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Shaun Edwards, les secrets de l’homme aux 16 titres

Par Midi Olympique
  • Des Wasps (2001-2011) où il a cotoyé Raphaël Ibanez au pays de Galles (2008-2019) sous les ordres de Gatland, Shaun Edwards a accumulé seize titres dont quatre championnats d’Angleterre, deux Coupes d’Europe, cinq victoires dans le Tournoi des VI nations dont trois grands chelems. Colossal!
    Des Wasps (2001-2011) où il a cotoyé Raphaël Ibanez au pays de Galles (2008-2019) sous les ordres de Gatland, Shaun Edwards a accumulé seize titres dont quatre championnats d’Angleterre, deux Coupes d’Europe, cinq victoires dans le Tournoi des VI nations dont trois grands chelems. Colossal!
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Moins médiatique, vu de France, que les futures arrivées de Galthié, Ibanez, Labit ou Servat à la tête des Bleus, le recrutement de Shaun Edwards pourrait être le plus joli coup du staff pour 2023. En important du XIII ses principes de défense, l’Anglais transforme tout ce qu’il touche en or.

Il n’est ni une tête d’affiche, ni le nom le plus ronflant des entraîneurs de la scène internationale. Il n’a ni l’appétence pour les choses médiatiques d’Eddie Jones, ni l’aura technique de Joe Schmidt, ni la réputation d’homme de fer de Steve Hansen. Shaun Edwards, pourtant, est certainement l’entraîneur le plus titré de la planète rugby et, dans l’ombre, un des techniciens les plus réputés.

Il est l’homme de tant de titres, en fait. Son travail au pays de Galles est couronné de trois Grands Chelems et deux victoires sèches. Avant cela, Edwards œuvrait aux Wasps (2001-2011) où son règne a coïncidé avec les heures les plus glorieuses du club alors londonnien : quatre titres de Champion d’Angleterre et deux sacres continentaux, au sommet de la très prisée H Cup.

Faites-le compte, cela fait 14 titres majeurs en 18 ans de carrière d’entraîneur ! Auxquels on peut ajouter un Challenge européen (2003) et une Coupe anglo-welsh (2006). Difficile de faire mieux. Et un constat : depuis son départ des Wasps en 2011 pour rejoindre définitivement Gatland au pays de Galles (il intervenait déjà comme consultant depuis 2008), le club à la guêpe n’a plus rien gagné.

Sa méthode : "L’attaque fait vendre des billets, la défense fait gagner des titres"

S’il attire les succès, c’est qu’Edwards a un secret. Ou plutôt un dada, dont il a fait sa spécialité et une activité exclusive : la défense. "L’attaque fait vendre des billets pour remplir les stades. La défense fait gagner des titres" répète-t-il à ses joueurs, comme un mantra. Les chiffres lui donnent raison. Les Gallois viennent effectivement de sécuriser leur troisième Grand chelem en onze ans en s’appuyant essentiellement sur une défense de fer. La preuve : la sélection de Warren Gatland a terminé plus mauvaise attaque de la compétition (10 essais inscrits seulement, à égalité avec l’Italie) mais aussi meilleure défense, et de loin (7 essais encaissés, soit plus de deux fois moins que la France). Plus fort encore : en 2008 pour les débuts d’Edwards à son chevet, le pays de Galles n’avait encaissé que deux essais en cinq matchs. Colossal.

Shaun Edwards ici avec Raphaël Ibañez
Shaun Edwards ici avec Raphaël Ibañez

Cette croyance et son empreinte sur le collectif qu’il dirige ont été très clairement identifiées, dès sa prise en mains des Wasps, en 2001. "Disons que nous avons été les premiers à maîtriser pleinement noter défense grâce au travail de Shaun Edwards, un gars qui a beaucoup compté pour moi, se souvient Joe Worsley, actuel entraîneur de l’UBB et ancien joueur des Wasps. À partir de 2008, on l’a vu entraîner les Wasps en semaine et le pays de Galles les week-ends internationaux. Il ne pouvait pas ne pas bosser au quotidien avec une équipe. Avec lui, nous sommes allés au fond des choses. Les Wasps de la grande époque, c’était une supériorité au niveau de la défense et de la condition physique. Toutes les équipes courraient après ça". Jusqu’à copier purement et simplement le système défensif des Londonniens.

