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Huget : « Il me reste trois chances pour aller chercher le Bouclier »

  • Yoann Huget rêve d’un titre qu’il n’a toujours pas connu avec le Stade toulousain . Photo MO - DP
    Yoann Huget rêve d’un titre qu’il n’a toujours pas connu avec le Stade toulousain . Photo MO - DP
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L’international clame son rêve de soulever enfin le Brennus au Bapitole (il a disputé deux matchs en 2008, dans des équipes composées essentiellement d’espoirs, quand le Stade avait été sacré champion). Sans filtre, il évoque aussi les leçons de la demie au Leinster, la vie de ce groupe, la concurrence qui l’a privé de phases finales l’an passé, le Mondial avec le XV de France ou les réseaux sociaux sur lesquels il est souvent moqué.

Midi Olympique : Avez-vous regardé la dernière finale européenne ?

Yoann Huget : Quand tu finis à un match de la finale, c’est difficile mais j’ai regardé de l’œil gauche (rires). Objectivement, les Sacarens et le Leinster sont formatés pour la Coupe d’Europe et nous sommes déjà contents de notre parcours. Il nous manque encore quelque chose pour les rejoindre mais j’espère que ce sera le cas dans les années à venir.

 

Le revers en demie a-t-il servi à mesurer la marge ?

Y. H. : Il a servi pour ce qui se passe autour. L’exposition est décuplée, le droit à l’erreur minime. C’est utile pour préparer la demi-finale de Top 14. Au Leinster, le groupe était resté naturel, fidèle à lui-même, avec des sourires une demi-heure avant le match. Il faut basculer dans une autre dimension. L’équilibre est dur à trouver. Il ne faut pas être trop bloqué, ni trop décontracté. L’expérience européenne aidera à faire encore mieux.

 

Vos discours étaient plutôt positifs après le match…

Y. H. : Celui d’Ugo (Mola) l’avait été. Et réaliste car pour battre une telle équipe, comme France-All Blacks de 99, il fallait que chaque coup soit gagnant, que notre jeu soit millimétré. Ce n’était pas le cas. Mais cela n’a rien à voir avec une défaite en phase finale de championnat, quand la saison est finie. On ne pouvait pas se permettre d’être abattus. Et on n’avait pas le choix car, cinq jours plus tard, on jouait à Castres, le champion de France.

 

Vu le contexte avec le CO, ce rendez-vous tombait bien…

Y. H. : C’était le match parfait à l’extérieur, sans pression, contre une équipe qui ne nous réussissait pas. On voulait changer la tendance, montrer notre caractère. C’était un peu le remake de la demi-finale, ça tapait fort, avec peu d’espaces. Il fallait être précis et on a su répondre, notamment devant. On parle des trois-quarts mais nos avants font une énorme saison. Quand tu as Rynhardt (Elstadt) ou Joe (Tekori) qui font tout ce boulot, c’est plus facile pour jouer les turnovers derrière (sourires).

 

Les avants ne sont d’ailleurs pas trop jaloux ?

Y. H. : Au Stade toulousain, quand ça marchait, on parlait de Poitrenaud, Clerc, Heymans, Jauzion ou Fritz, de Milou (Ntamack) à une autre époque. Mais si tu regardes la première ligne avec Omar Hasan, William Servat et "Brad " Poux, avec Pato Albacete ou Millo-Chluski derrière, tu comprends que ce pack pouvait voyager. Les trois-quarts ont toujours brillé grâce aux avants ici. Eux font le travail de l’ombre et on n’a plus qu’à marquer (rires).

 

Le classique salut après un nouvel essai face à Toulon au Stadium
Le classique salut après un nouvel essai face à Toulon au Stadium

 

Cette saison, vous ne cessez de louer les qualités humaines de ce groupe. Qu’a-t-il de si spécial ?

Y. H. : On voit sa force sur sa capacité à rester ensemble en dehors des entraînements. La fameuse phrase "le groupe vit bien", on l’entend partout. Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce qu’on vit bien sur le terrain ? Tout le monde le fait : tu plaques, tu fais des passes. Mais en dehors ? Est-ce que les mecs viennent jouer aux cartes sur leurs jours de repos ? Oui. Est-ce qu’ils rentrent chez eux vite fait entre midi et deux ? Non, ils sont là du matin au soir, à partager des moments dans la salle de vie. C’est ça la nature du groupe. On passe nos journées entières ensemble, à s’entraîner mais aussi manger, regarder la télé, jouer aux cartes, discuter, se brancher. Il y a un esprit.

 

La phrase "le groupe vit bien", on l’entend partout. Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que les mecs viennent jouer aux cartes sur leurs jours de repos ? Oui. Est-ce qu’ils rentrent chez eux vite fait entre midi et deux ? Non.

 

Comment la cohésion se retranscrit-elle en match ?

