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Cros : « Bonjour Monsieur, je voudrais essayer le rugby... »

  • Jusqu’à la première licence, aux premiers émois. natif de Toulouse, François Cros a fourbi ses armes dans deux clubs des alentours, Seilh et Grenade. Là où il s’est imposé comme un élève modèle et un forçat de travail.
    Jusqu’à la première licence, aux premiers émois. natif de Toulouse, François Cros a fourbi ses armes dans deux clubs des alentours, Seilh et Grenade. Là où il s’est imposé comme un élève modèle et un forçat de travail. Icon Sport
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Avant chaque match du XV de France, nous partirons sur les traces d’un international pour remonter jusqu’à la source. Jusqu’à la première licence, aux premiers émois. Natif de Toulouse, François Cros a fourbi ses armes dans deux clubs des alentours, Seilh et Grenade. Là où il s’est imposé comme un élève modèle et un forçat de travail.

« Pour moi, François est le plus beau et le plus fort, évidemment. Mais il y a tout de même d’autres très bons joueurs au poste… Je peux vous dire que je vais être toute la journée pendu à mon téléphone. » Jeudi, Claude Cézerac a longuement croisé les doigts jusqu’à l’annonce tant attendue de la composition des Bleus face au XV de la Rose. Le pressentiment est alors devenu réalité : François Cros connaîtra bien son baptême dans le Tournoi des 6 Nations ce dimanche.

Aux yeux du créateur de l’école de rugby de Seilh-Fenouillet, l’athlétique troisième ligne de 25 ans reste ce petit bonhomme déterminé ayant poussé la porte de son bureau, un beau jour de l’an 2000 : « J’ai été le premier à lui faire signer une licence, se remémore le président fondateur du club situé aux portes de Toulouse. Je le revois encore débarquer avec sa maman. Il m’avait dit : « Bonjour Monsieur, je voudrais essayer le rugby. » Ce moment m’avait marqué car c’est lui qui avait pris la parole alors que, d’ordinaire, ce sont les parents qui s’adressent à nous. » La première impression se révélera être la bonne. Claude Cézerac parle de son protégé avec une tendresse infinie : « C’était le rêve de tout éducateur : il était adorable, volontaire, à l’écoute, apprécie l’entraîneur. Jean-Luc Delpy, Franck Soustre et Damien Vidal, tous ceux qui l’ont eu sous la main, vous diront la même chose. » En remontant le temps, les souvenirs se dévoilent : « Dès les poussins, il m’avait surpris par son intelligence. Je me souviens d’un exercice que j’avais lancé. J’avais à peine terminé l’explication qu’il était en place. Je lui ai demandé pourquoi il était parti et il m’a répondu : « Bah, on commence, non ? » Généralement, il faut répéter deux ou trois fois pour que tout le monde ait bien saisi. Mais lui comprenait deux fois plus vite que les autres. » Plus vif mais aussi plus haut et plus fort : François Cros se hisse naturellement au-dessus de la mêlée. « À partir des benjamins, il avait deux têtes de plus que tout le monde. Et comme il avait trois poumons, il était partout sur le terrain. »

« François avait les boules, sur le coup… »

Dans le village de 3 000 et quelques âmes, l’espoir devient progressivement certitude : avec François Cros, le Saf XV possède un spécimen rare. Un futur joueur d’élite, à n’en pas douter. « Le Stade a rapidement eu un œil intéressé sur lui », note Claude Cézerac. Cette notoriété grandissante ne dévie pas la trajectoire de l’enfant modèle : « Il était évident qu’il avait reçu une très bonne éducation : il était bien élevé et a conservé son humilité. Je ne l’ai jamais entendu engueuler un copain car il avait manqué un plaquage. » Si le jeune homme reste discret, son ambition va crescendo, légitimement. Alors, quand le responsable de la formation au Stade toulousain se présente en personne au club pour témoigner de son intérêt, François Cros voit son rêve rouge et noir sur le point de se réaliser : « Michel Marfaing était venu le voir pour lui dire qu’il voulait le faire venir. Mais il lui avait conseillé de rester encore un peu avec ses copains à Seilh. François allait passer en minimes. C’était une catégorie charnière. Il avait les boules mais son père avait compris ce choix. » Le troisième ligne poursuit son apprentissage sous les couleurs de l’entente Grenade-Seilh. Michel Tortelli, alors coordinateur, découvre un garçon épatant : « J’ai immédiatement été frappé par deux aspects de sa personnalité : son intelligence supérieure et sa faculté d’adaptation remarquable, évoque l’ancien partenaire de Jean-Luc Sadourny à Colomiers. Pour un entraîneur, c’était le paradis. »

« Ça a été un crève-cœur, sur le coup... »

