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Dupont : « Il y a vraiment une culture européenne à Toulouse »

  • Antoine Dupont accompagné par George Gregan, Gareth Edwards et Fabien Galthié
    Antoine Dupont accompagné par George Gregan, Gareth Edwards et Fabien Galthié Midi Olympique
Publié le Mis à jour
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Lundi soir, Antoine Dupont a reçu l'Oscar d'or by Générali, récompensant le meilleur joueur français de la saison, élu par les lecteurs de Midi Olympique. Entouré des légendes, le demi de mêlée a avoué sa fierté d'inscrire son nom au palmarès. Champion de France avec Toulouse et après sa première Coupe du monde avec les Bleus, il ne cache pas sa volonté de remporter d'autres titres. Blessé au dos, il passera des examens la semaine prochaine qui fixeront la durée de son indisponibilité.

Qu’avez-vous ressenti à l’instant de recevoir l’Oscar d’or Midi Olympique lundi soir ?

Ça fait toujours plaisir d’être mis à l’honneur. D’autant plus qu’au rugby, il y a finalement peu de récompenses individuelles. Puis les Oscars Midi Olympique, pour moi qui adore ce sport depuis tout petit, c’est quand même légendaire ! Cela existe depuis des décennies et, quand on regarde le palmarès de près, il n’y a que des grands noms, que ce soit du rugby français mais aussi international quand il s’agit de l’Oscar monde. C’est forcément bizarre de retrouver mon nom à côté de certains autres mais c’est un honneur d’intégrer la liste.

Pour vous qui avez cette grande culture rugby, y a-t-il des noms qui vous ont particulièrement marqué ?

Quand j’ai posé les yeux sur le trophée, j’ai vu que Serge Blanco l’avait gagné quatre ou cinq fois, Jérôme Gallion trois ou quatre fois aussi. Cela nous permet de nous rendre compte de l’immense carrière qu’ont eu ces joueurs. D’autant plus qu’il n’y a pas toujours beaucoup d’images à notre disposition les concernant. On partage leurs exploits davantage par le récit des anciens et cet Oscar est un trait d’union avec eux.

Il existe un dicton qui dit : "Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens." Parfois, cela ne fait pas mal de suivre cette idée.

La photo prise dans la soirée avec trois immenses numéros 9 de l’histoire, à savoir Gareth Edwards, Fabien Galthié et George Gregan, fut un moment fort…

Disons que je me sentais comme un enfant qui demandait une photo à de glorieux adultes (rires). Je n’étais pas hyper à l’aise quand on voit le palmarès et le parcours qu’ont connu les trois. J’étais ravi d’être au milieu mais je n’étais pas encore vraiment légitime.

Pouviez-vous imaginer, il y a un an quand vous reveniez tout juste de votre grave blessure au genou, en être là aujourd’hui ?

Tout va à dix mille à l’heure pour nous, avec des semaines chargées, des déplacements et des matchs tous les week-ends pendant neuf ou dix mois dans l’année. Donc on n’a pas trop le temps de se poser et de prendre du recul. Pourtant, quand je regarde un an en arrière, à mon retour après la blessure au genou, je ne savais même pas si j’allais pouvoir rejouer au rugby comme avant, si je pourrais retrouver mes sensations. Douze mois plus tard, je suis champion de France, j’ai disputé une Coupe du monde et je suis élu meilleur joueur français. Cela fait relativiser. Il existe un dicton qui dit : "Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens." Parfois, cela ne fait pas mal de suivre cette idée.

On connaît votre énorme détermination. Mais ce premier coup d’arrêt vous a-t-il fait douter ?

Sur le début de la blessure, je ne doutais pas du tout. Je me disais : "Je vais attendre huit mois, revenir et ça va repartir comme avant." Mais les étapes de la rééducation, même si elles se sont bien passées pour moi, font toujours douter. Quand on reprend la course, il y a des douleurs. Quand on trottine, on voit la jambe amaigrie. On se pose évidemment des questions… Après, c’est bateau de dire cela mais les blessures font grandir. Faire face à des difficultés apporte de la maturité. Pour n’importe qui. Je crois que c’est bénéfique de connaître ces instants qu’on n’a pas l’habitude de vivre. Un sportif de haut niveau est plus souvent dans la lumière que dans l’ombre.

Abordez-vous votre quotidien de rugbyman différemment aujourd’hui ? Par exemple, êtes-vous moins mauvais perdant ?