Y. H. : À Castres par exemple, quand on mène d’un point et qu’on est arc-boutés sur notre ligne dans les dernières minutes, quand trois mecs montent comme des fous pour contrer le drop d’Urdapilleta. Là, on sent le caractère, la volonté de ne rien lâcher. Mais tout ne se passe pas bien à l’entraînement et ça s’accroche presque à chaque séance. Certains mecs ne jouent pas et ont envie de prouver, donc on est souvent à la limite (sic). C’est ce que nous demande le staff. Les jeunes sont mordants et les anciens râlent. Ça fait ressortir le côté compétiteur mais, une fois sortis du terrain, les mecs sont contents de se retrouver.

 

Médard dit que ça lui rappelle sa jeunesse stadiste, quand les anciens ne voulaient pas laisser la place…

Y. H. : C’est la même chose qu’à l’époque de Guy (Novès) et les fameuses oppositions chaque semaine. Nous étions entraînés par Didier (Lacroix), Milou (Ntamack) ou Christophe Guiter, et c’était notre vrai match, plus dur que celui du samedi. Ça chacaillait (sic) pas mal. On avait une belle équipe avec Antoine Battut, Julien Audy, Max Médard, Max Mermoz, etc. Quand les pros avaient gagné, ils levaient un peu le pied mais on était là pour les réveiller. Ils ont peut-être remporté autant de titres car on les a parfois poussés dans leurs retranchements. C’est pareil pour les jeunes aujourd’hui. Ils ont raison, j’ai été à leur place.

 

L’an passé, vous avez justifié votre prolongation par votre volonté de soulever le Brennus au Capitole…

Y. H. : J’ai ça dans la tête. C’est mon objectif quand je me lève le matin, même si je ne me rase pas (rires). On joue des phases finales mais ce truc supplémentaire qui t’offre des titres est dur à accrocher. C’est ma motivation première pour m’entraîner tous les jours. On cravache depuis 2012 et j’espère que ce groupe sera bientôt capable de décrocher le Brennus. Il le mérite.

 

Est-ce un manque dans votre carrière ?

Y. H. : Si je réponds non, je suis un menteur. Des mecs n’ont jamais connu l’équipe de France mais ont gagné deux Boucliers. Tu te dis : "Je fais autant d’efforts qu’eux, c’est un problème de génération ?" On se pose des questions mais le Stade toulousain est une belle machine et ça reviendra un jour ou l’autre. Il me reste trois chances pour aller le chercher. Si ce n’est pas cette saison, il n’y en aura plus que deux. Il faut que j’arrive à exaucer ce rêve de me rendre au Capitole avec le Bouclier.

 

À l'action face à Pau.
À l'action face à Pau. Icon Sport

 

Votre rigueur et votre faculté à vous imposer des séances supplémentaires viennent-elles de là ?

Y. H. : Je veux finir ma carrière sans regret, en ayant tout donné. S’il faut m’infliger des séances en plus pour progresser et durer longtemps, je le ferai. Je ne me vois pas raccrocher les crampons et dire : "Si j’avais été plus rigoureux, plus professionnel…" Je fais le maximum, donc j’ai la carrière que je mérite. Pareil pour les Coupes du monde : je n’ai pas franchi ce palier car ça doit se passer ainsi.

 

Avez-vous peur d’être maudit et de rater le Japon ?

Y. H. : Non, si c’est le cas, ça fera partie de ma carrière. Je suis le roi de la préparation (rires). Mais il n’y a aucune malédiction.

 

Vous étiez hors du groupe lors du barrage perdu contre Castres l’an passé. Comment l’aviez-vous vécu ?

Y. H. : Ce fut une remise en question comme je n’en avais jamais connu auparavant. Si je n’étais pas retenu, que le choix soit tactique, technique ou autre, c’est que je n’en avais pas assez fait pour être indiscutable. Je l’ai davantage pris pour moi. Remettre en cause mes coéquipiers ou le staff aurait été trop facile. C’était frustrant et douloureux car je reste un compétiteur mais cela m’a servi pour travailler à l’intersaison et rebondir dès les premiers matchs. Ça me sert encore car je ne veux plus louper ces moments-là.

 

Sur le coup, comprend-on l’explication donnée ?

Y. H. : On l’entend mais, pour être honnête, on ne la comprend pas. Je suis un gros râleur mais j’essaie de râler sur ce que je peux maîtriser. C’était un choix stratégique qu’il fallait l’accepter. Si je suis irréprochable quand on me donne le maillot, ce sera plus dur à avaler. Je l’avais peut-être moins été avant Castres.

 

C’est d’autant plus dur que vous en êtes en concurrence avec Médard, un de vos meilleurs amis…

Y. H. : Le choix se fait souvent entre nous ces dernières saisons. On a deux profils différents. Max, c’est mon pote, avec son jeu. S’il est aligné, je suis content pour lui mais nous sommes beaucoup trop amis. On est en compétition, pas en concurrence.

