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Fofana : « J’estime que j’aurai fait mon temps en équipe de France »

  • XV de France - Wesley Fofana à l'entraînement avec les Bleus
    XV de France - Wesley Fofana à l'entraînement avec les Bleus Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Il est descendu pile à l’heure, à 13h samedi dans le hall de l’hôtel Marriott’s du Cap d’Ail, où le rendez-vous avait été fixé. Un bandage de taping sur chaque adducteur (« rien de méchant, mais avec le rythme de préparation que l’on tient, tout le monde a un petit bobo quelque part »), Wesley Fofana s’est ainsi laissé aller au petit jeu des questions-réponses, avec la décontraction et la franchise désarmante qui lui appartiennent. À déguster frais, avant sa dernière aventure avec les Bleus.

Vous vous préparez actuellement à disputer votre deuxième Coupe du monde. Sincèrement, avez-vous eu peur de la manquer ?

Non, je n’ai pas eu la trouille, parce que quoi qu’il arrive j’avais déjà eu la chance d’en disputer une. Après, je m’étais donné comme objectif d’en jouer une deuxième, pour terminer ma carrière internationale sur ce qui demeure la plus belle chose pour un joueur : une Coupe du monde. Alors, si j’avais une envie terrible de la jouer, oui. Mais la trouille de ne pas la faire, non…

Lors du dernier Tournoi, vous avez effectivement surpris beaucoup de monde en annonçant que si vous la disputiez, cette Coupe du monde serait votre dernière échéance internationale…

Lorsque j’ai dit ça en conférence de presse, cela m’avait paru naturel et j’avais expliqué toutes les raisons pour lesquelles je prenais cette décision. Cela a été un honneur et un privilège de porter ce maillot bleu mais il me semblait qu’il s’agissait du moment parfait, d’autant qu’une nouvelle génération ultra-talentueuse arrive, que j’ai envie d’accompagner un petit peu. Je ne suis pas encore vieux, mais voilà, mes enfants arrivent à un âge où cela devient aussi dur pour eux que pour moi de me voir partir. J’estime que j’aurai fait mon temps en équipe de France.

Cette déclaration a-t-elle mal été perçue ?

Malheureusement, oui. Pourtant, j’avais bien précisé que la Coupe du monde serait ma dernière échéance au niveau international, « si j’avais la chance d’être sélectionné ». Ça me paraissait clair mais voilà, ça n’a pas été bien compris… J’ai même entendu que certaines personnes pensaient qu’il s’agissait d’une stratégie de ma part. Mais une stratégie de quoi, pour quoi faire ? Ça, je ne sais même pas… Au final, tu te dis que l’être humain est très tracassé, pour imaginer ce genre de trucs.

Ces critiques permanentes sur les réseaux sociaux, quoi qu’un joueur puisse dire ou faire, ne sont-elles pas de nature à user mentalement ?

Franchement, oui. Cela fait d’ailleurs un bout de temps que je n’ai pas ouvert une appli spécialisée dans le rugby. J’arrive à avoir du recul avec l’âge mais ce genre de choses, cela peut faire du mal.

Après avoir déclaré cela, vous vous êtes blessé dès le premier match face au pays de Galles, avant de revenir puis déclarer forfait pour le dernier match contre l’Italie. Avez-vous craint, à ce moment, d’avoir laissé passer votre billet d’avion pour le Japon ?

Ça aurait fait partie du jeu, voilà… Je me suis certes blessé contre le pays de Galles mais il ne faut pas oublier que pour les matchs d’après, j’étais sain. Si je ne jouais pas, c’était sur choix du sélectionneur… J’ai eu la chance d’être repris pour terminer le Tournoi contre l’Italie et la veille du match, sur quelque chose de bête, je me refais mal. Honnêtement, le premier embêté avec ça, c’était quand même moi. Parce que je ratais mon dernier match dans le Tournoi.

Au final, vous avez disputé votre dernier match dans le Tournoi sans le savoir. Cela constitue-t-il un regret ?

Non, parce que malgré la défaite et le scénario du match, j’ai eu la chance de vivre de belles émotions pour ce match contre le pays de Galles. Toute ma famille était là, j’ai pu faire le tour du terrain avec ma fille dans les bras. Avec le recul, c’était d’autant plus beau, c’était fort. En Italie, cela n’aurait pas été la même chose, finalement.

