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Radradra : « Je ne me vois pas comme le mentor des Fidjiens »

  • Top 14 - Semi Radradra (Bordeaux) contre Toulouse
    Top 14 - Semi Radradra (Bordeaux) contre Toulouse
Publié le Mis à jour
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Il fait le bilan de sa deuxième saison en France, nous livre ses sensations sur le rugby fidjien et se projette sur la Coupe du monde au japon, où il espère que sa sélection y jouera un rôle important.

Midi Olympique : Comment jugez-vous la saison de l’UBB, qui une nouvelle fois échoue pour se qualifier aux phases finales ?

Semi Radradra : Elle aurait dû être meilleure. Personnellement, au départ, c’était un peu difficile pour moi, car il m’a fallu m’intégrer pour la deuxième fois en deux ans à un nouveau club. Au fur et à mesure, j’ai pu apprendre à connaître mes partenaires et à trouver ma place. Dommage que nous ne soyons pas parvenus à nous qualifier. Mais je me suis senti bien mieux qu’au RCT.

Pour quelles raisons ?

S. R. : Parce que cette année j’étais utilisé seulement à une seule position. Au centre. J’étais focus sur un poste, c’était plus facile que d’alterner entre l’aile et le centre. Et puis, à Toulon, je n’évoluais pas toujours avec les mêmes partenaires. N’oubliez pas que je débarquais du rugby à XIII où les repères ne sont pas tout à fait les mêmes. C’est pour ces raisons que j’ai l’impression d’avoir réalisé une meilleure saison avec l’UBB. En tout cas, je me sens plus épanoui.

Les attentes autour de vous sont toujours immenses :  on ne vous demande pas seulement d’être spectaculaire sur une ou deux actions, mais aussi davantage de constance...

S. R. : Vous savez, je n’ai pas besoin des médias ou du public pour me fixer des objectifs élevés ou me mettre la pression. Je le fais tout seul, je suis ambitieux. J’essaye de jouer mon meilleur rugby et surtout me mettre au service de l’équipe et de mes coéquipiers.

Quelles sont vos ambitions ? Disputer la Coupe d’Europe, jouer la victoire pour le Bouclier de Brennus ?

S. R. : J’aurais aimé que Bordeaux-Bègles atteigne le top 6 du championnat cette année. Je l’espère vraiment pour la saison prochaine. J’ai une préférence pour le Top 14 par rapport à la Coupe d’Europe, j’aimerais vraiment que l’UBB réussisse un coup en championnat. Je n’avais aucune idée du rugby français avant de débarquer à Toulon l’an passé. Je ne m’étais pas renseigné auprès de mes compatriotes. Je découvre l’engouement que suscite le rugby des clubs, ici, c’est génial. On joue dans de très grands stades, souvent pleins. Tu as l’impression qu’il y a autant de soutien populaire pour la ville que tu représentes que pour une sélection.

Qu’est-ce qui vous a surpris ici, en termes de rugby ?

S. R. : Les cadences, avec la répétition des matchs et le manque de plages de récupération. À XIII en Australie, sur une année, vous n’avez au maximum que 26 matchs à jouer en comptant les demi-finales et finale. Ici, tu joues tous les week-ends et presque pendant un an. Il faut, au corps, une phase d’adaptation. Les périodes de récupération sont très courtes. À VII, tu voyages beaucoup mais la saison ne dure aussi que six mois. Il y a dans ces deux disciplines une véritable intersaison où tu te reposes et, ensuite, tu te prépares. À XV, en Europe, tu rentres de vacances et quinze jours après, c’est déjà la compétition. Ce n’est pas une critique, mais un constat. Du, en NRL (championnat australien de rugby à XIII, N.D.L.R.), les matchs sont beaucoup plus intenses.

Quelles relations avez-vous avec vos compatriotes fidjiens du championnat ? On dit souvent qu’il existe une forte cohésion entre vous...

S. R. : Cela vient du fait que les Fidji, c’est très loin d’ici ! C’est vrai que nous sommes très nombreux à évoluer en France en Top 14, en Pro D2 mais aussi dans les divisions fédérales. Chaque club possède son joueur fidjien, même chez les amateurs. Oui, il existe une véritable communauté. Les anciens essayent de conseiller ceux qui débarquent ici, sur la culture, le niveau sportif. Il m’arrive de partager le kava avec les compatriotes adversaires après les matchs.

