Dimanche latin

  • Charles OLLIVON, félicité après son essai inscrit lors du match France-Italie.
    Charles OLLIVON, félicité après son essai inscrit lors du match France-Italie. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L'édito d'Emmanuel Massicard... Chez nous, messieurs dames, tout est possible ! Vainqueur au forceps d’une Italie réincarnée, le XV de France vient encore une fois de célébrer ses plus fiers paradoxes le temps d’un match et de ses deux mi-temps, aux visages diamétralement opposés. Comme face à l’Angleterre, il y eut d’abord du bon. Et du pesant, ensuite. Du soporifique, parfois. De l’inquiétant, par instants. Ce fut avant de terminer la bave aux lèvres, grâce à la fureur d’un Serin déterminé à ne pas disparaître des radars internationaux, aussi décisif que ne l’avait été Dupont face à l’Anglais huit jours plus tôt pour empêcher un ultime essai.

Les Tricolores manient ainsi l’art de faire cohabiter les extrêmes de feu et de glace, la maîtrise et la perte de repères, la confiance et le doute, le (re)bond avant l’absence d’élan. Ce dimanche, ils ont jonglé avec nos émotions. Ont fini par nous extirper d’une prometteuse sieste au coin du feu pour terminer les nerfs en pelote, un parfum d’inachevé au coin des lèvres quand nous aurions tant aimé célébrer leur première place au classement après deux journées.

Surprenant, vous dites ? Pas tout à fait. Le rugby français revient de tellement loin depuis deux ans qu’il aurait été étonnant de le voir se relever d’un seul coup, guéri de ses maux les plus profonds après trois semaines d’un traitement de cheval infligé par Galthié et son staff. Patience.

Et puis, les Italiens -ces cousins latins que nous serions si prompts à bannir des 6 Nations pour ouvrir les portes du Vieux Tournoi aux Japonais et autres Sud-Africains- ont chuté avec les honneurs à force de ne jamais renoncer. En cela, ils ressemblent à notre XV de France du temps jadis, qui ne gagnait pas et se contentait de promesses face aux Britanniques.

Cette époque est désormais révolue, on le sait bien. Nos Tricolores ont pris du coffre, de la valeur, en même temps que nos exigences se sont affinées. Et le fameux gagné moche, même à temps partiel, peine aujourd’hui à faire notre plein bonheur malgré le rappel à l’ordre d’une météo peu complaisante avec le jeu de ligne léché, inspiré et accrocheur, que nous appelions de nos vœux après l’Angleterre. Il faudra attendre avant de voir la bande à Ollivon relever le double défi de la constance et de l’efficacité…

Il faudra attendre, encore, et certainement muscler un peu plus le banc de touche pour que l’espoir résiste à la valse des remplacements, même s’il est trop facile de ne tirer que sur les seuls réservistes… Il faudra attendre, toujours, pour que les « practices » du sélectionneur finissent par ancrer rigueur et confiance au plus profond du fonctionnement de son équipe.

En fait, l’emballement si latin qui accompagne ce XV de France ne saurait nous faire oublier la réalité de cette vitrine en chantier, de cette Bleusaille en devenir. Ce Tournoi 2020 ne sera jamais que le début de l’aventure, après tant de chagrins, d’espoirs déçus et de déconvenues. La promesse est là, belle et farouche, portée par quinze joueurs qui jouent juste par instants et qui portent la flamme d’un renouveau. Il n’en faut donc pas davantage pour nous réconcilier avec ce que le rugby français a véritablement de plus beau.

Pourvu que ça dure et que notre âme chagrine résiste aux déplacements à venir, au pays de Galles et en Écosse. Oui, pourvu que ça dure.

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