Vous êtes adepte du taoïsme. Cette pratique vous a-t-elle aidé à faire le lien entre vos blessures et leurs raisons ?

Oui, bien sûr. Je suis taoïste au quotidien mais je n’irai pas trop loin sur ce sujet-là…

Comment en êtes-vous venu à pratiquer cette religion ?

(Il corrige) Ce n’est pas une religion. À l’image du bouddhisme, le taoïsme est une philosophie de vie. Je suis devenu taoïste en côtoyant une personne qui est maître là-dedans, que j’ai rencontrée chez moi, à Clermont, un peu par hasard… (il se reprend) Même si le hasard n’existe pas.

Le hasard n’existe pas ?

Non. Jamais. Ce qu’on appelle le hasard, c’est tout simplement le courant de la vie, qui fait que tu rencontres certaines personnes à un moment donné, parce que tu as fait des choses qui t’amènent à les rencontrer et inversement.

Cela vous a-t-il permis de digérer plus sereinement la défaite en finale de l’ASM contre Toulouse, qui était votre première sur le terrain ?

Pas vraiment ! (rires) Par contre, je ne l’ai pas vécue comme « ma première finale ». Simplement comme une finale de Top 14, avec un super groupe, qui était l’aboutissement d’une super saison. Cela aurait été exceptionnel pour tout le monde d’aller au bout, pour le club, pour nos supporters, pour notre famille, pour ma fille qui était montée à Paris toute grimée de jaune et bleu. J’aurais aimé faire la fête avec eux. Quand tout ça retombe, à la fin, quelque chose s’écroule et c’est très dur. C’est comme ça que je l’ai vécu, pour ça que j’étais abattu. Pas parce que c’était « ma première finale ». Et pourtant, là encore, c’est comme ça que cela a été perçu…

Si cette digestion a été difficile, n’est-ce pas parce que votre équipe est passée à côté de l’événement ?

Oui, complètement. Toute la saison, nous sommes parvenus à marquer des essais, à mettre du rythme, du danger, à bien nous trouver. Et sur cette finale, nous n’y sommes pas parvenus. La défense de Toulouse y a été pour quelque chose, bien sûr, mais cela reste une frustration de ne pas avoir évolué à notre meilleur niveau ce jour-là. D’autant qu’on termine à portée d’un essai… Après, il n’y a rien à dire : les Toulousains ont marqué deux fois ce jour-là. Nous, zéro. À ce jeu, pour gagner, il faut quand même marquer. Il faut un gagnant et un perdant. C’est ça, une finale…

Ce jour-là, la faute de Cheslin Kolbe sur Peceli Yato a fait couler beaucoup d’encre… M. Garcès aurait-il pu, selon vous, siffler essai de pénalité ?

C’est un fait de jeu. Bien sûr qu’à chaud, j’avais envie de hurler ! Mais cela fait partie des choses sur lesquelles on n’a pas de prise. Si l’arbitre avait accordé un essai de pénalité, il y aurait eu tout autant de polémiques. Il ne faut pas se trouver de fausses excuses dans ce genre. Comme je vous l’ai dit, ils ont réussi à marquer deux essais et nous aucun.

On l’a peu évoqué, mais l’absence de Morgan Parra n’a-t-elle pas été préjudiciable dans l’approche de la finale ?

Si on en revenait à parler de philosophie ou de taoïsme, je vous dirais qu’on ne le saura jamais. J’ai énormément de respect pour Morgan Parra mais tout autant pour Greig Laidlaw. En finale du Challenge, quand Morgan est sorti blessé, nous avons tous été admiratifs du travail qu’a réussi Greig après son entrée en jeu… Alors, jamais je ne dirai que la présence de Morgan en finale aurait pu changer quoi que ce soit.

Enchaîner avec une préparation de Coupe du monde vous a-t-il permis de repartir plus facilement sur un autre défi ?

Ça reste notre métier, il aurait fallu repartir quoi qu’il arrive, après un moment de repos. Au moins, la préparation pour la Coupe du monde permet de passer plus facilement à autre chose.

