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Tameifuna : « Nous connaissons les Français et leurs secrets… »

  • Ben Tameifuna durant les hymnes, les Tongiens veulent jouer les trouble-fête face aux Français.
    Ben Tameifuna durant les hymnes, les Tongiens veulent jouer les trouble-fête face aux Français. Patrick Derewiany - Midi Olympique
Publié le Mis à jour
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Il y a une semaine, vous affrontiez l’Angleterre (35-3) à Sapporo. Quelle impression les ténors de la poule vous ont-ils fait ?

Une grosse impression, plutôt… (rires) Les Anglais sont vraiment équipés dans tous les secteurs. à les voir, ils peuvent paraître massifs, denses, voire un peu lourds. Mais ils se déplacent énormément sur la pelouse. Face à eux, nous n’avons jamais trouvé la clé, leurs deux flankers (Tom Curry et Sam Underhill) étaient partout ; ces deux-là m’avaient beaucoup impressionné, ce jour-là. Pour moi, l’Angleterre ira en finale.

Le XV de France affrontera le XV de la Rose lors du dernier match de poule. Quelle pourrait être la clé pour battre cette équipe d’Angleterre ?

Pour être tout à fait sincère avec vous, je ne suis pas inquiet pour les Bleus dans le sens où ils ont les moyens, contrairement à beaucoup d’autres équipes, de contrarier les Anglais en conquête. Car tout part de là, face au XV de la Rose : il faut empêcher Billy Vunipola d’avoir des ballons propres derrière sa mêlée et Maro Itoje d’être trop serein en touche, car les mauls pénétrants qu’ils déroulent derrière sont redoutables…

Et vous, qu’aurez-vous à opposer aux Français à Kumamoto ?

Une mêlée solide et quelques gros plaquages ! (rires)

À propos de plaquage, votre flanker Zane Kapeli fait forte impression depuis le début du Mondial. Billy Vunipola et Benjamin Urdapilleta se souviendront probablement longtemps d’avoir croisé sa route…

Tu parles, j’étais choqué quand il a retourné Billy (Vunipola) ! Je n’avais jamais vu ça. (il frappe dans ses mains) Paf ! à terre ! […] Zane, il est incroyable. Avant ce Mondial, il n’était personne. Ce mec vient de nulle part, n’a jamais joué en Super Rugby et simplement participé au championnat néo-zélandais avec Bay of Plenty. J’espère que cette Coupe du monde lui permettra de décrocher son premier contrat (le lendemain de l’interview, Kapeli était en effet contacté par l’UBB, N.D.L.R.).

Vous parliez de Billy Vunipola, considéré comme l’un des meilleurs numéros 8 au monde. Finalement, les joueurs polynésiens font souvent le bonheur d’autres nations que les leurs. N’est-ce pas dommage ?

Là-dessus, je suis très partagé. L’exil a du bon, il permet d’aider les familles restées au pays. Mais cette loi, il faut changer. Quand ces mecs ne sont plus sélectionnés par l’Angleterre, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie, il faudrait leur permettre de rejouer pour leur pays d’origine. Aujourd’hui, on nous prive d’un joueur comme Charles Piutau (l’arrière de Bristol, 17 sélections chez les All Blacks jusqu’en 2015) qui n’est plus dans les plans néo-zélandais depuis des années. Pourquoi, au juste ? Et combien comme lui ? Tout ça nous affaiblit considérablement.

Vous avez aussi affronté l’Argentine, samedi dernier à Osaka (28-12). Qu’avez-vous pensé des Pumas ?

Je crois que je souffrais trop de la chaleur pour penser à quoi que ce soit, ce jour-là ! (rires) Il faisait 32° pour 80 % d’humidité et avant chaque mêlée, je sentais la chaleur qui venait de la pelouse… Oh, mec… Quel enfer… Les Pumas ? Ils sont très bons sur les mauls pénétrants, ils nous ont fait souffrir là-dessus.

Quel fut le programme des Tonga avant le Mondial ?

Le coach a eu une bonne idée. Il nous a tous amenés aux Tonga pour que l’on se reconnecte avec notre population. On a visité des écoles, passé quelques heures avec des enfants malades… Nous voulions montrer à ces gens que même si quelques-uns d’entre-nous jouent en France ou en Nouvelle-Zélande, nous allions tout donner pour ce maillot. Moi, je n’ai jamais oublié où mes parents sont nés. Je voulais que ces gens le sachent.

