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Kolbe : "Tout ce qui m’arrive est totalement fou"

  • Cheslin Kolbe fait partie des prétendants pour décrocher l’Oscar monde Midi Olympique.Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
    Cheslin Kolbe fait partie des prétendants pour décrocher l’Oscar monde Midi Olympique.Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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Samedi en fin de journée, moins de deux heures après avoir atterri en france, le feu follet nousa accordé son premier entretien. L’occasion, pour celui qui est en lice pour l’oscar monde de midi olympique lundi soir, de revenir sur sa folle année.

N’était-ce pas trop dur de quitter l’euphorie sud-africaine pour regagner la France ?

Non, c’est bien de rentrer. La France est ma maison, c’est là que se trouvent mes amis et ma famille. Le seul problème, c’est de revenir pour affronter l’hiver (sourires).

Vous faites partie des prétendants à l’Oscar monde décerné par Midi Olympique, deux semaines après avoir été nommé aux World Rugby Awards. Que ressentirez-vous si vous venez à remporter ce prix ?

Je serais très heureux. Surtout, je remercierai Dieu qui m’a donné l’opportunité de vivre cette année extraordinaire et d’être épargné par les blessures. Remporter trois titres est un privilège, surtout que personne n’avait réussi à faire le doublé Rugby Championship-Coupe du monde. Ensuite, mes pensées iront à mes coéquipiers, que ce soit au Stade toulousain ou avec les Springboks, sans qui rien n’aurait été possible. Sans eux, je n’en serais pas là.

Vous êtes le deuxième champion du monde de la famille, après votre cousin Wayde Van Niekerk, doublement titré sur 400 mètres en 2015 et 2017…

Oui, il n’est plus seul (rires). L’histoire est belle car nous sommes proches et avons grandi ensemble. Notre relation nous a peut-être aidés à aller encore plus loin dans nos carrières. Après le titre, il m’a félicité et m’a dit : "Bien joué cousin, le pays est fier de vous." Lui connaissait ce genre de contexte et, avant la finale, il m’avait juste glissé : "Sois sûr de tes forces et joue comme tu sais le faire."

Au Japon, étiez-vous dans la forme de votre vie ?

J’ai vécu une compétition fabuleuse. Disons qu’avant le début, je me suis dit que j’avais une chance unique d’entrer sur le terrain au cours d’un tel événement et que je voulais profiter de chaque seconde. Il me fallait offrir le meilleur, je me suis préparé en conséquence et j’étais prêt. Pas simplement pour satisfaire ma propre personne mais pour toute une nation. À chaque fois que j’ai enfilé le maillot vert et or, j’ai ressenti une immense fierté.

Racontez-nous le retour en Afrique du Sud ?

C’était dingue de voir, dès notre atterrissage à Johannesburg, tous ces supporters venus nous accueillir à l’aéroport. La semaine a été fantastique, nous avons présenté le trophée à Johannesburg, Pretoria, East London, Port Elizabeth et fini par Cape Town, là où la foule était tellement impressionnante. Les rues étaient bondées. Ces gens, tout ce bonheur… Les instants durant lesquels nous avons traversé la ville en bus pour partager notre joie avec les Sud-Africains resteront gravés à vie. Nous avons écrit l’histoire.

Ce titre est très symbolique pour votre pays…

Oui, et on a senti à quel point la victoire était importante pour nos compatriotes, combien elle aidait à unifier le pays et à donner de l’espoir à ceux qui en ont besoin. Voilà pourquoi c’est si spécial pour nous. Notre mission, en tant que Springboks, était de rendre notre pays plus fort encore.

D’autant que vous étiez menés par un capitaine emblématique, Siya Kolisi, qui a vécu une enfance difficile. Que représente-t-il à vos yeux ?

Siya est un de mes meilleurs amis. C’est un grand joueur mais surtout un grand homme. J’ai tant de respect pour lui, pour ce qu’il a fait et d’où il vient. Il s’est battu pour en être là et reste extrêmement humble. C’est une belle personne.

Avant le premier match face aux Blacks, étiez-vous convaincu de pouvoir être champion du monde ?

Oui, définitivement. Nous avions remporté le Rugby Championship et notre confiance était grande. Durant le camp d’entraînement, chacun était persuadé de pouvoir être champion du monde car la préparation était excellente. Nous étions aussi conscients de débuter la compétition par le match le plus dur qui soit, face à la Nouvelle-Zélande. C’était la finale avant l’heure… Mais elle n’offrait pas la victoire dans le Mondial. Nous avons perdu mais cette défaite n’a jamais affaibli notre équipe ou cassé la moindre dynamique. Au contraire, nous étions focalisés sur notre seul objectif et nous en sommes ressortis plus forts. Le groupe a appris ce jour-là. En Coupe du monde, il ne s’agit pas simplement de marquer le plus de points ou d’essais possibles. Il faut savoir saisir les opportunités lors des rendez-vous majeurs et capitaliser. Contre les All Blacks, nous nous sommes endormis quelques minutes et leur avons offert des essais trop faciles. Derrière, nous nous sommes battus pour revenir mais il était trop tard. Cela nous a servis pour la suite.