Sur les bancs du vestiaire du Grenade Sports, Romain Manas voit cet adversaire pas comme les autres s’asseoir à ses côtés : « On s’affrontait tout le temps : Seilh - Grenade, c’était le derby. Nous étions petits mais je me souviens qu’il était pénible à jouer. » L’actuel joueur de Blagnac est frappé par une révélation : « C’était déjà un exemple pour tous. Il n’est jamais venu se plaindre ou rechigner après une séance. Il avait ce côté élève modèle. C’était un capitaine né. » Un passionné et un forçat, aussi : « Honnêtement, c’était déjà un bon joueur, décrit le troisième ligne. Il avait des qualités physiques naturelles mais il n’était pas hors norme comme d’autres qui pouvaient traverser le terrain. Lui, il multipliait les gros plaquages, il avançait tout le temps. C’est le travail qui l’a porté au plus haut niveau. » « Toutes ses interventions étaient bonnes, pertinentes, reprend Michel Tortelli. Il sentait le jeu comme personne. » Qu’il évolue devant ou derrière : « Il jouait le plus souvent centre à l’époque, révèle Romain Manas. C’était la meilleure option pour que l’équipe prenne le moins d’essais : il se déplaçait bien et était assez solide. Mais peu importe où il était positionné, c’était un leader par les actes. »

Après deux saisons à Grenade, son départ pour Ernest-Wallon devient inéluctable. Au grand désarroi, sur le moment, de Michel Tortelli : « On s’était un peu pris le bec avec le Stade toulousain. Il nous avait semblé intéressant de le conserver en première année cadets. Face à des deuxième année, ça aurait déjà été formateur. Mais il a enquillé au pôle espoir avec Sébastien Piqueronies. Ça a été un crève-cœur de le voir partir sur le coup. Mais quand on connaît la suite, il n’y a aucun regret à avoir. » En 2010, François Cros est sacré champion de France Alamercery. Aux côtés de Cyril Baille et autre Dorian Aldegheri, il s’impose comme le capitaine de la troupe. Il le restera pendant toutes ses années au centre de formation et endossera régulièrement ce rôle au sein des équipes de France jeunes. « Il était amené à être un meneur. Que ce soit par l’impact qu’il a sur le terrain et par son comportement, c’était évident », note Michel Tortelli. Claude Cézerac sourit, en se remémorant une anecdote de l’époque : « Pour fêter le titre des cadets, le Stade toulousain avait invité les éducateurs de chaque joueur. Ce jour-là, Michel Marfaing m’avait confié : « Claude, non seulement il est bon mais, en plus, il est adorable. Alors, si tu en as d’autres comme ça, tu me les envoies directement s’il te plaît. » Il lui avait donné un surnom : c’était machine. » Une réputation consolidée au fil des années. En une décennie à Ernest-Wallon, François Cros a continué de s’armer pour parvenir au niveau international. « Il en bavé pourtant », souffle Claude Cézerac. Le troisième ligne a dû attendre janvier 2016 pour enfin entrer dans la cour des grands. à presque 22 ans. « Il n’a jamais paniqué, n’en a jamais voulu à personne. Il a travaillé dans son coin, en attendant son heure », raconte Romain Manas.

Le petit bonhomme a bien grandi. Sans changer, paradoxalement : « Il a conservé les mêmes points forts : il a toujours ses trois poumons et est toujours le premier là où il faut, que ce soit en attaque ou en défense », analyse Claude Cézerac. « Quand tu le regardes, tu sens qu’il est dans la maîtrise absolue de tout. Que ce soit dans l’agressivité, dans le jeu, en touche… », apprécie Michel Tortelli. Le Haut-Garonnais pure souche a déployé ses ailes sans perdre ses racines. Ses mentors se régalent de le voir à l’écran comme de le croiser auprès des terrains de son enfance : « Tu as l’impression qu’il n’est jamais parti, rigole le Grenadain. En ville, vingt-cinq mecs vous diront la même chose. » Claude Cézerac et tout le Saf XV ont encore reçu sa visite, le 14 janvier: « Je l’avais tanné pour qu’il nous amène le Bouclier. Il a fait des pieds et des mains pour le récupérer. Il est venu il y a quinze jours. Il est resté trois heures et tu sentais qu’il était sincèrement content d’être présent. Les gamins avaient les yeux qui brillaient. Chez nous, c’est l’idole. C’est la fierté de tout le club. » Lui, l’enfant du pays, un vrai : « à une époque, il se posait la question de partir mais il a tout fait pour continuer dans le club de ses rêves, auprès de ses amis, là où il a grandi, conclut Romain Manas. Je pense qu’il ne se voit pas trop jouer ailleurs. » à Toulouse, sa ville natale, et à un jet de pierre de Seilh et Grenade, les terrains de ses premiers exploits.

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