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Bomati : "Dépasser les mentalités"

Par Rugbyrama
  • Pascal Bomati en finale de H Cup
    Pascal Bomati en finale de H Cup Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Non, vous ne rêvez pas. Mardi, 18h30, à l’Université de Perpignan, XV et XIII vont s’asseoir à la même table. Et partager la tête d’affiche. À l’initiative de L’Indépendant et du Midi Olympique, Bernard Laporte, président de la Fédération Française de Rugby à XV, vient à la rencontre de son homologue treiziste, Marc Palanques. L’objectif, un grand débat autour des principales thématiques qui agitent le rugby moderne : santé, business, formation... Jusqu’aux Coupes du monde où chacun rêve de voir les équipes de France triompher enfin. Un désir commun avant d’embrasser un destin commun ? Pascal Bomati a été pro à XIII, à XV. Et se charge de comparer les deux disciplines avant le débat Laporte-Palanques. 

Il se fait rare autant qu’il est exceptionnel. Discret et unique, Pascal Bomati est l’exception : le seul Catalan à avoir fait carrière au niveau professionnel dans les deux rugbys*. De la Super League avec le PSG (1996-1997) jusqu’au Top 14 sous les couleurs de l’USAP (2002-2007) en passant par Brive (1997-1999) et Pau (1999-2002), il est le Catalan ultime. Et Perpignan qui lui cherche désespérément un successeur alors qu’aucun de ses rugbymen n’a réussi à enfiler le maillot des Dracs et la tunique de l’USAP dans la foulée (et vice-versa).

À l’heure d’évoquer XIII et XV, impossible, donc, de crocheter l’ancien trois-quarts aux deux cultures. Aussi pertinent au micro que rare, bien trop rare depuis qu’il a raccroché les crampons.

Pascal, le XIII et le XV se ressemblent-ils ?

P. B. : Si c’était moins le cas il y a quelques années, ça l’est de plus en plus aujourd’hui. Et je constate que les deux sports se rejoignent là où le XV a le plus évolué : en terme de préparation physique, d’entraînement et d’hommes aussi. Quand je vois la préparation des joueurs qui sont devenus de vrais athlètes, quand je vois les temps de jeu qui deviennent importants, quand je vois Shaun Edwards qui fait toute sa carrière à XIII et qui est en passe d’intégrer le staff du XV de France, je me dis que le XV s’en inspire. Et qu’il y a de vraies similitudes.

USAP-Dragons : "On en est encore loin"

Beaucoup de similitudes, pourtant, peu de joueurs réussissent à s’imposer dans les deux disciplines…

P. B. : Il n’y en a pas 36 qui ont essayé non plus. Si l’on prend l’exemple de Fouad Yaha qui a récemment tenté sa chance à Agen avant de revenir aux Dragons trois ou quatre mois après être parti, on ne peut pas dire qu’on lui a laissé le temps de s’intégrer. Aujourd’hui, les enjeux sont tels que l’on veut des joueurs performants de suite. Or, lorsque je suis passé du PSG à Brive (1997), ma première année a été compliquée et c’est normal. Le rugby n’est pas le même, avec le jeu au sol, le jeu au pied qui est plus une arme offensive à XIII alors qu’à XV, c’est une base… Tout cela fait qu’à la fin de ma première année au CAB, le club aurait très bien pu me dire qu’on en restait là. Mais ils ont continué à me faire confiance et au bout de trois ans, je me suis senti beaucoup plus à l’aise.

Le XIII et le XV ne gagneraient-ils pas à se rapprocher ?

P. B. : U n rapprochement ? À quel niveau ? Structurel ? économique ? Des passerelles entre joueurs ? Et quand un bon joueur émerge, qui à la priorité ? Sûrement qu’il y a quelque chose à faire. Mais pour arriver à ça, il faudrait d’abord dépasser les mentalités. En Angleterre, par exemple, on se pose beaucoup moins de questions.

Le rugby à 7 n’est-il pas le trait d’union parfait ?