 

Tour d'honneur après la victoire face à l'Italie dans le Six Nations
Tour d'honneur après la victoire face à l'Italie dans le Six Nations Icon Sport

 

Vous avez récemment parlé des qualités exceptionnelles de Cheslin Kolbe, pourtant un concurrent direct…

Y. H. : Que dire sur Cheslin ? Chacun voit ce qu’il réalise sur un terrain. C’est remarquable, surtout quand il a du champ. Plutôt qu’être en concurrence, il faut être au diapason d’un joueur pareil, savoir quelles sont ses forces et ses rares faiblesses. Nous, on doit juste lui donner le ballon le plus vite possible (sourires). Après, il fait ce qu’il veut et on s’adapte pour rester dans son axe.

 

Revenons à l’équipe de France. Que change pour vous le fait d’être en année Coupe du monde ?

Y. H. : Le Tournoi a été éprouvant mentalement mais j’ai assez d’expérience pour relativiser les choses qui sont dites. Les années pré-Coupe du monde sont dures depuis 2011, avec trois déplacements dans le Tournoi, un jeu pas bien huilé. Nous ne sommes pas les Britanniques, avec un groupe fermé et prêt pour le Mondial. C’est notre culture et on ne peut pas se permettre de se gérer en club. Il participe tellement à la sélection. Quand le nôtre n’allait pas bien, il n’y avait pas six Toulousains à Marcoussis.

 

Qu’est-ce qui a été dur à vivre ? La pression ?

Y. H. : Non, ce qui se passe autour et qui peut chambouler un groupe. On savait que ce Tournoi serait difficile, avec de nombreux nouveaux. Ils ont un talent énorme mais peu de maturité pour affronter ça. Il faut laisser le temps d’apprendre. Sexton ou Farrell ont raté des choses en début de carrière mais sont toujours là. On doit faire confiance à nos jeunes aux postes clés. Après l’Angleterre ou l’Irlande, on leur a dit qu’on devait en passer par là. Ils ont les qualités pour vivre les dix prochaines années avec le XV de France. Il faut faire le vide durant les 48 heures précédant le match, ne pas trop regarder les réseaux sociaux. Antoine (Dupont) ou Romain (Ntamack) ont déjà un sacré caractère mais ce sont des étapes à surmonter.

 

La présence de Fabien Galthié, le futur boss, ne va-t-elle pas modifier les comportements face à lui au Mondial ?

Y. H. : Fabien connaît le groupe pour l’avoir suivi comme commentateur. Sa compétence technique et sa passion sont une plus-value non négligeable, il faut le dire. Mais la prochaine étape est la Coupe du monde, pas le Tournoi. Chacun jouera un rôle précis afin qu’il reprenne le XV de France au mieux avec une nouvelle génération par la suite. Mais trop y réfléchir serait un danger.

 

Huget célèbre son essai face à l'Écosse au Stade de France
Huget célèbre son essai face à l'Écosse au Stade de France Icon Sport

 

Voudrez-vous continuer la sélection après le Japon ?

Y. H. : Je ne me suis pas encore posé la question. Il y a des échéances en club, une grande en sélection. Les états d’âme personnels, on en discutera avec le staff en place. Vais-je continuer ? Arrêter ? Je vais finir cette saison le mieux possible et j’espère faire la Coupe du monde. Après, on verra…

 

On n’a pas l’impression que vous avez envie d’arrêter, au contraire de Wesley Fofana qui l’a annoncé…

Y. H. : C’est peut-être en accord avec son staff, je ne sais pas. Lui a vécu 2015 et n’a pas la même frustration que moi. Mais je n’irai pas pour autant jusqu’en 2023 (sourires). Il faut aussi être réaliste, une nouvelle génération arrive, un groupe va se former avec des jeunes. Fera-t-on un dernier Tournoi comme certains anciens ? Aucune idée. Je n’aime pas me fixer de date butoir. Je vis ce que j’ai à vivre et, quand le moment sera venu, ce sera stop.

 

Vous êtes souvent sujet de moqueries sur les réseaux sociaux. À cause de votre style de jeu hyperactif ?

Y. H. : Dès lors que ça ne touche pas ma famille, ça fait partie du jeu. On ne peut pas utiliser les réseaux sociaux pour les bons côtés, ce qu’ils nous rapportent, se réjouir d’être en vogue quand ça marche et tout fermer quand ça ne va pas. Il faut prendre Twitter comme c’est, avec ces attaques gratuites. L’avantage est que, trois heures après, c’est oublié. Il y a aussi des choses drôles comme les moqueries sur le short que j’ai donné au Leinster. Tant que c’est gentillet, ça ne me dérange pas.

 

Même quand vous réalisez un bon Tournoi, à titre personnel, comme le dernier ?

Y. H. : L’essentiel, c’est ce que je fais sur le terrain. Je dois peut-être plus prouver que d’autres mais ça ne m’interroge pas. Ce Tournoi a été positif pour moi, malgré la grosse erreur contre le pays de Galles, mais je ne peux pas changer mon style à 32 ans. Je laisse dire, on ne peut pas tout contrôler. J’ai une vie de famille. Le plus important, c’est quand je rentre chez moi, quand je vois les yeux de mes filles et de ma femme.

 

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