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Le Roux : l’intouchable

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Publié le Mis à jour
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Les mises à l’écart de Félix Lambey et Romain Taofifenua ont prouvé, que le Racingman Bernard Le Roux est considéré comme un incontournable du système "Brunel-Galthié". Comment expliquer une telle cote ?

Il semblerait donc que Bernard Le Roux (30 ans, 33 sélections) jouisse d’une totale immunité en équipe de France. Présent au Japon, le Racingman n’a pourtant participé au moindre match de préparation, tout occupé qu’il était à purger une suspension pour plaquage dangereux. Avant cela, Bernie avait aussi manqué l’intégralité du Tournoi des 6 Nations pour soigner une vilaine blessure à l’œil et, dans les faits, n’a donc pas disputé une rencontre internationale depuis juin 2018. Sa dernière titularisation au poste de deuxième ligne ? Elle remonte en réalité au 12 janvier dernier et un obscur match face à l’Ulster, à Nanterre. Dans les Hauts-de-Seine, Bernie est avant tout considéré comme un flanker, comptait la saison dernière trois titularisations "dans la cage" et, malgré tout, il devrait former avec Sébastien Vahaamahina la deuxième ligne des Bleus face aux Pumas. Comment expliquer un tel crédit, à l’heure où de vrais spécialistes du poste, des talents tels Félix Lambey, Romain Taofifenua ou même Yoann Maestri sont tous condamnés à suivre la Coupe du monde sur le cuir souple de leur sofa ?

Entre le natif d’Afrique du Sud et Jacques Brunel, l’histoire d’amour remonte en fait à la tournée 2018, date à laquelle les Bleus se sont fait rosser à trois reprises par les doubles champions du monde néo-zélandais. Au cœur du naufrage, le Racingman, titularisé en deuxième ligne sur deux des trois matchs du XV de France, avait alors tiré son épingle du jeu, arrachant au successeur de Guy Novès un concert de louanges pour la plupart méritées. Car on a beau craindre que ledit Bernie manque de rythme au moment de redécouvrir le rugby international le 21 septembre, on a beau dire à son sujet qu’il est diablement maladroit et relativement bordélique, il possède une telle activité en défense, sur les déblayages ou dans le jeu au sol qu’il incarne aujourd’hui un profil unique en France.

Le décathlonien "malestruc"

Lui ? Quand il évoque son parcours, il raconte irrémédiablement que sa pauvre mère avait peur lorsqu’il quittait la maison familiale de Moorreesburg pour se rendre au rugby. Pas pour lui, non. "Pour les autres". À l’époque, les mômes du collège l’appelaient tous Terminator, eu égard à une ressemblance plus ou moins réelle avec Schwarzie. "Un gros plaquage m’a toujours procuré plus de plaisir qu’un essai", a-t-il coutume de dire. De fait, Bernard Le Roux (1,98 m et 119 kg) connaît une seule et unique façon de jouer au rugby, et celle-ci laisse parfois l’impression qu’il serait prêt à abandonner un œil sur chaque ruck. N’est-ce pas, Laurent Labit ? "Je l’appelle la machine", nous confiait, il y a quelques mois l’ancien coach du Racing. Bernie est un monstre physique. Mais il doit aussi apprendre à se discipliner." Du genre ? "Il lui arrive parfois de débouler au beau milieu de la ligne de trois-quarts alors qu’il n’a rien à y foutre et qu’il vient, surtout, d’intervenir sur les trois rucks précédents. Parfois, il en fait trop et se grille."

Bernard Le Roux sait tout ça. Pierre Berbizier le lui disait déjà en 2009, lorsque le joueur débarqua à Paris en tant que joker médical d’Alvaro Galindo, avec cent euros en poche. Souvenirs : "Le chauffeur de taxi qui me conduisait de l’aéroport à Antony (le centre d’entraînement du Racing) avait été gentil, ce jour-là : il m’en avait laissé deux… Vous savez, j’ai beaucoup travaillé sur ma discipline ces dernières saisons. Je connais le chemin qu’il me reste à parcourir mais je ferai tout pour toucher un jour au but que je m’étais fixé en arrivant ici : devenir incontournable en équipe de France." En est-il loin ? Philippe Saint-André et Yannick Bru, qui vouaient en leur temps au Terminator sud-af’ un culte étrange ("c’est un décathlonien, il incarne le rugby du futur…") pensaient que non. Laurent Travers, toujours très abattu lorsque son Bernie est forfait pour un match important du Racing, est de son côté convaincu qu’"il a du Brodie Retallick en lui", tant Le Roux remue de la viande, multiplie les tâches, marque l’adversaire et, s’il est bien luné, fait même vivre le ballon. S’il est parfois moqué pour son côté bordélique, Le Roux mérite donc bel et bien sa place parmi les 31 meilleurs joueurs français et, à ce titre, on est encore trop peu à se souvenir qu’en 2012, Heyneke Meyer, alors aux commandes de l’Afrique du Sud, avait demandé au Racingman de signer aux Bulls avant de devenir Springbok. "L’Afrique du Sud, nous confiait récemment le joueur, c’est bien cinq semaines par an. Mon pays, c’est désormais la France."

Fait pour la méthode Galthié ?

Il y a enfin, dans ce voyage au Japon, une forme de revanche pour Bernard Le Roux. Comme de nombreux Tricolores, le Racingman avait en effet vécu le dernier Mondial comme un cauchemar et, à son retour dans les Hauts-de-Seine, avait eu besoin de temps pour se reconstruire. Il explique : "Après le Mondial, mon corps a dit stop et, derrière ça, j’ai fait deux saisons catastrophiques." Pour le couteau suisse du XV de France, l’amertume ayant fait suite à l’accident industriel du 17 octobre 2015 (défaite 62-13 contre les All Blacks) fut donc plus destructrice qu’il n’y paraissait à l’origine : "Je n’ai pas voulu me l’avouer, au départ. Mais j’ai mis six mois avant d’évacuer la défaite contre les Blacks. Vous savez, je m’étais préparé pendant quatre ans pour ça : j’avais pensé "Coupe du monde, Coupe du monde, Coupe du monde", sans m’arrêter. Et puis…" Bernard Le Roux a pris une porte en plein visage. "S’il n’y avait pas eu le titre de Barcelone (juin 2016), je vous dirais même que les mois ayant suivi la dernière Coupe du monde ont été vraiment horribles. Je me mettais trop de pression, j’avais perdu tout plaisir et après chaque défaite, je m’enfermais dans ma boîte. J’avais l’impression que tout le monde m’en voulait et lorsque j’ai livré ce si mauvais match en Irlande (hiver 2016), les gens ont trop vite oublié mes vingt-cinq premières capes pour ne retenir que la pire."

Passé le trouble d’une période maudite, Bernard Le Roux portera à l’automne 2019 certains des principaux messages de la méthode Galthié. à ce sujet, un technicien du Top 14 nous confiait la semaine dernière : "Quand je vois jouer nos Bleus, je revois l’équipe de Montpellier que dirigeait il y a cinq ans Fabien Galthié. Les premiers temps de jeu, et ils sont nombreux, passent par un pilonnage des avants, une surexploitation des gros. Le problème, c’est que le XV de France, qui veut aussi rivaliser de vitesse, compte trop peu de lourds porteurs de balles quand les Springboks, au style de jeu similaire, ont cinq mecs de 125 kilos dans le paquet d’avants. Un Bernard Le Roux, Galthié n’en a qu’un à disposition." Vu comme ça…

Photos Icon Sport et Midi Olympique - Patrick Derewiany

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