous et sur vos performances. Quand vous devenez capitaine, vous devez prendre en considération toute l’équipe. Un groupe est une entité fragile. Le moindre grain de sable peut casser la machine. Quand vous êtes capitaine, vous devez vous en préoccuper chaque jour. Et vous ne pouvez pas le faire seul, ou la charge devient trop lourde. C’est notre chance, à Clermont, d’avoir beaucoup de leaders et de joueurs qui ont déjà été capitaines.

G.L. : Le rugby est le plus collectif des sports. L’équipe doit être au centre de tout, ce qui rend le rôle de capitaine plus important encore. Mais aussi plus prenant et excitant.

Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec Vern Cotter ?

M.P. : Avant de le rencontrer, j’avais déjà énormément entendu parler de lui quand j’étais à Bourgoin. Vern, c’était le mec qui faisait peur (rire). Au final, je lui dois tellement… Je connaissais le rugby, Vern m’a fait comprendre ce qu’était le rugby professionnel. S’entraîner toujours plus dur, faire attention à chaque détail sur le terrain, à l’entraînement, dans nos vies… J’arrivais de Bourgoin, un club pour lequel je garde une estime immense. Mais c’était un club très famille, plus libre dans l’approche du rugby. En débarquant à Clermont et en côtoyant Vern, j’ai vraiment découvert le rugby pro. Il m’a appris la rigueur.

Vous n’avez pas répondu à la question de votre première rencontre.

M.P. : Je ne m’en souviens pas.

Il y a une légende qui court autour…

M.P. : Ah bon ? Laquelle ?

C’était au printemps 2009, Clermont préparait ses phases finales de Top 14 et vous étiez là en visite, avant de signer. Vous lui auriez dit que vous espériez que Clermont allait perdre, pour faire partie de la première équipe qui ramènerait le Bouclier de Brennus place de Jaude.

(ils éclatent de rire)

G.L. : Tu as vraiment fait ça ?

M.P. : (embarrassé) Oui, je m’en souviens. C’était dans les anciens vestiaires. C’est vrai, je lui avais dit que j’espérais qu’ils allaient perdre, pour faire partie de la première équipe championne de France à Clermont. Coup de bol pour moi, c’est ce qui est arrivé.

Il faut une sacrée dose de culot…

M.P. : Oui, du culot. Ou l’insouciance de la jeunesse. Ou de la folie, je ne sais pas trop.

Et vous, Greig, quel a été votre premier contact avec Vern Cotter ?

G.L. : Il a débarqué en juin 2014, quelques jours avant qu’on s’envole pour sa première tournée comme sélectionneur de l’Écosse. C’était au Canada et aux USA. Ce devait être les présentations officielles. D’habitude quand un entraîneur arrive, il y a un petit cérémonial : il se présente, explique comment on va travailler et ce qu’il veut mettre en place. En Écosse pour la première de Vern, tous les joueurs s’attendaient à cela. Nous sommes arrivés assez décontractés à Murrayfield. Vern était là. Il nous a juste dit : "Voilà, c’est moi. Bienvenue à tous. Maintenant, on va s’entraîner." On est effectivement parti immédiatement s’entraîner.

M.P. : Ça décrit assez bien Vern. (il sourit)

G.L. : Je me souviens aussi que, pendant cette première tournée au Canada, il me regardait bizarrement quand je lui parlais. Il ne comprenait rien à mon accent !

Que gardez-vous de lui ?

G.L. : L’état d’esprit qu’il inculque. Pour l’Écosse, il était le bon coach au bon moment. Nous étions un peu laxistes et Vern ne tolère pas que quelque chose ne soit pas fait à 100 %. Chaque jour de la semaine, à l’entraînement ou en dehors, il n’admet pas qu’on puisse faire les choses à peu près. Il ne comprend pas qu’on puisse faire autre chose que de vouloir gagner et s’en donner toutes les chances.

M.P. : Je retiendrais sa rigueur dans la préparation stratégique du match, spécialement son exigence auprès du 9 et du 10. Nous devions tout connaître par cœur ! Nous avions une semaine pour nous préparer et pour l’entraînement du capitaine, la veille du match, nous devions être prêts. Il était impossible de ne pas maîtriser une annonce. Aujourd’hui encore, ça me paraît inconcevable. Ce n’était pas le cas avant de croiser Vern.

Est-il vraiment si dur qu’on veut bien le dire ?

M.P. : Parfois, il était très dur. Il y a tellement d’histoires… Quand il était de mauvaise humeur, tant qu’il ne disait pas stop, il valait mieux continuer de courir. Et parfois, ça pouvait durer très longtemps…

G.L. : Il a piqué quelques colères, oui. Au début, surtout, quand il trouvait que tout, dans notre fonctionnement, était vraiment trop loin des standards internationaux. Et après quelques matchs où nous avions failli dans le combat. Là, les entraînements qui suivaient pouvaient être chauds. Voilà, cela fait partie du caractère de Vern. C’est aussi pour cela qu’il est un entraîneur avec tant de succès.

M.P. : Après un match à l’extérieur où nous n’avions pas existé dans le combat, il nous avait concocté une séance solide, le lundi. Il y avait d’abord eu une grosse colère lors de la séance vidéo, puis un entraînement du genre sauvage. Il y avait seulement les gros et les neuf. Évidemment, il fallait que je me retrouve là-dedans… Nous étions sur un tout petit terrain et on ne faisait que se rentrer dedans, à 200 à l’heure. Ça ne s’arrêtait jamais ! J’ai cru que les gros n’en sortiraient jamais vivants, qu’on allait péter la moitié de l’équipe pour plusieurs mois.

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