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Garbajosa : « Notre choix du pragmatisme était un suicide »

Par FAURE Léo
  • Xavier Garbajosa apparaît quelque peu abattu sur la touche à l’issue de la demi-finale perdue. L’entraîneur connaissait son dernier match à la tête du club de La Rochelle. Sa dernière saison fut marquée par un beau final sportif, mais aussi des agitations en coulisses.
    Xavier Garbajosa apparaît quelque peu abattu sur la touche à l’issue de la demi-finale perdue. L’entraîneur connaissait son dernier match à la tête du club de La Rochelle. Sa dernière saison fut marquée par un beau final sportif, mais aussi des agitations en coulisses. Patrick Derewiany / Midi Olympique
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Au calme, dimanche matin, Xavier Garbajosa a accepté de revenir sur la défaite de son équipe en demi-finale face au Stade toulousain, samedi, qui était aussi son dernier match comme entraîneur du Stade rochelais. Entre la frustration de la défaite, les regrets sur les choix stratégiques de son équipe et les relations tendues en interne, avec sa direction, "Garba" se lâche, comme on se soulage.

À froid, que retenez-vous de cette défaite en demi-finale ?

Xavier Garbajosa : C’est toujours tellement dur de parler après une défaite… C’est crispant. Si je reste froid et analytique, je retiens qu’on est tombé sur une équipe de Toulouse qui a bien maîtrisé son sujet. Ils ont fait preuve de cette maîtrise toute la saison et encore lors de cette demi-finale. En première période, nous avons laissé paraître une capacité de les bouger, de les déplacer. Mais la logique est finalement respectée. Dans le sport de haut niveau, le mérite a encore une valeur. Il faut croire que les Toulousains, au regard de leur saison, méritaient plus cette finale que nous.

Sans contestation, donc ?

X.B. : Franchement, non, il n’y a pas de contestation à émettre. On parle souvent des trois-quarts toulousains mais leur paquet d’avants a réalisé une énorme performance. Nous avons rivalisé en conquête mais dans les rucks, dans le jeu debout et leur capacité à être toujours en mouvement, ils nous ont été supérieurs. Leurs joueurs se déplaçaient mieux mais, surtout, le ballon se déplaçait plus vite quand ils l’avaient. Nos joueurs plaquaient, ils croyaient avoir enrayé leur mouvement et immédiatement en se relevant, ils constataient que le ballon était déjà reparti.

Malgré tout, à l’heure de jeu, vous n’êtes qu’à un point derrière (7-6)...

X.B. : Le tournant, c’est leur deuxième essai. Je trouve aussi qu’on a manqué d’ambition dans notre approche de ce match. C’est ce qui me frustre le plus. Nous avions fait le choix du pragmatisme. Mais franchement, même les béotiens de ce jeu savent qu’il ne faut pas rendre de ballons faciles à Toulouse. Et encore, en première période, on s’en sort bien. Sur les ballons qu’on leur rend, Mauvaka met un doigt de pied en touche, Ramos fait un en-avant de passe sur Dupont. Sinon, il y a déjà deux essais de plus dans les trente premières minutes. Il ne faut pas l’oublier. Longtemps, nous avons plié sans rompre. Mais nous ne faisions que repousser l’échéance, sans vraiment nous donner les moyens de gagner.

C’est la seule finalité, dans ce métier : la meilleure méthode est celle qui fait progresser les joueurs. Et celle qui gagne. Parfois, je ne retrouvais plus cela. Donc, il n’y avait pas le choix. Il fallait partir

Regrettez-vous ce pragmatisme ?

X.B. : Oui. Derrière, je pense qu’on pouvait rivaliser avec n’importe qui, y compris Toulouse. On a les mêmes profils de joueurs qu’eux. Mais devant, ils nous ont étouffés. Dès lors, je crois que nous aurions eu intérêt à beaucoup plus tenter. Ces Toulousains sortaient d’une semaine sans match. Avant cela, ils avaient joué deux matchs sans gros enjeu. Je crois qu’on aurait eu tout intérêt à tenter de les surprendre, à leur mettre de la vitesse. Je revois ces ballons dont on se débarrasse au pied… Pourquoi n’avons-nous pas tenté la passe de plus ? Je le regrette.

Parlez-vous là de faits de jeu ou de choix stratégiques ?

X.B. : Il y a des choix qui ont été faits. Personnellement, je suis comme d’autres, comme Ugo (Mola, N.D.L.R.) par exemple, marqué au fer rouge par une éducation toulousaine. C’est ma culture. Je comprends que parfois, l’hiver, avec un groupe à gérer et une saison longue, il faut savoir faire preuve de pragmatisme. Gagner d’un point et dégueulasse, sur un drop ou un contre, ça fait partie d’une saison. Mais sur cette demi-finale, qu’avions-nous à perdre ? Le Stade rochelais était en Pro D2 il y a cinq ans. Il jouait ce week-end sa deuxième demi-finale de Top 14 ! Il n’y avait aucun risque à se lâcher et à oser ! Les Toulousains sont meilleurs que nous, on le savait avant le match. Devant notamment et ils l’ont prouvé samedi. Il fallait les surprendre. Il fallait déplacer les ballons, jouer, oser, déplacer ces Toulousains. C’est ma conviction profonde.