Non, là-dessus, rien n’a changé (sourires). Sur mes routines et mes entraînements, en revanche, je suis peut-être plus sérieux qu’avant. Quand vous n’avez jamais été blessé, vous vous dites : "Je ne vois pas comment ça pourrait m’arriver." Une fois que c’est le cas, vous faites davantage attention et vous êtes plus rigoureux sur vos échauffements ou vos récupérations, par exemple. Sans être assidu à l’excès, il s’agit d’y penser.

La rapidité avec laquelle vous étiez revenu et rappelé en équipe de France était impressionnante…

J’avoue que je ne m’attendais pas à faire la tournée de novembre. Je ne m’étais d’ailleurs pas fixé cet objectif. Pourtant, si la liste était tombée sans mon nom dedans, ça m’aurait quand même fait ch… (rires). J’ai aussi eu la chance qu’il y ait une blessure (celle de Morgan Parra, N.D.L.R.). Mais retrouver vite les Bleus a joué sur ma confiance. Mon privilège fut aussi d’intégrer l’équipe toulousaine dans une dynamique très positive. Ça jouait bien, ça gagnait. Il était presque facile de rentrer dans ce collectif. Puis, le jeu et le terrain m’avaient tellement manqué… Ensuite, le naturel reprend le dessus. Quand je suis en match et qu’il ne se passe rien, je râle encore. Je veux toujours être le meilleur. Donc la détermination ne s’était pas envolée.

On a touché du doigt une phase finale de Coupe du monde et on ne peut même pas s’imaginer l’ampleur que pourrait avoir un titre dans cette compétition. J’ai toujours un peu de déception par rapport à ce match-là

Vos entraîneurs, dont Ugo Mola, font souvent référence à cet aspect très compétiteur dans votre caractère. Cela peut-il vous jouer des tours ?

Je ne sais pas mais je pense qu’Ugo fait référence à la période où je suis revenu à la compétition. J’ai été remplaçant trois matchs d’affilée et je râlais déjà (rires). Avec le recul, je sais qu’il n’aurait pas été logique de revenir tout de suite dans le XV de départ mais, entre la réception d’Agen sous la pluie ou un déplacement en Coupe d’Europe, je me disais à l’époque que j’allais démarrer un des deux matchs. Je n’allais bien sûr pas gueuler dans son bureau mais je trépignais dans mon coin. Je pense que, pour un entraîneur, il vaut mieux avoir un joueur qui râle de ne pas jouer plutôt qu’il s’en foute.

Vous avez ensuite vécu une remise en cause en équipe nationale, au début du Tournoi, avec ce premier contre le pays de Galles observé en tribunes. Mais vous avez fini la compétition titulaire…

Je ne l’avais pas vraiment senti venir. C’était un coup d’arrêt, car c’est toujours désagréable de se retrouver en tribunes. Le problème quand tu n’es pas dans les choix du coach, à part t’entraîner et essayer d’être le meilleur possible durant la semaine, il n’y a pas grand-chose d’autre à faire… On m’a donné ma chance le match suivant (en Angleterre, N.D.L.R.). Pour l’équipe, ça ne s’est pas bien passé mais pour moi un peu mieux. Tout est question d’opportunités. On ne doit pas perdre contre le pays de Galles mais s’il n’y a pas cette défaite, je ne reviens peut-être pas dans le groupe la semaine d’après et je ne termine pas le Tournoi titulaire. Il y a toujours une part de chance qu’il faut saisir.

Le fait le plus marquant de votre saison est sûrement l’obtention de votre premier Brennus. Que change ce titre dans votre carrière ?

Avoir au moins un titre de champion de France, c’est l’objectif d’une carrière. Quand tu l’as à 22 ans, tu as presque envie de dire : "C’est bon, j’ai un Brennus, je peux arrêter." (sourires) Chez moi, ça n’a pas duré longtemps car, dès que les matchs sont revenus, je voulais gagner de nouveau. On se bat tous pour ça et on sait combien ces moments sont précieux, surtout depuis le temps qu’on l’attendait à Toulouse. Remporter le Bouclier avec ce maillot, c’était fort. Je ne sais pas si je le soulèverai d’autres fois mais je me souviendrai de ce titre.