À ce sujet, on a encore une fois l’impression d’assister à une course contre-la-montre, qui plus est pour les finalistes. Qui doivent cravacher physiquement très dur dans un laps de temps très court pour combler leur retard, sachant que la contrepartie sera de moins jouer de matchs de préparation que vos concurrents, ce qui engendrera un autre retard… N’y a-t-il pas parfois de la résignation à préparer les Coupes du monde dans ces conditions ?

Bien sûr que ça existe. On aurait aimé que ça se passe autrement mais on ne peut rien y faire. Quelque part, ça motive ceux qui sont en retard pour rattraper ceux qui ont débuté avant les autres. Alors, forcément, comme tu travailles plus, tu es plus fatigué et c’est assez dur aussi bien mentalement que physiquement. Mais au moins le soir, on a la satisfaction d’avoir tout donné. Et puis, les données GPS dont on dispose montrent que les finalistes ne sont plus si loin des autres…

Les mentalités commencent à changer, les dirigeants à prendre doucement leurs responsabilités au sujet du temps accordé au XV de France, pendant qu’une nouvelle génération double championne du monde junior va arriver, qui pourra en bénéficier… Cela n’aiguise-t-il pas les regrets d’avoir évolué dans un contexte un peu plus défavorable durant votre carrière internationale ?

Pas du tout, je ne raisonne pas comme ça. Jamais je ne me suis dit « j’aurais kiffé naître dix ans plus tard, pour bénéficier de meilleures conditions ». J’étais là avant, dans une période où ça ne se passait pas très bien. La vie en a décidé ainsi, c’est comme ça… Et malgré les coups que nous avons pu prendre, cela reste une fierté d’avoir défendu ce maillot bleu. Beaucoup de journalistes, d’anciens joueurs ou même de joueurs actuels peuvent dire ce qu’ils veulent : la vérité, c’est qu’ils aimeraient bien être là, à notre place.

Comment imaginez-vous la Coupe du monde qui se profile ?

Je pense que les équipes vont garder leur ADN. Après, pour parler honnêtement, je ne me préoccupe pas encore de ce qui risque de nous attendre au Japon. Pour l’heure, je suis focalisé sur la préparation physique. Le reste, on en parlera quand viendront les matchs de préparation. Même si on va jeter un œil au match des Argentins contre les Blacks (l’entretien a été réalisé samedi après-midi, N.D.L.R.). Plus on s’en approche, plus on va y penser. Mais la seule chose qui m’importe vraiment, c’est me donner les moyens d’être prêt le jour J. Le reste, on aura le temps d’y penser plus tard.

À ce titre, les blessures musculaires ont été nombreuses depuis le début de la préparation. Pour y avoir été régulièrement sujet, les redoutez-vous ?

Si tu penses à la blessure, elle va arriver. Ça peut paraître facile à dire mais c’est comme ça… On nous demande beaucoup physiquement, mentalement. On a tous des petits bobos par-ci par-là, mais il ne faut surtout pas commencer à y penser.

Le rythme est si effréné que les joueurs passent la plupart de leur temps libre à dormir. Parvenez-vous tout de même à garder une place pour une vie de groupe digne de ce nom ?

C’est effectivement dur en ce moment, mais on essaie de passer un maximum de temps ensemble, d’organiser des moments qui restent entre nous. Après, cela ne fait que quinze jours que le groupe est réuni dans son intégralité et une Coupe du monde, c’est très long. La bonne ambiance, il faut qu’elle reste sur le long terme.

Des changements ont eu lieu au sein du staff avant la Coupe du monde. Le fond du discours a-t-il changé, ou uniquement sa forme ?

Il y a eu du changement un peu en tout. Déjà, le fait que le staff soit plus nombreux permet d’avoir davantage de points d’appui extérieurs, qui permettent plus d’exigence et de nous corriger plus facilement. Concernant le fonds de jeu, on en a gardé les grandes lignes mais quelques modifications ont été apportées de façon à pouvoir pratiquer un rugby qui corresponde aux joueurs qui forment l’équipe, de façon à ce que les talents individuels puissent s’exprimer.

Avez-vous eu le temps d’entrer en profondeur dans le rugby, en pleine préparation physique ?

Ce qui est intéressant, pour le moment, c’est que notre préparation permet d’allier les deux. On travaille sur des matinées continues qui permettent de lier le rugby à l’énergétique, en essayant d’être précis sur nos systèmes tout en étant exigeants sur l’énergétique. Ensuite, l’après-midi, on travaille en marchant pour peaufiner les détails, ou préparer ce qu’on va nous demander le lendemain. Car c’est une fois que tous les systèmes seront bien compris et joués à grande vitesse que les talents vont pouvoir s’exprimer.