Avez-vous eu assez de temps de préparation ?

On a eu un mois quand les autres en ont eu trois, c’est dire si c’est ridicule… Le monde du rugby ne nous aide pas beaucoup. Souvent, je me demande aussi pourquoi les nations du Tiers 1 ne viennent jamais jouer à Apia (Samoa), Suva (Fidji) ou Nuku’alofa (Tonga). Vous savez, vous ? Quoi qu’il en soit, tout ça freine énormément notre progression.

Êtes-vous défrayé comme les autres rugbymen internationaux pendant la Coupe du monde ?

Hum… On touche le minimum : 40 euros par jour. Moi, ça me va parce que les autres mois de l’année, le Racing me traite bien. Mais quelques-uns de mes coéquipiers font de gros sacrifices en venant ici : ils doivent quitter leur job et leur famille pendant douze semaines pour toucher des clopinettes. Quand ils sont en sélection, certains n’arrivent pas à payer leur facture ou leur loyer. Les Anglais, eux, perçoivent 25 000 euros quand ils sont appelés en sélection.

Quel était votre rêve de gosse ?

Je suis né à Auckland, j’ai toujours rêvé d’être un All Black. Quand j’étais jeune, je jouais chez les Baby Blacks avec Brodie Retallick, Beauden Barrett, Waisake Naholo… Ça avait de la gueule, hein ? (rires)

Pourquoi n’avez-vous jamais été plus haut ?

Je ne correspondais pas à l’image qu’ils avaient d’un pilier moderne. Mais je n’ai aucun regret. Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre. Aujourd’hui, je suis très fier de représenter le pays de mes parents.

Quel est le sens de votre cri de guerre, le Sipi Tau ?

En gros, ça veut dire : "Nous sommes Tongiens, nous sommes ici pour nous battre et mourir pour notre pays." Ça parle aussi de Dieu.

Vous croyez en Dieu ?

Oui, bien sûr. Tous les matins, nous commençons la journée par une prière. On demande à Dieu qu’il veille sur notre voyage, qu’il nous épargne les blessures et protège notre famille, les gens que l’on aime… Par exemple, moi, je dois beaucoup à mes parents. Ils ont fait beaucoup de sacrifices pour nous faire quitter la banlieue sud d’Auckland. Ils ne voulaient pas que je grandisse au milieu des trafics et de la guerre des gangs.

Avez-vous eu besoin de masquer vos tatouages, au Japon ?

Pendant les matchs, non. Mais quand je vais à la piscine, je suis obligé de mettre une veste. Bof, ça ne me dérange pas. Je m’adapte aux mœurs du pays que je visite.

Qu’appréciez-vous particulièrement dans la culture japonaise ?

Je ne connaissais pas leur "ramen" (bouillon de pâtes) avant cette Coupe du monde. C’est un vrai bonheur. Les sushis aussi sont très bons : plein de saveurs différentes et un peu gras. Mais quand j’y pense, je me demande comment les Japonais peuvent rester aussi maigres en mangeant autant de pâtes et de riz. Vous le savez, vous ?

Et dans la rue, les gens se montrent-ils curieux de votre pays ?

Oh oui ! (rires) Je crois qu’ils ne sont pas habitués à voir des mecs comme moi. Dans la rue, ils me regardent, s’arrêtent et crient : "waouh !" Il y a même des gens qui me demandent s’ils peuvent toucher mes biceps et mes pectoraux. Parfois, c’est drôle. Et parfois, je leur dis (il parle en français) : "Doucement ! Doucement !" (rires)

Où étiez-vous en 2011, lorsque les Tonga ont battu la France à Wellington ?

à Hamilton, avec les Chiefs. Ce soir-là, j’avais regardé le match dans un bar. Quelle claque, quand j’y repense ! Pff, tout peut se passer dans un Mondial. C’est ce qu’il nous faut avoir en tête, avant d’affronter le XV de France.

Avez-vous évoqué le match de 2011 cette semaine ?

Non. Aucun d’entre-nous n’était présent ce jour de 2011. Nous devons créer notre propre histoire. Cette semaine, nous voulons que les gens parlent de nous, pas du passé.

Allez-vous battre le XV de France ?

Je n’en sais rien mais nous sommes quelques-uns -Steve Mafi, Leva Fifita, moi…- à connaître parfaitement les Français et leurs secrets. Personnellement, je sais par exemple ce que Camille (Chat) aime et n’aime pas en mêlée…

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