D’autant que vous êtes supporter de ce club depuis toujours…

Je l’ai dit et répété : comme tous les gamins vers chez moi (il est originaire des Hautes-Pyrénées, N.D.L.R.), j’étais supporter du Stade quand j’étais petit. Toulouse gagnait un trophée tous les ans, ou un an sur deux, donc c’était facile d’être fan. Il y avait ce beau jeu, tous ces mecs à qui je pouvais m’identifier. J’achetais les maillots du Stade, alors le porter en tant que joueur de cette institution, c’était un moment fort pour moi. Le club n’avait pas été champion depuis sept ans. On en parlait avec ceux qui avaient remporté ce dernier titre et ils ne pensaient pas attendre si longtemps pour retrouver le Stade de France et le Brennus. On l’a donc bien savouré.

D’autant plus qu’au-delà du titre, il y a eu le jeu produit tout au long de la saison…

Oui, il y a le trophée mais il y a aussi la manière. Des saisons comme ça, je ne suis pas certain qu’on en vivra deux dans notre carrière. Vous imaginez que, moi, je n’ai pas perdu un seul match de Top 14 durant tout l’exercice (sur les treize auxquels il a participé, N.D.L.R.). Je ne crois pas que cela m’arrivera encore. Avoir cette dynamique-là, produire ce jeu-là, c’était fou. On se régalait tous les week-ends sur le terrain. On dit souvent que les plus belles années de rugby sont celles chez les jeunes ou les juniors car l’enjeu du professionnalisme tue ensuite cette notion de plaisir. Mais la saison dernière m’a fait penser à mes années à Auch, quand on relançait tous les ballons, quand les avants tentaient des sautées de quinze mètres pour les trois-quarts. Ce jeu peut paraître utopique mais on a réussi à le mettre en place. Cela a marché une année et on sait que ça ne durera pas éternellement mais chacun de nous s’est éclaté.

Si on enlève ceux qui arrêtent leur carrière internationale, il ne restera pas beaucoup de "vieux" dans l’équipe. Ce sera donc aux jeunes de prendre le leadership

Votre potentiel est tellement énorme que le revers se trouve parfois dans l’intransigeance des jugements quand vous êtes moins performant. à vos yeux, est-on trop sévère avec vous ?

On peut aussi voir le bon côté. Si tout le monde vous tombe dessus dès que vous faites un mauvais match, c’est peut-être parce que ça n’arrive pas si souvent. Mais le plus frustrant, c’est que si je fais un match lisse, sans fait de jeu marquant de ma part, on va dire que j’ai été moyen ou moins en forme que d’habitude. Cela a pu m’agacer il y a quelque temps, mais j’essaye désormais de faire abstraction. Je sais faire mon autocritique et Ugo sait aussi avoir un jugement juste, sans aucun problème. Je m’appuie sur ça et j’en parle également avec Clément Poitrenaud. Avec Fred Michalak, quand ils ont éclos, ils étaient les attractions et ils avaient beaucoup de poids sur les épaules. Le cas de figure était similaire. Je me fie à l’avis de mes entraîneurs et partenaires.

Vous avez également disputé votre première Coupe du monde avec l’équipe de France. Retenez-vous le parcours prometteur ou la déception du revers en quart de finale ?

La défaite laisse beaucoup de regrets. Quand on perd en quart de finale et qu’on voit la demi-finale entre le pays de Galles et l’Afrique du Sud à la télévision, ça fout les boules. Mais on peut aussi regarder en arrière et se dire : "Si Boffelli met la pénalité lors du match contre l’Argentine, on ne sort même pas des poules et c’est fini." Seulement, s’incliner si près des demies… On a touché du doigt une phase finale de Coupe du monde et on ne peut même pas s’imaginer l’ampleur que pourrait avoir un titre dans cette compétition. J’ai toujours un peu de déception par rapport à ce match-là.

Mais avez-vous été rassuré, avec l’avènement d’une nouvelle génération, après avoir connu un début de carrière international difficile sur le plan collectif ?

Oui, cette équipe a été pleine de défauts durant la Coupe du monde mais aussi pleine de promesses. On a su répondre présent sur les deux matchs les plus importants, face à l’Argentine et au pays de Galles, en produisant du jeu et avec des garçons inexpérimentés à ce niveau. Je crois qu’on avait la formation la plus jeune des quarts de finale. Il y a de l’espoir. Le potentiel est là, même s’il veut tout et rien dire. Il se polit, se travaille et la marge est encore grande pour arriver à la régularité des grosses nations. Mais ça donne envie d’y repartir…

À titre personnel, vous étiez installé en tant que numéro un à votre poste. Était-ce un avantage ?

Bien sûr. Je sentais pour la première fois que j’avais la confiance du staff en équipe de France. Certes, je suis jeune et je n’ai pas dix ans de sélection derrière moi mais je n’avais jamais enchaîné aussi sereinement les matchs. J’ai pu prendre davantage de repères et emmagasiner plus de confiance. Ce qui est agréable pour un joueur.

