Abonnés

« On ne se connait pas trop, mais on se respecte énormément »

Par Jérôme Prévôt et Nicolas Zanardi
  • Christophe Urios (Bordeaux) et Pierre Mignoni (Lyon) vont se rencontrer ce soir pour une bataille pour la première place
    Christophe Urios (Bordeaux) et Pierre Mignoni (Lyon) vont se rencontrer ce soir pour une bataille pour la première place Midi Olympique
Publié le Mis à jour
Partager :

Invaincus depuis le début de la saison, ils se retrouvent ce week-end pour le premier choc au sommet de la saison. L’occasion
idéale de les confronter avant le match au petit jeu du questionnaire croisé…

L’auriez vous cru, si on vous avait prédit que vous alliez vous affronter en étant invaincus après cinq journées ?

Pierre Mignoni : Tu espères toujours réaliser un bon début de saison ! Après, on s’est retrouvé cette année dans une configuration particulière, à savoir une intersaison plus courte, après avoir disputé cette demi-finale. Nous étions déjà parvenus à ce stade de la compétition la saison précédente, mais comme il n’y avait pas de Coupe du monde, nous avions bénéficié de plus de temps… En plus, nous avions décidé de continuer à accorder cinq semaines de vacances aux joueurs, alors que beaucoup de clubs n’en donnent que quatre. Cela nous a obligé à nous montrer encore plus précis quant à la qualité de la reprise, avec notamment une préparation physique qui a été très costaude. Après, sur le plan rugbystique, la clé d’un début de saison consiste à trouver rapidement des automatismes. Sur ce point, le fait de disposer d’un groupe qui avait pour la première fois très peu changé à l’intersaison nous a permis de gagner du temps.

Christophe Urios :  Non, je ne l’aurais pas cru, mais je l’avais imaginé. Plutôt, j’avais imaginé que nous pourrions passer le cap des quatre matchs, car sur les quatre premiers matchs, nous recevions trois fois et nous allions à Castres, qui était un rendez-vous spécial. Mais je n’avais pas pensé ce que nous pourrions faire à Montpellier. Je n’avais pas prévu que nous aurions été aussi rapidement au point collectivement.

Qu’est-ce qui vous a le plus étonné chez votre adversaire depuis le début de saison ?

P. M. : Sincèrement, de l’extérieur, on ne peut pas poser de véritable analyse. Pour bien comprendre ce qui s’y passe, il faut être à l’intérieur d’un groupe. Du coup, mon ressenti ne peut être que le même que le vôtre… Cette équipe de Bordeaux a toujours eu beaucoup de qualité, donc le fait qu’elle puisse réaliser un bon début de saison ne m’a pas étonné. Mais on sera tous jugés véritablement sur une seule chose : la régularité. Pour eux comme pour nous, la réussite de la saison ne sera établie qu’à la fin.

C. U. : Le Lou, c’est comme un château fort, tellement solide. C’est surtout une équipe qui travaille bien. Ça se voit que le staff travaille bien, qu’il est compétent que les relations avec les joueurs sont bonnes, que les joueurs sont ambitieux. Quand on est soi-même coach et qu’on regarde un match, c’est le genre de trucs qu’on remarque car dans certains cas, avec d’autres équipes on perçoit tout le contraire.

Quel regard portez-vous sur le travail de l’autre ?

P. M. : Pour être tout à fait honnête, avec Christophe Urios, on se connaît très peu. On s’est évidemment croisé à de nombreuses reprises au bord des terrains, on s’est toujours salué, mais on n’a jamais véritablement échangé en profondeur, hormis une fois ou deux lors des réunions d’entraîneurs à Marcoussis. On ne se connaît pas assez pour que je me permette de juger son travail. Après c’est quelqu’un que je respecte énormément, notamment par son parcours.