Et vous aviez éclaboussé ce match de votre talent

et vous étiez vraiment révélé aux yeux du monde…

Un premier match de Coupe du monde, c’est particulier dans une carrière. J’étais surmotivé, comme mes partenaires, et je voulais à tout prix gagner. J’ai réalisé quelques franchissements, ce qui m’a mis en confiance pour l’ensemble de la compétition. Mais je connais mon rôle. Il est, dès que je suis en possession du ballon, de créer des brèches pour que l’équipe en profite. J’ai cru en moi et ça m’a souri.

Comment avez-vous senti le groupe évoluer ?

Il a clairement grandi, surtout après cette première défaite. Nous nous sommes regardés dans les yeux et nous sommes dit : "Écoutez, il faut maintenant gagner tous les prochains matchs." Je crois que la maturité du groupe n’a fait que croître et le management du staff a été extraordinaire. C’est un format de compétition spécial et, si vous ne travaillez pas dur, vous pouvez vite partir sur le mauvais chemin.

On a eu très peur pour vous après votre blessure à une cheville qui vous a privé de demi-finale…

C’est frustrant de se blesser durant une Coupe du monde, surtout dans les dernières minutes d’un match (lors du succès contre l’Italie quand il avait inscrit un doublé, N.D.L.R.). C’était dur moralement mais j’avais senti ma cheville tourner, pas casser. J’avais juste besoin de temps et le coach m’a mis au repos contre le Canada. Cela m’a donné du répit pour me soigner et récupérer avant le quart de finale contre le Japon. Ce n’était pas facile à gérer car la douleur était encore présente. Le rugby est ma passion et disputer un Mondial était un rêve mais il faut aussi savoir être raisonnable. Et j’ai pu être disponible pour la finale. Aujourd’hui, je vais bien.

Parlez-nous de votre essai en finale. Quand vous avez reçu le ballon, quelle fut votre obsession ?

Dès que le ballon est arrivé dans mes mains, j’ai levé les yeux et fixé la ligne d’en-but. Sur le coup, je me suis dit qu’il était impossible de mettre l’essai, que je ne pouvais y aller. Mais j’ai vite remarqué qu’il s’agissait d’un pilier anglais à mon intérieur (Joe Marler). J’ai marqué un petit temps d’arrêt avant d’accélérer. Owen Farrell arrivait en travers mais mon avance me permettait de tenter le crochet intérieur. C’est passé et je n’avais plus qu’à courir. Durant ces quelques secondes, ce que je ressentais est indescriptible.

Étiez-vous malheureux de n’avoir pu vivre l’aventure avec Rynhardt Elstadt, écarté au dernier moment ?

Je l’étais forcément quand Rynhardt n’a pas été retenu pour le Mondial. Lui et moi avons vécu tant de choses ensemble. Il est un de mes plus proches et gagner le Rugby Championship tous les deux, juste après le titre de champion de France avec Toulouse, était génial. J’aurais aimé qu’il soit avec nous jusqu’au bout pour remporter un troisième titre commun mais je crois qu’il a compris pourquoi le coach ne l’a pas sélectionné au dernier moment, même s’il a été très bon sur les deux matchs qu’il a disputés avec les Springboks.

Vous faites souvent référence au soutien de votre père. Comment a-t-il vécu ce sacre ?

Sa fierté était grande et c’était pour moi un honneur de la lire dans ses yeux. Mon premier signe, après le coup de sifflet en finale, a été pour ma famille. Mon père a été si important dans mon parcours. Il m’a toujours répété : "Tu n’es pas le plus grand ni le plus costaud sur un terrain de rugby mais tu dois croire en toi. Moi, je sais que tu es physiquement et surtout mentalement plus fort que les autres." Il m’a constamment fait avancer.

Votre réussite est un joli symbole. Il y a deux ans, lors de votre premier entretien en France dans ces colonnes, vous expliquiez venir ici parce qu’en raison notamment de votre physique, vous n’aviez pas votre chance avec les Springboks…

Tout ce qui m’arrive depuis est totalement fou. Cela démontre que les choses peuvent toujours évoluer. La décision de quitter mon pays pour rejoindre Toulouse avait été dure à prendre mais c’était la bonne. J’ai pu jouer le rugby que j’aime tous les week-ends. En France, je me suis construit en tant que personne. Cela prouve à tout le monde que, si vous vous sentez bien et en accord avec vous-même, il ne faut jamais renoncer à ses rêves. Représenter mon pays en était un, j’y suis parvenu et je suis même champion du monde.

Vous nous avouiez aussi être lassé des débats autour de votre taille et de votre poids dans votre pays. Le regard des gens a-t-il changé là-dessus ?