C’est pourtant sur un rugby pragmatique que vous avez gagné votre barrage au Racing 92…

X.B. : Ce n’est pas la question fondamentale, de savoir comment il faut gagner. Ça, on s’en fout. Castres a gagné l’an dernier dans un autre rugby parce qu’il amenait ses adversaires sur un terrain qui lui était favorable, où il se battait avec ses armes les plus fortes. Bravo à eux. Samedi, est-ce que nos armes les plus fortes étaient dans la gestion ? Est-ce qu’on a la qualité suffisante pour rivaliser avec Toulouse dans ce registre ? Aux échecs, vous ne battrez pas Toulouse. Pour donner notre meilleur, nous aurions dû prendre plus d’initiatives. C’est ma conviction profonde. Samedi, nous avons été frileux. Être froid, c’était un suicide. Ce message, je n’ai certainement pas su le faire passer, en interne. Au lieu de ça, nous avons rendu des ballons faciles à Kolbe, un mec qui peut vous asseoir dans une cabine téléphonique. Je le répète, c’était un suicide. Au final, est-ce que le rugby a gagné, samedi au terme de notre demi-finale ? J’ai la faiblesse de le croire. Mais je ne suis peut-être pas objectif, c’est mon ADN et mon histoire qui parle.

Ce match était aussi votre dernier au Stade rochelais. À quel moment cette émotion vous a-t-elle rattrapé ?

X.B. : Je ne peux pas dire qu’elle m’a vraiment rattrapé soudainement. Mon dernier match ici, ça aurait pu être à Deflandre, lors de la dernière journée où nous n’étions sûrs de rien pour la qualification. Ça aurait ensuite pu être la semaine dernière au Racing. Puis ce week-end à Bordeaux. Disons que j’étais comme un enfant qui compte les jours avant la rentrée des classes. L’échéance, on peut la repousser mais elle finit toujours par arriver.

Que gardez-vous de ces cinq années au club ?

X.B. : Ces cinq années, je ne les ai pas vu passer. Hormis la dernière. Là, en une saison j’ai grandi de cinq ans. J’ai passé de bons moments ici, d’autres moins glorieux. Ça participera à mon apprentissage, à mon éducation.

Qu’avions-nous à perdre ? Le Stade rochelais était en Pro D2 il y a cinq ans. Il jouait ce week-end sa deuxième demi-finale de Top 14 ! Il n’y avait aucun risque à se lâcher et à oser !

Ce n’est pas un secret, vos relations avec vos dirigeants ont été particulièrement tendues cette dernière saison. Y a-t-il de la rancœur ?

X.B. : Il y a un sentiment de frustration, pas de rancœur. Nous avons cassé une dynamique. Et puis, certains trouvent des ressources dans le conflit. Moi, je ne me construis pas dans le conflit. Je ne sais pas faire. Ce que je regrette le plus avec ce qu’il s’est passé cette année, c’est que nous avons terni l’image du club, de l’institution. Je dis bien "nous", je m’inclus dedans. L’épisode de l’été dernier a cassé quelque chose. La dynamique d’une équipe, l’équilibre d’un collectif et ses relations humaines, c’est une matière première très fragile. Parfois, nous n’avons pas respecté les joueurs, avec un fonctionnement qui les mettait le cul entre deux chaises. Oui, pour toutes ces raisons, cette dernière saison a été longue et difficile.

Êtes-vous amer ?

X.B. : Je ne peux pas vivre avec le passé. Bonnes ou mauvaises, j’espère que ces expériences me feront grandir. En tant qu’homme et en tant qu’entraîneur. Je ne veux pas regarder derrière. Chacun pensera ce qu’il veut de moi à La Rochelle. Que j’ai apporté quelque chose à ce club du Stade rochelais, ou non. Que je suis con, ou non. Une chose est sûre : j’ai toujours tout fait à fond et en respectant mes convictions.

En partant à Montpellier, vous allez passer entraîneur principal. Était-ce une simple opportunité ou une envie plus profonde ?

X.B. : Je me suis pris au jeu de ce métier, c’est vrai. Il faut bien comprendre qu’initialement, je n’avais pas vocation à entraîner. C’est un ami toulousain qui m’a poussé là-dedans. C’est quelque chose dont j’avais peur. J’avais peur de ne pas être bon, de décevoir les joueurs, d’être ridicule devant eux. D’ailleurs, je n’ai pas toujours été bon, je le sais. Il y a aussi une notion d’exemplarité qui m’a tracassé. J’ai été joueur et moi le premier, je n’ai pas toujours été exemplaire. Entraîner après ça, ce n’est pas facile. Patrice Collazo m’a tendu la main, je ne l’oublie pas. Je n’ai pas voulu laisser passer l’opportunité. Et finalement, je me suis pris au jeu.

Quitter le Stade rochelais était-il devenu une obligation ?

X.B. : Une obligation, je ne sais pas. C’est la résultante de tous les événements des derniers mois. Je persiste à croire qu’on aurait pu travailler ici avec des convictions différentes, pour tirer le meilleur des joueurs. Nous n’avons pas toujours fonctionné en pensant aux joueurs, je le regrette. Parce que c’est la seule finalité, dans ce métier : la meilleure méthode est celle qui fait progresser les joueurs. Et celle qui gagne. Parfois, je ne retrouvais plus cela. Donc, il n’y avait pas le choix. Il fallait partir.

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