P. B. : J’ai fait une dizaine d’étapes sur le Circuit mondial (Hong-Kong, Argentine, Uruguay…) et je peux vous dire que c’est encore un sport différent. Mais qui reste très formateur. Les faits sont là : tous les jeunes néo-zélandais ou australiens passent par là. Et si on réfléchit un peu, un joueur de 7 qui évolue sur un terrain aussi grand ne devrait pas avoir trop de mal à s’adapter à XV. C’est un enchaînement de répétitions de courses. Physiquement, il faut être prêt. C’est spectaculaire et techniquement compétitif. De là à dire que c’est le chaînon manquant, je ne sais pas. Pour moi, c’est un sport à part entière. D’ailleurs, un très bon quinziste qui va sur le Circuit mondial n’est pas forcément un gage de réussite. Même Sonny Bill Williams.

Et l’USAP et les Dragons ?

P. B. : ça ne tient qu’à la volonté de deux hommes (les présidents François Rivière et Bernard Guasch). Mais certains quinzistes ont déjà du mal à s’entendre au moment de fusionner, alors je me dis qu’entre XIII et XV, on en est encore loin.

Bomati en finale du Top 14 2004 face au Stade français
Bomati en finale du Top 14 2004 face au Stade français Icon Sport

Bomati côté XV

Le Top 14 n’est pas le meilleur championnat du monde

Le Top 14 est-il la référence ultime ?

P. B. : Non, le Top 14 n’est pas le meilleur championnat de rugby au monde. Il y a de très bons joueurs étrangers en France mais quand on regarde le Super XV, il n’y a pas photo. Et je ne parle pas de la NRL. En France, la porte est ouverte à beaucoup d’étrangers. Les jeunes joueurs français ont peu de chances de s’exprimer. Résultat : oui, on a un très bon championnat, mais une petite vitrine avec l’équipe de France alors qu’on a une bonne formation.

La France a refusé la nomination d’un entraîneur étranger…

P. B. : Très honnêtement, encore une fois, j’étais favorable à un entraîneur étranger. En France, il y a beaucoup de copinage. Et si on veut une équipe de France forte, il faut construire avec des méthodes meilleures que sont les nôtres. Je ne dis pas que deux techniciens français ne peuvent pas se greffer à un tel staff. Mais je pense qu’il faut aller chercher les expertises là où elles se trouvent, là où elles sont bonnes. Lorsque j’étais au PSG, on avait des entraîneurs étrangers qui étaient déjà en avance en terme de préparation physique. Avant chaque match, le staff se tapait une grosse séquence vidéo et nous distribuait des fiches détaillées sur chaque joueur : son crochet favori, son pied fort, son épaule faible, il y avait tout ! ça, c’était il y a 25 ans. Et aujourd’hui, je ne suis pas sûr que tous les clubs pros analysent les matches de cette façon.

Bomati côté XIII

Toujours au même point

En quoi le XV doit-il inspirer le XIII ?

P. B. : Le XV est fort dans les grandes villes. à Lyon, par exemple, ils sont partis de rien, sauf que derrière, il y a une véritable économie qui pousse. Transposer ce modèle à Lézignan ou Carcassonne, ça me paraît compliqué. On le sait, à XIII, la médiatisation n’est pas la même, les moyens non plus, la formation est quasi nulle, et quand on a quelques bons joueurs, on se demande ce qu’on en fait. Il faudrait dix ou douze équipes comme les Dragons pour faire un championnat professionnel français. J’ai arrêté au XIII Catalan en 1995 et 25 ans après, on en est toujours au même point. Des hommes se succèdent à la tête de la Fédération, tous courageux à leurs niveaux, mais ils ont du mal à faire évoluer. Ce qu’a mis en place Bernard Guasch aux Dragons, il faudrait le décupler à l’échelle nationale, mais je souhaite bien du courage à celui qui arrivera à le mettre en place dans chaque ville. Un grand bravo à Bernard Guasch qui fait vivre le XIII en France, car aujourd’hui, la vitrine de la discipline, ce sont les Dragons.

*Didier Casbestany a fait toute sa carrière à XIII excepté une saison à XV avec la Section Paloise.

Propos recueillis par Matthieu Terrats

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