"Un jour, Paul Gustard et Andy Farrell sont venus nous observer et ils ont réussi à importer nos méthodes aux Saracens. Vous connaissez le résultat…". Le résultat, ce sont des succès à la pelle construit sur un système défensif directement inspiré du Rugby XIII, dont Edwards fut un joueur de légende.

L'homme : docteur Shaun, mister Shaun

Pour parvenir à ses fins et mettre en place ses systèmes, Shaun Edwards ne lésine pas sur les moyens et la méthode. Rugueuse, pour le moins. "Il n’admet aucune excuse. Sa norme, c’est la perfection ou tout ce qui s’en approche" dit de lui la presse galloise. Avant de poursuivre : "Au cours de la dernière décennie, les multiples facettes du jeu gallois ont varié en qualité. La défense, jamais, parce que Shaun Edwards ne le permet pas. Pour lui, concéder un essai de consolation dans les dernières minutes, même quand le match est déjà gagné, est une injure au travail de la semaine. Cela peut suffire à faire bouillir son sang. Et Shaun Edwards furieux, c’est un spectacle que personne ne veut expérimenter".

Ses joueurs peuvent en témoigner. "Je l’ai vu arriver avec le pays de Galles, en 2008" se souviendra plus tard le troisième ligne Martyn Williams, qui avait initialement annoncé sa retraite internationale après l’échec du Mondial 2007 en France. "Croyez-moi : si j’avais su le type de régime qui nous attendait avec l’arrivée de Shaun, je ne serais jamais sorti de cette retraite !". Williams en avait rigolé. Edwards, lui, avait répondu sans jamais se départir de son sérieux. "Nous essayons de nous entraîner dans les standards les plus proches possibles de ce qui va nous arriver en match. C’est tout. Avec Warren, c’est notre manière de travailler. Il faut habituer le joueurs à travailler sous la contrainte, parce que c’est ce qui les attend en match. Je m’étonne que Martyn en soit surpris. Je pensais que tous les entraîneurs travaillaient ainsi".

Edwards, c’est une certain idée de la rigueur, du sérieux dans tout ce qu’il entreprend. Le quotidien anglais The Independant raconte : "son apparence est dure comme du fer, ses dents sont remarquables par leur absence parce qu’il ne sourit pas. Il a la réputation d’être le plus exigeant des maîtres d’œuvre mais, surtout, Edwards fait souffler un air de courtoisie à l’ancienne, qui a beaucoup à voir avec son éducation stricte de la classe ouvrière". So Brittish, jusqu’à l’austérité. Toujours dans le quotidien The Independent, l’intéressé préfère parler d’éducation. "Tout ce que je fais, c’est pour rendre ma mère et mon père fiers de moi. Vraiment. Ce ne sont pas des mots en l’air. Je ne vois pas ce qu’il y aurait de honteux à cela, même à plus de quarante ans".

Shaun Edwards
Shaun Edwards

Shaun Edwards rigole rarement. Il réfute pourtant l’image de monsieur propre. Gatland peut en témoigner, qui loge son entraîneur de la défense chez lui, à Cardiff, pendant les périodes internationales. A ce propos, "Gat’s" l’impeccable confia plusieurs fois son exaspération devant tant de bordel, les assiettes sales qui sèchent dans l’évier, les chaussettes sur la table du salon et les caleçons à sécher sur le radiateur de la salle à manger.