Vous êtes proche de Mathieu Bastareaud. Comment avez-vous vécu son absence ?

Il n’y a pas que Mathieu. Beaucoup de joueurs auraient aimé être présents ici. Le staff a fait ses choix par rapport à la saison, à certains matchs. Nous, on est seulement là pour essayer d’apporter à l’équipe… Mais on en a parlé, bien sûr. Quand tu penses faire partie intégrante du projet et que tu n’y es pas au final, la déception est énorme et elle l’aurait été pour moi aussi. Après, encore une fois, ce n’est pas son choixmais celui des sélectionneurs, il ne peut rien y faire. Tout ce qu’il peut faire, c’est essayer de rebondir et je suis sûr qu’il y parviendra très vite.

Sa reconversion en numéro huit peut-elle justement constituer le genre de défi susceptible de l’aider à passer à autre chose ?

Je ne sais pas… (prudent) On en avait déjà discuté quelques fois. Mais à l’époque, ce n’était pas un truc qu’il envisageait sérieusement. Alors, de là à dire si ce nouveau challenge est le meilleur moyen de rebondir pour lui… Je ne me hasarderai pas à parler à sa place.

En ce qui vous concerne, la concurrence au poste de centre est surtout incarnée par des joueurs au profil de 13 (Guitoune, Fickou, Doumayrou) alors que vous semblez le seul vrai premier centre de la liste. Le procès du Wesley Fofana « coffre à ballon » est une période aujourd’hui révolue mais il semble qu’au sujet de faire jouer vos partenaires, vous avez franchi un cap cette saison.

Cela faisait longtemps que j’avais envie de ça, de ne plus être considéré comme un coureur ou un franchisseur toute ma carrière. J’en avais très vite parlé à Franck Azéma et avant ma blessure au tendon d’Achille, je commençais déjà à trouver de l’efficacité dans ce registre. J’ai fait le dos rond, j’ai pris des critiques, mais tout le monde m’avait prévenu qu’il serait obligatoire de passer par là. J’ai continué à travailler et aujourd’hui, je m’épanouis dans ce registre. À Clermont, mon objectif, c’est que les mecs autour de moi s’éclatent, qu’il s’agisse de Damian Penaud, George Moala ou Rémi Lamerat. S’ils percent, j’y prends plus de plaisir que si je franchissais moi-même. En équipe de France, c’est la même chose.

Vous parlez d’avoir fait le dos rond. Ces critiques de l’époque vous ont-elles touché ?

C’est ma carrière qui est comme ça. J’ai pris beaucoup de coups, mais j’ai gardé mon leitmotiv qui est d’être efficace pour le collectif. Si je franchis, c’est bien, mais si je fais franchir, c’est tout aussi bien. Je veux être le plus efficace possible sur ces deux registres. On en rigole souvent mais pour tout vous dire, mon objectif ultime, c’est de faire marquer Damian Penaud sur une passe au pied. Si j’arrive à faire ça en Coupe du monde, je pourrai m’arrêter l’esprit tranquille (rires).

À Clermont, Franck Azéma offre un repas à ses trois-quarts à chaque essai marqué en première main. Cela est-il encore possible au niveau international ?

Cette année, il y a quelques repas en retard, d’ailleurs ! (rires) Mais oui, c’est possible. D’ailleurs, on y est déjà parvenu avec les Bleus, contre l’Argentine en novembre. Il s’agit de trouver les bons timings, ressentir les joueurs avec qui tu évolues. Quel que soit le niveau, si on est bien connecté, tout est possible.

Dans ce rugby moderne, l’essai en première main est-il toujours le Graal d’un trois-quarts centre ?

Non, c’est le Graal pour une équipe ! Parce que si on marque en première main, ça veut dire que du 1 au 15, tout le monde a fait son travail à la perfection, des avants qui ont conquis un ballon dans de bonnes conditions aux trois-quarts qui l’ont bien exploité. Vous savez, des essais en première main, on en a pris, aussi. On est bien placé pour savoir que cela fait très mal à la tête d’une équipe, quand elle en encaisse un...

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