Avez-vous un rôle à tenir, vis-à-vis d’autres qui connaissent quelques soucis extra-sportifs ?

S. R. : Je ne me vois pas comme le mentor des Fidjiens. Ce n’est pas à moi de dicter leur comportement. Certains connaissent de véritables difficultés d’intégration, d’autres sur l’hygiène de vie. Sisa Koyamaibole a monté une structure pour les aider. Si certains font appel à moi, me posent des questions, j’essaye de répondre. Je me dois d’aider mes compatriotes, notamment les plus jeunes. Nous sommes très loin du pays, et quelques-uns peuvent céder à de mauvaises tentations . Je sais que certains nous prennent pour des modèles. Nous, les « top players », nous nous devons d’avoir une conduite exemplaire, de servir de référence, d’avoir une attitude professionnelle, sur et en dehors du terrain mais après, ce n’est pas à nous, je le répète, de dicter leur conduite. Nous sommes là pour donner les clés de la réussite, à eux de les suivre. Ou pas.

Comment expliquez-vous les difficultés de discipline, d’hygiène de vie de certains Fidjiens ?

S. R. : Il ne faut pas venir en Europe trop tôt, car c’est un véritablement déracinement. On le voit avec les problèmes qu’ont pu rencontrer des garçons comme Talebula sur le poids ou Ratini dans sa vie. Je vous cite ces deux joueurs car nous étions ensemble en sélection de jeunes. Les tentations sont importantes ici.

Quel est le secret de votre physique ?

S. R. : La diététique. Il faut faire attention à la nourriture, surtout ici en France avec la nourriture à base de beurre, les pains au chocolat notamment. Cela n’existe pas aux Fidji, c’est très bon... mais pas pour ton corps ! Il faut préférer le poisson et les légumes et limiter tes glucides. Tu peux t’autoriser un extra par semaine, après le match, mais il ne faut pas abuser, autrement tu prends du mauvais poids. Je ne pèse pas mes aliments mais je régule énormément ma nutrition. Avec ça et aussi de vraies plages de sommeil, régulières, pour que le corps récupère. Il ne faut pas oublier que si le rugby est un jeu, ton corps est ton outil de travail. Donc il faut le ménager. En Australie, à XIII, vous avez énormément d’outils, de coachs, de moyens pour vous préparer au plus haut niveau. Les matchs, je le disais, sont plus durs, notamment physiquement, donc il faut mettre l’accent encore plus sur les entraînements. Aujourd’hui, je n’ai pas de coach personnel, mais quand j’ai besoin d’un conseil dans un secteur, j’ai gardé quelques contacts qui s’avèrent précieux. Après, les étirements sont aussi très importants, avant et après les entraînements. Plus vous êtes souple, mieux votre corps se porte. Vous seriez surpris de mes maximums en musculation. Ils ne sont pas très élevés. Je préfère travailler en fréquence que sur la puissance. Je serais moins à l’aise sur le terrain si j’étais plus lourd.

Connaissez-vous votre vitesse maximum ? 

S. R. : Je ne regarde pas trop mes data, après les matchs, mais je crois que j’ai déjà atteint 35 ou 36 kilomètres par heure en vitesse de pointe. Les statistiques n’expliquent pas tout, il ne faut pas trop s’y fier.

Quel est votre objectif pour la Coupe du monde ?

Déjà, c’est de faire partie de l’équipe ! À mon poste, il y a beaucoup de très bons joueurs qui évoluent notamment en Top 14. Je pense d’abord à Vatubua, Botia, Waisea ou encore Goneva ou Tuisova…

Et pour les Fidji ?

Nous sommes dans une poule dense. On souhaite se qualifier pour les quarts de finale. Nous pensons que nous pouvons faire quelque chose lors de ce Mondial. Le match face à l’Australie sera très important pour la qualification.

Si vous vous qualifiez, vous pourriez croiser la France en quarts de finale ?

