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Fickou : l’entrée en Seyne

  • L’entrée en Seyne
    L’entrée en Seyne DR
Publié le Mis à jour
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Promis à un bel avenir comme défenseur au football, Gaël Fickou a décidé à 14 ans de se lancer dans le rugby. Le début d’une ascension éclairpour le natif de la Seyne-sur-mer, désormais âgé de 25 ans et papa de la ligne de trois-quarts.

La Seyne-sur-Mer, au milieu des années 2000 : à l’époque où toute la France du ballon rond apprécie les dernières arabesques de Zinedine Zidane, la cité Berthe voit émerger un talent du coin, sous les couleurs du FC Seynois. Une promesse nommée Gaël Fickou. "Gaël était un défenseur central avec une bonne technique et il était plus costaud que tous les gars de sa catégorie, décrit le grand frère Jérémie Fickou. Il avait tapé dans l’œil de plusieurs clubs de Ligue 1. Quand il a eu 13 ans, Monaco et Sochaux l’avaient contacté pour intégrer leur centre de formation." "Je l’avais vu taquiner le ballon, c’était du haut niveau ", se souvient Laurent Tuifua, désormais directeur sportif de l’US Seynoise. Mais Gaël Fickou prend ce rêve de gosse à contre-pied. "Le foot a commencé par moins lui plaire, surtout sa mentalité. Ça ne lui correspondait plus", explique Jérémie.

Le natif de La Seyne cède alors progressivement à la tentation ovale. Comme Léon Loppy, cet oncle parti à Bordeaux et Castres, ou son grand frère, pilier de l’Union sportive seynoise et futur international sénégalais. "Il y avait Jérémie et plusieurs copains de la cité qui étaient déjà parmi nous, au rugby. Je pense que ça l’a incité à suivre cette voie. Il était aussi plus en phase avec nos valeurs." Pour le plus grand bonheur de Laurent Tuifua, tombé en admiration du spécimen depuis quelque temps déjà : "Gaël accompagnait régulièrement Jérémie à l’entraînement, raconte l’éducateur. Sur le bord du terrain, il jouait avec mon fils, Kevin, qui est de la même génération. Nous organisions ensuite des touchers. J’avais été surpris dès le début : il avait de très bonnes attitudes, il prenait les intervalles… Son frère m’avait dit qu’il était au foot et qu’il avait des touches avec des clubs pros. Je trouvais ça dommage, car il avait un talent inné pour le rugby. ça sautait aux yeux."

"Il venait de nulle part"

Quand Gaël Fickou se présente, à 14 ans, au stade Marquet de La Seyne. La première très bonne impression se confirme, s’accentue même. Didier Bonnabel, un de ses entraîneurs, valide : "Avec les collègues, on s’est tout de suite dit : "Mais c’est quoi ce diamant ?" Même en foot, il aurait pu faire une belle carrière, j’en suis persuadé." Après un an à jongler entre les deux sports, Gaël Fickou se tourne définitivement la page. Sa deuxième vocation s’impose comme une évidence : "Il venait de nulle part mais j’avais l’impression qu’il avait toujours joué au rugby", souffle encore Laurent Tuifua. "Dès sa première année, il traversait le terrain, témoigne le grand frère. Mais il n’y avait pas que son physique : il avait compris le jeu et il a rapidement progressé techniquement. Il faut dire qu’il ne quittait jamais le ballon des mains. "

L’entrée en Seyne
L’entrée en Seyne DR

En compétition, l’étonnant Gaël Fickou détone d’entrée : " Je me souviens d’un tournoi où il avait planté trois essais contre le RCT. C’est ce jour-là que je me suis dit : "S’il n’a pas de blessures, il peut aller très loin."" Dès ses premiers pas en rouge et bleu, l’enfant de la Seyne va vite et vise haut : "D’entrée, il a été très ambitieux, explique Laurent Tuifua. Il était très déterminé et savait clairement où il voulait aller. J’avais été marqué par ce qu’il m’avait confié un jour : "Ma promesse, c’est de réussir pour sortir mes parents de là. " Je me suis demandé : "C’est bien beau comme objectif mais est-ce qu’il va le faire ? "" Gaël Fickou aborde le défi d’une vie en suivant une ligne directrice : droit au but. Sans détours. "Il était à l’écoute et très sérieux dans son approche. Je n’ai jamais eu un souci avec lui en déplacement. Et je ne l’ai jamais vu se battre sur le terrain." Le bénéfice d’une enfance éprouvante et enrichissante. "On peut dire que c’était chaud, à la cité, dessine Jeremie Fickou. Mais notre chance, c’est d’avoir reçu une très bonne éducation avec une mère au foyer et un père qui n’a pas hésité à être dur. Nous avons toujours été cadrés, nous n’avons jamais été des délinquants. Le fait d’avoir grandi dans la cité, dans une tour de seize étages où tout était d’origine, ça nous a forgés."