Est-ce important dans la relation aux autres joueurs ? Un numéro 9 doit notamment avoir de l’emprise sur le paquet d’avants…

Quand je disais que ça donne de la confiance, ce n’est pas uniquement en soi mais aussi dans le collectif, pour communiquer et donner son avis. Chez un 9, c’est primordial.

On va d’abord essayer de se qualifier pour les quarts de finale et on regardera les autres équipes présentes avant de tirer des conclusions

Avoir une partie du nouveau staff, dont Fabien Galthié, à la Coupe du monde fut-il un gain de temps ?

Oui, on a pu voir la façon de travailler de Fabien, de Lolo (Labit) et de la préparation physique. C’est du temps de gagné car on a évolué sur les codes du rugby que le staff souhaite mettre en place. C’est forcément bénéfique pour le prochain Tournoi car c’est dur de tout faire en quinze jours. Disons qu’on se projette mieux sur la suite.

Avec l’arrêt du capitaine Guilhem Guirado, on parle beaucoup du leadership à venir. Vous sentez-vous prêt à faire partie des cadres en sélection ?

Si on enlève ceux qui arrêtent leur carrière internationale, il ne restera pas beaucoup de "vieux" dans l’équipe. Ce sera donc aux jeunes de prendre le leadership. Mais je ne vais pas dire maintenant si je suis prêt ou pas. Cela dépend de tellement de facteurs, de comment les choses vont se passer pour moi d’ici le Tournoi, de la liste qui va être annoncée… C’est le staff qui va définir ses leaders et le reste viendra naturellement.

Revenons à votre club. Récemment, Jerome Kaino puis Cheslin Kolbe confiaient dans nos colonnes leur volonté de devenir champions d’Europe désormais. Affichez-vous aussi cette ambition au grand jour ?

Cheslin, il ne lui manque plus que ça, donc c’est la seule motivation qu’il lui reste (sourires). Ils ont dit ça mais je crois que tout le monde a quand même le Top 14 en tête. Quand la fin de saison arrive et que tu l’as déjà connu une fois, je pense que tu as envie de le connaître tous les ans. Mais il est évident que la Coupe d’Europe a toujours une saveur particulière, surtout dans le club qui est codétenteur du nombre de titres dans la compétition. Il y a vraiment une culture européenne à Toulouse. Notre parcours de la saison passée nous a mis en appétit. L’équipe est tombée sur meilleure qu’elle en demi-finale au Leinster mais on a aussi appris de nos erreurs. Et puis se retrouver à une marche de la finale et de la possibilité d’avoir un sacre en Champions Cup… On a pu en mesurer la résonance. À chaque fois qu’on bascule sur la Coupe d’Europe, on voit qu’il faut élever le niveau. C’est une compétition à part dans l’hémisphère Nord.

Le fait que les Saracens, tenants du titre, la délaissent offre-t-il une ouverture supplémentaire ?

Alors là, on verra déjà comment les choses se déroulent… On va d’abord essayer de se qualifier pour les quarts de finale et on regardera les autres équipes présentes avant de tirer des conclusions.

Pour terminer, vous n’avez toujours pas rejoué depuis la fin de la Coupe du monde en raison d’une blessure au dos, pouvez-vous nous donner des nouvelles ?

J’ai encore des douleurs par rapport à mon dos, donc on a préféré prendre du repos maintenant plutôt que risquer de traîner ça toute la saison. Je vais passer des examens la semaine prochaine pour voir si ça va mieux et savoir quand je pourrai reprendre.

Aucune date de reprise n’est pour l’heure arrêtée ?

C’est dur d’établir une durée pour l’instant. On en saura davantage après les résultats de ces examens.

Les autres internationaux toulousains nous ont confié qu’après une ou deux semaines de coupure au retour du Japon, il leur tardait de reprendre en club. N’est-ce pas trop frustrant de ne pouvoir les rejoindre sur le terrain ?

Si, car nous sommes tous attachés au club et il nous tardait, en rentrant, de jouer avec nos coéquipiers, de retrouver ce stade, cette ambiance. C’est dur pour moi de devoir encore attendre. Au-delà de la blessure, qui est toujours handicapante pour un sportif, cela fait longtemps que je n’ai pas porté le maillot de Toulouse et ça me manque. Je dois prendre mon mal en patience. Ce n’est ni très long ni très grave, donc il faut là aussi relativiser.

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