Si la France y arrive ! (rires). Vous restez une grande nation du rugby et je ne suis pas très inquiet sur le long terme pour votre niveau. Seulement, maintenant, vous n’avez plus de marge face à des nations comme nous. Quand les Français nous ont affrontés, j’ai eu l’impression qu’ils pensaient que le match allait être assez facile alors que pour nous, c’était l’objectif du mois de novembre. Notre volonté était supérieure et nous a permis de l’emporter.

On a l’impression que la hiérarchie au sein de la sélection fidjienne ne se fait pas seulement d’un point de vue strictement sportif... Est-ce vrai ?

S. R. : Il y a chez nous un vrai respect de l’aîné, qui est forcément plus expérimenté que le plus jeune. On tient compte aussi du nombre de sélections. Personnellement, je n’ai que trois sélections donc je me dois d’être respectueux de mon partenaire ou concurrent qui en possède trente. C’est normal qu’il passe en premier. Pour le Mondial, le sélectionneur John McKee nous a prévenus que les compteurs seraient remis à zéro au départ de la phase de préparation.

Le sélectionneur McKee vous suit-il au quotidien ?

S. R. : Non, pas trop. Je sais qu’il aime bien communiquer par les réseaux sociaux, notamment Facebook, or je n’y suis pas. La Fédération s’est renseignée sur ma blessure par mail, il y a une quinzaine de jours.

Avez-vous déjà préparé votre après-rugby ?

S. R. : J’ai monté un business de fabrication de Kava (boisson traditionnelle fidjienne à base de plantes endémiques), et je compte après ma retraite le développer. Pour le moment, la vente se fait simplement aux Fidji, mais je compte après augmenter ma production pour pouvoir l’exporter. Et puis, une fois retraité je vais aussi m’occuper de la carrière de mes deux jeunes frères.

C’est-à-dire ?

S. R. : Ils sont âgés de 15 et 17 ans mais sont meilleurs que moi ! Ils ont un vrai gros potentiel pour faire une belle carrière en Europe. Ils jouent aux Fidji pour notre village, Somosomo, mais pour qu’ils viennent ici, j’aimerais qu’ils soient encadrés. Il ne faut pas qu’ils passent de notre île à une grande ville européenne. Le palier serait trop grand. Ils savent déjà parler anglais mais, pour le moment, n’ont aucune notion de la culture européenne si ce n’est ce qu’ils apprennent à l’école. Une des solutions peut être d’intégrer l’équipe fidjienne qui dispute le championnat australien pour se familiariser à la vie occidentale, et se faire remarquer. Mais je serai là pour les surveiller. Ils le savent, je suis déjà sur leur dos. Vous savez, ce n’est que depuis une vingtaine d’années que l’anglais est obligatoire à l’école dans tous les Fidji.

Comment expliquer que les Fidji sortent autant de bons joueurs ?

S. R. : Tout le monde chez nous pratique le rugby. Vous savez, les Fidji, c’est un archipel de plus de 300 îles et dans chacune d’entre elles, il y a dix Botia ou Tuisova en puissance. Mais on ne le sait pas, car ce n’est pas très structuré. C’est pour cela que va se dérouler, sur mon île, un grand tournoi de détection pour les jeunes. Je suis en train de monter un Tournoi qui doit être organisé cet été, où un maximum d’îles vont venir présenter leurs meilleurs jeunes sur deux jours, lors d’une compétition de rugby à VII, en présence de scouts venus des Fidji mais aussi d’Australie. L’idée, ce n’est pas de les faire partir de chez eux, mais de réussir un évènement qui en suscitera d’autres. Quarante équipes fidjiennes vont disputer ce Tournoi. Si on peut structurer un circuit, cela développera notre sport.

Quel est le meilleur joueur de l’histoire des Fidji ?

S. R. : Rupeni Caucaunibuca ! Sans hésiter. « Caucau », il savait tout faire et à très grande vitesse. Il était mon modèle. C’est d’ailleurs notre seule véritable star mondiale.

Pourtant, il n’était pas un exemple au niveau de l’hygiène de vie...

S. R. : Certes, mais comme je le disais, et je m’en suis rendu compte, la nourriture française est très tentante ! Il faut un véritable cadre pour ne pas déborder. Mais même avec quelques kilos en trop, « Caucau » restait au-dessus du lot.

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