Mensonge par omission

Laurent Tuifua et les entraîneurs de l’USS le savent : ils tiennent une pépite entre leurs mains. Une pierre précieuse à polir et à manier avec précaution : "En tant qu’éducateur, notre rôle est d’apprendre aux jeunes à faire une passe mais aussi de veiller à ce qu’ils gardent les pieds sur terre." La méfiance se justifie car le danger existe. Au fil des compétitions, Gaël Fickou n’en finit plus de gagner en notoriété et en courtisans : "Narbonne et Montpellier le regardaient, liste Didier Bonnabel. Toulon, aussi, était venu. Notre objectif était de le faire partir au bon moment, ni trop tôt pour ne pas le brûler, ni trop tard pour ne pas le brider." Laurent Tuifua se remémore une anecdote à ce sujet : "Sur mon bureau, j’ai la photo d’un tournoi U14 organisé aux Sept Deniers. Nous avions une sacrée génération et l’on avait été à deux doigts de la finale. Ce jour-là, Robert Labatut était venu me poser des questions sur plusieurs de nos jeunes. Dont Gaël. Je lui ai répondu : "Vous savez, ils ne savent même pas préparer leurs sacs tout seuls." C’était trop tôt. Je n’avais rien dit aux jeunes et aux parents. J’avais peur qu’ils s’emballent. " Et l’actuel directeur sportif de tempérer : "De toute manière, Gaël était très mature. Il n’a jamais dévié de ses objectifs. "

"Je suis fier de mon frère "

En cadets, l’heure du départ arrive. Direction le RCT et le pôle espoir de Costebelle : "Nous avions rendu le dossier en retard, sourit Jérémie Fickou. Mais après l’avoir vu jouer, les responsables ont finalement accepté de le prendre hors délais." Parti de La Seyne, le centre continue de battre tous les excès de vitesse : "C’est simple, il n’a pour ainsi dire jamais joué en Reichel ou en espoirs." Laurent Tuifua, toujours à ses côtés, reprend : "Je me revois encore l’emmener le lundi matin, à 6 h 30 au pôle d’Hyères ou prendre le train pour le pôle France. Dans toutes les catégories, il était en avance ou surclassé. Finalement, rien de ce qui est arrivé ne m’a surpris." À tout juste dix-huit printemps, cinq ans après avoir signé sa première licence et à l’âge où ses semblables intègrent l’échelon junior, il se retrouve confronté à un choix de carrière de grands : relever le challenge de Toulon ou tenter l’aventure à Toulouse. Laurent Tuifua raconte cet instant charnière : "Je m’en rappelle bien. Nous étions en voiture. Il m’a dit qu’il fallait qu’il me parle à tout prix. Il m’a alors appris qu’il était en contacts avec un grand club de Top 14 et m’a demandé si je pensais qu’il devait accepter. Il en pleurait. Je lui ai rétorqué : "Ce n’est pas à moi de choisir. Je n’étais là que pour te faire progresser et te transmettre les codes de ce sport. Mais là, c’est ton choix. Fais-toi confiance. C’est comme sur le terrain, quand tu as une décision à prendre." Finalement et même si ça a été très dur à accepter, il est parti à Toulouse." La suite lui donnera raison.

Sept ans et cinquante-et-une sélections après ce déracinement soudain, le minot est revenu au bercail l’année dernière pour reprendre les rênes de l’Union sportive seynoise aux côtés de son frère. Le plus beau témoignage d’amour et de reconnaissance aux yeux de Laurent Tuifua, Didier Bonnabel et consorts : "C’est une fierté pour tout le monde, le club, le quartier, les entraîneurs de les voir à la tête du club, apprécie le second. Et la meilleure des façons pour lui de rendre ce qu’il a reçu." Les deux frangins sont arrivés avec des idées plein la tête : ramener le club au plus haut niveau amateur, voire plus, et développer la pratique au pied des tours. Là où tout a commencé pour le nouveau patron des lignes arrière des Bleus… Jérémie Fickou conclut, avec la tendresse de l’aîné pour son cadet : "Je suis fier de mon frère. Quand je vois maintenant qu’il a plus de responsabilités au sein de l’équipe de France… J’ai toujours su que c’était un meneur né. À côté de ça, l’autre jour, en allant à l’entraînement des Bleus à Monaco, j’avais l’impression de remonter le temps car c’est encore lui qui ramenait les ballons et les dossards."

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