C. U. : Je ne connais pas très bien Pierre Mignoni. Je ne sais pas ce qu’il amène précisément, mais ce que j’aime, c’est qu’il a du cran ou des c..., si vous préférez. Il était à Toulon, il aurait pu rester là-bas. Il était en désaccord avec son président qui ne voulait pas lui donner ce qu’il voulait, c’est-à-dire le poste de patron de l’équipe première. Il est parti pour Lyon qui était en Pro D2 et ça, c’est un acte de courage. Il a su prendre une décision forte. Respect.

Pensez-vous avoir des points communs ?

P. M. : Je pense qu’on en a forcément, dans la rigueur, dans l’éthique de travail… Mais comme on ne se connaît que par médias interposés, encore une fois, j’aurai du mal à me prononcer.
C.U. : Oui, forcément, je me reconnais un peu en lui. Quand en juillet 2018, j’ai annoncé que je quittais Castres, je n’avais rien. Je ne savais pas ce que j’allais faire.

Avez-vous fait évoluer votre management depuis le début de la saison ?

P. M. : Par expérience, on s’est rendu compte que ce qui permet d’abord de se qualifier, puis d’aller au bout du bout, c’est la fraîcheur en fin de saison. Pour obtenir cette fraîcheur, il faut avoir la chance de ne pas subir de blessures, mais surtout de la rotation au sein de l’effectif, et donc de la concurrence. On a donc fait évoluer la gestion de l’équipe car s’il me semble que nous étions mieux en termes de fraîcheur la saison dernière que celle précédente, ce n’était pas encore assez pour prétendre aller plus loin. Surtout qu’il y aura encore la Coupe d’Europe à gérer, dans laquelle nous espérons mieux figurer que la saison passée.

C. U. : Oui, et il continuera à évoluer forcément. J’évolue avec mon groupe mais je suis arrivé avec des idées claires.

Quels ont été vos principaux leitmotivs en de début de saison?

P. M. : Entraîner, c’est aussi rabâcher. Quand je dis que je veux une équipe qui ne lâche rien, c’est aussi quelque chose qui se travaille, et qui rejaillit sur tout le reste. Un jeu offensif, par exemple, ça ne se construit pas comme ça. Cela passe par certains automatismes, certaines attitudes. Il y a des joueurs qu’il s’agit de faire progresser, d’autres à qui il faut faire changer certaines habitudes, toujours dans le souci d’optimiser leurs points forts. C’est ça, le boulot de coach, et c’est pour ça que le fait de bénéficier d’un effectif stable aide beaucoup. L’envie de travailler les uns pour les autres, de se relever plus vite que l’adversaire, de rattraper l’erreur du copain, ça s’entraîne, ça se cultive. À Lyon, nous avons une équipe homogène à défaut d’être ultra-talentueuse à tous les postes. Tant que les joueurs auront cet état d’esprit, ils gagneront des matchs. Le jour où ils le perdront, ils ne gagneront plus. C’est pour ça qu’il faut leur donner les moyens de conserver cet état d’esprit tout au long de la saison, en maintenant de la fraîcheur et de la concurrence.

C. U : Difficile de travailler sur un match où l’on doit rencontrer une équipe sans faille. Mais pour autant, ils ne sont pas imbattables. Nous avons donc travaillé sur des thématiques qui nous sont propres. Mais je garderais pour moi les clés de ce match. Mais la notion d’équipe sera importante et quelques individualités pourront faire la différence.

L’état d’esprit suffira-t-il à remporter le match de samedi ?

P. M. : À lui seul, c’est sûr que non, car Bordeaux aura tout autant envie que nous de l’emporter. Il y aura un aspect stratégique, bien sûr. Mais surtout, comme d’habitude, ce sont les petites erreurs que commettra l’une ou l’autre équipe qui pèseront, et pas forcément la réussite des buteurs. Il y aura le coaching, aussi, peut-être… Un match n’est jamais écrit d’avance.

C. U. : Disons que la notion d’équipe sera importante et quelques individualités feront probablement la différence. Ce sera je pense, un très gros match de Top 14.