Paradoxal, pour un homme par ailleurs si méticuleux. Ancien trois-quarts centre du pays de Galles, Tom Shanklin se souvient : "Il ne vous parle que de rigueur, il est à cheval sur chaque détail. A l’entraînement, vous devez toujours avoir la bonne tenue. Et d’un seul coup, quand l’exigence est à son comble, il se pointe sur le terrain en jogging et perfecto, sans avoir prévenu personne. Et tout le monde se marre. Shaun Edwards, c’est ça". Un autre soir, pour une sortie organisée dans un pub de la capitale, il avait débarqué en baskets, trompant encore les consignes vestimentaires de la délégation galloise. Quand ses joueurs lui avaient demandé la raison de cet écart, Edwards avait retourné long de ligne, sans rire : "il faut toujours se tenir prêt. Vous ne savez jamais quand le coup d’envoi d’un match peut être sifflé".

Son histoire : au nom du père et en souvenir du frère

Cette force de conviction et de travail qui l’habite, jusqu’à le rendre dur comme la pierre, Shaun Edwards la puise dans une histoire personnelle tourmentée. L’histoire de son père, d’abord. Quelques années avant la naissance de son fils Shaun, Jack Edwards, alors joueur professionnel de rugby à XIII, était fauché à 24 ans par un accident de jeu avec son club de Warrington. Gravement touché à la colonne vertébrale, il n’a jamais pu rejouer au rugby. "Après ça, il n’a même jamais plus pu travailler", racontait Shaun Edwards, en 2008, au quotidien anglais The Independent.

"Il lui a fallu subir quatre opérations de la colonne, la dernière pour lui éviter de finir en fauteuil roulant. Le seul bénéfice qu’il a tiré de cet épisode, ce sont 500 livres sterling de dédommagement. Je crois que son club a participé à hauteur de 50 £". Les mots sont froids, cinglants. "Voilà, c’est notre sport et il est brutal". Handicapé à vie, Jack Edwards a alors poussé ses enfants à accomplir leurs rêves et, pour cela, à consentir les sacrifices nécessaires. Sans limite. "J’ai puisé beaucoup de motivation chez mon père. Il m’a poussé très fort. Il pouvait aussi être très sévère, mais il le faisait par amour. Il savait les efforts à consentir pour devenir un sportif professionnel". Cette éducation, parfois dure, a aussi permis au jeune Shaun Edwards de devenir très tôt un phénomène du rugby anglais.

À ce jour, il est toujours le seul rugbyman de l’histoire à avoir été à la fois, dans les catégories de jeunes, capitaine de la sélection anglaise à XV et à XIII. "Cela m’a attiré très vite une certaine notoriété chez moi, à Wigan. Mais la seule chose qui m’importait, c’était l’avis de mon père. S’il me disait que j’avais fait un bon match, ça me suffisait". Cette relation particulière père-fils, déjà fusionnelle, s’est renforcée en 2003 à la mort de Billie-Joe, deuxième fils de Jack Edwards et frère de Shaun, dans un accident de la route. "Mon frère aussi était rugbyman professionnel. Depuis qu’il n’est plus avec nous, je lui parle régulièrement et je lui demande de l’aide" poursuit Shaun Edwards, toujours dans les colonnes de The Independent.

"Quand je suis à Wigan, je prends toujours un peu de temps auprès de lui. Ma mère aussi passe des heures là-bas, c’est l’une des tombes les mieux entretenues que vous ne verrez jamais. Je ne sais pas si Billy-Joe est toujours là, quelque part parmi nous, mais beaucoup de gens vivent dans l’espoir qu’il y a quelque chose après la mort, n’est-ce pas ? Je l’ai ressenti particulièrement fort lorsque nous avons joué contre Angleterre, le jour de son 25e anniversaire. Je lui ai dit : "mon pote, si tu veux bien m’aider aujourd’hui, je pourrai peut-être le faire"". Le pays de Galles avait gagné à Twickenham.

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