Oui (il soupire). Depuis le début de ma carrière professionnelle, j’ai entendu tellement de fois que j’étais trop petit, que j’étais trop léger, que je ne pouvais pas aller plus loin… Aujourd’hui, j’ai eu l’occasion de prouver que ces gens avaient tort. Le poids et la taille ne sont rien à côté de ce que vous pouvez accomplir grâce à votre détermination. Il me tardait que tout le monde ouvre les yeux sur ce sujet. Tous les jeunes entraîneurs, partout dans le monde, doivent savoir qu’ils ne doivent pas se soucier que du physique des joueurs. Ce sport est fait pour tous. Quand on entre sur une pelouse, que l’on fasse 2m et 120kg ou 1,65m et 70kg, nous sommes tous égaux entre les quatre mêmes lignes blanches.

Vous êtes même un exemple en France où vous avez participé à l’évolution des mentalités, et le chouchou des supporters toulousains…

Je n’ai jamais voulu être érigé en exemple parce que je n’ai pas envie de ramener les choses à moi. D’autres joueurs ont le même physique et si ça peut servir aux enfants qui nous regardent et qui veulent pratiquer ce sport… Il est vrai que les fans du Stade toulousain m’ont apporté beaucoup de soutien, comme mes entraîneurs et mes coéquipiers. Ils ont toujours un mot gentil quand ils me croisent en ville ou au stade. J’apprécie ces marques d’affection mais je crois que c’est surtout parce qu’ils savent que je donne tout pour ce maillot.

Vous êtes un joueur spectaculaire, reconnu aussi pour son sens du collectif. Il y a tant d’actions où vous servez vos partenaires, comme en finale du Top 14, au lieu d’y aller seul…

Sincèrement, c’est très naturel. Je pars du principe que, lorsque vous êtes un joueur professionnel, vous devez effectuer les bons choix et respecter l’organisation générale, le plan de jeu établi par le staff. Je me dois de créer des connexions avec mes coéquipiers, sur et en dehors du terrain d’ailleurs, donc les mettre dans les meilleures dispositions. J’adore jouer les duels mais, si le un contre un se présente alors qu’un partenaire est mieux placé, je le servirai toujours pour le mettre dans l’intervalle. Le rugby n’est pas un sport individuel. Nous avons des objectifs personnels à atteindre mais le respect du jeu est plus important que ses propres statistiques.

Vous avez choisi de prolonger votre contrat

à Toulouse l’année dernière, jusqu’en 2023.

Était-ce une évidence à vos yeux ?

La première fois que j’ai posé le pied à Toulouse, j’ai trouvé des amis et des entraîneurs formidables. J’ai su que c’était ma deuxième maison. Ma famille se sent bien ici et tout le monde au club nous a toujours soutenus. Pas seulement moi mais ma femme et ma fille aussi. Le Stade toulousain est une autre famille à mes yeux.

Car on suppose, avec vos performances à la Coupe du monde, que de nombreux clubs japonais ou britanniques étaient prêts à vous faire un pont d’or…

Quand j’ai signé ma prolongation l’an dernier jusqu’en 2023, je ne pouvais pas savoir ce qui arriverait dans le futur. Je n’avais pas envie d’attendre. Le club a encore de beaux projets pour l’avenir et je serai là pour les prochaines années.

Vous semblez proche de votre entraîneur Ugo Mola sur le plan humain, et surtout partager avec lui la même vision du rugby…

Oui, nous sommes très proches. "Coach Ugo" est toujours resté en contact avec moi durant la Coupe du monde. Il me félicitait, m’encourageait et avait constamment une pensée pour moi. Cela montre déjà la personne qu’il est. Il est exigeant mais donne beaucoup à ses joueurs et, sur le plan du rugby, il nous demande d’être entreprenants et ambitieux. Il a construit une équipe qui adore attaquer avec le ballon. Je m’éclate dans le rugby que nous pratiquons et je peux totalement m’épanouir. C’est en partie grâce à lui. Il a cru en moi il y a trois ans, comme les dirigeants, qui m’ont offert l’opportunité de représenter cette belle institution.

Vous êtes donc champion de France et champion du monde. Votre prochaine ambition est-elle d’être champion d’Europe ?

C’est clairement ça. Nous étions proches du but l’an passé, avec cette défaite en demi-finale. Je veux être champion d’Europe avec Toulouse et nous pouvons peut-être y parvenir dès cette saison. C’est mon prochain objectif, avec celui je l’espère, de représenter l’Afrique du Sud avec l’équipe nationale à 7 lors des jeux Olympiques de Tokyo en 2020.

Avec une nouvelle médaille d’or autour du cou ?

Ce serait merveilleux.

"Je veux être champion d’Europe avec Toulouse

et nous pouvons peut-être y parvenir dès cette saison. C’est mon prochain objectif, avec celui de représenter l’Afrique du Sud aux jeux Olympiques de Tokyo

en 2020."

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