Vous êtes manager dans des clubs similaires, une grande ville de province dont le club de rugby s’est approprié l’enceinte historique du football. Avez-vous trouvé matière à vous inspirer du club adverse dans votre projet de développement ?

P. M. : Économiquement, le Lou et l’UBB ont des modèles économiques tout à fait différents. Nous sommes propriétaires de notre stade où il se passe beaucoup de choses, où il y a de gros projets immobiliers… En revanche, il est vrai que sur l’attraction du grand public, nous avons regardé ce qui se faisait à Bordeaux. À Lyon, on doit encore aller à la recherche d’un public nouveau, et il y a beaucoup d’efforts à effectuer pour le fidéliser. Nous avons effectué des progrès, mais l’UBB est encore en avance sur nous de ce point de vue là. Il n’y a pas de baguette magique à ce sujet. J’ai bien quelques idées que je suis ravi de donner, mais ce n’est pas ma partie. Il y a des personnes compétentes qui planchent sur ce dossier dans nos bureaux, à nous d’être performants sur le terrain.

C. U. : Oui, je trouve que Pierre a très bien développé son club, même si lui est parti du Pro D2, ce qui rend les choses plus faciles à asseoir. Mais il a réfléchi à un projet global, une attention aux jeunes un désir de professionnaliser le staff y compris celui des équipes des jeunes. C’est un vrai boulot de fond qui a été mis en place et qui en fait un club d’avenir.

Une des raisons de la réussite de vos équipes réside dans une faible mobilisation de joueurs pour la Coupe du monde. Redoutez-vous le revers de la médaille, à savoir des absences pendant le Tournoi ?

P. M. : Non, je ne le redoute absolument pas. On s’y prépare, bien sûr, car nous avons de jeunes joueurs qui tapent à la porte, et qui l’ont même déjà ouverte pour certains. S’ils sont appelés en équipe de France, franchement, tant mieux pour eux ! J’ai eu la chance de porter ce maillot et je sais ce qu’il représente pour tout joueur de rugby. Le club n’en serait pas affaibli, au contraire, il serait très fier.

C. U. : Nous ne nous sommes jamais servis de ces absences comme excuse. Regardez, Afa Amosa est revenu aujourd’hui, blessé. Nous sommes malheureux pour lui, mais après, la vie va continuer. Nous allons peut-être prendre un joker mais nous avions anticipé tout ça. Nous pensions que nous pourrions avoir une petite dizaine de sélectionnés. Alors depuis février dernier, nous avons fait travailler un groupe de jeunes, une dizaine, pour étoffer notre groupe. Quand le groupe a commencé à travailler en début de saison, ils étaient prêts. Le groupe n’était pas étriqué et ça a créé une vraie émulation. Quant au prochain tournoi, je pense qu’on le gérera, je ne m’inquiète pas spécialement.

On vous sait bourreau de travail, présent au bureau aux aurores. Trouvez-vous tout de même le temps de regarder la Coupe du monde ?

P. M. : Oui, bien sûr, je me ménage quelques plages ! Quand même… Mardi, comme il n’y avait pas de match, je me suis gardé un peu de temps pour voir certaines rencontres que je n’avais pas vues…

C. U. : Je me suis régalé lors de la fameuse deuxième journée, le jour d’Australie-Fidji, Nouvelle-Zélande-Afrique du Sud et France - Argentine. Depuis, je n’ai pas vu un match.

Y avez-vous d’ores et déjà repéré des joueurs ou des innovations dont vous pourriez vous servir ?

P. M. : (rires) Des bons joueurs, il y en a dans toutes les sélections, on les regarde… Après, au niveau du rugby, je note comme tout le monde que le jeu au pied offensif est devenu une solution privilégiée pour contourner les rushs défenses qui se sont généralisées, d’autant plus que les ballons ont l’air glissants de par les conditions climatiques. Mais rien de véritablement novateur, pour l’instant.

C.U. : Non, du coup, pas vraiment. 

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?