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Giteau : « Je ne voulais pas finir ma carrière comme ça... »

  • L’ancien Toulonnais et Wallaby, Matt Giteau, pourrait avoir disputé le dernier match de son immense carrière avec les Suntory Sungoliaths, au Japon le 22 février dernier. La faute à cette pandémie de coronavirus qui sévit actuellement…
    L’ancien Toulonnais et Wallaby, Matt Giteau, pourrait avoir disputé le dernier match de son immense carrière avec les Suntory Sungoliaths, au Japon le 22 février dernier. La faute à cette pandémie de coronavirus qui sévit actuellement… Guillaume Ruoppolo / Icon Sport - Guillaume Ruoppolo / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Le 22 février, Matt Giteau (37 ans) a inscrit plus de vingt points face à Hino, dans le championnat japonais. Néanmoins, il se pourrait que l’international australien ait ce jour-là disputé le dernier match de son immense carrière. Sans avoir choisi sa sortie...

Pourquoi avez-vous dernièrement décidé de quitter le Japon pour revenir en Australie ?

Lorsque le championnat japonais a été provisoirement suspendu, le coach de Suntory (le Néo-Zélandais Milton Haig, coach de la Géorgie de 2011 à 2019, N.D.L.R.) m’a accordé trois semaines de congé pour que je retourne au pays, à condition que je m’y entraîne un peu. J’ai tout de suite accepté.

Pour quelle raison ?

J’étais seul au Japon, j’avais besoin de voir ma femme et mes deux fils. Je voulais m’assurer que tout allait bien pour eux, à Canberra. C’est une période particulière : mon épouse est enceinte de notre troisième enfant. Je ne me voyais pas la laisser seule au pays. C’était même impensable.

Quelle était la situation au Japon ?

Honnêtement, tout était très bizarre… Si je n’avais pas regardé pas le journal télévisé, je n’aurais jamais cru que le Japon vivait une période de pandémie. Il n’y avait aucune différence avec la vie de tous les jours, en fait : je pouvais prendre les transports en commun, faire mon shopping… Au club, on s’entraînait aussi de la même façon, tous ensemble. Non, franchement… Il y a quinze jours, on aurait cru à Fuchu (banlieue de Tokyo, N.D.L.R.) que la vie continuait…

L’aéroport de Tokyo était donc ouvert ? Vous avez pu voyager normalement ?

Oui. Mais l’avion était quasiment vide, c’était assez étrange.

Retournerez-vous au Japon, après ces trois semaines ?

À l’heure où je vous parle, le championnat japonais n’est pas officiellement suspendu. Je suis donc censé revenir en Asie la semaine prochaine.

Mais rien ne dit que le championnat reprendra, n’est-ce pas ?

Non. Mais je dois me préparer à toute éventualité, j’ai un contrat à honorer. À vrai dire, la seule chose dont je sois sûr en cette période, c’est que je ne suis sûr de rien. Tout va si vite…

Avez-vous peur de cette situation ?

Je n’ai pas peur, ce n’est pas le mot juste. Du moment que l’on respecte les consignes, il n’y a rien à craindre. Mais je suis stupéfait, oui. J’ai l’impression que l’on est tous en train de vivre un mauvais film de science-fiction…

Où êtes-vous actuellement ?

À Canberra. Mais là aussi, c’est particulier… J’ai dû passer les deux premières semaines en quarantaine, pour ne pas exposer ma femme et mes enfants à un possible microbe. Je ne peux pas sortir de chez moi, je ne peux pas faire les courses ou aller au parc. Le soir, je dors dans une chambre à part et la journée, je me tiens toujours à plus de deux mètres des miens.

Et ?

Ça va. Pour le moment, je n’ai pas le moindre symptôme. Je fais même du sport tous les jours, pour rester affûté.

Que faites-vous pour garder la forme ?

J’ai acheté un grand filet que j’ai placé dans mon jardin. Je m’en sers pour travailler mes passes et mon jeu au pied. J’ai aussi installé une salle de gym dans mon garage, pour faire un peu de musculation, du rameur et du wattbike (vélo à résistance, N.D.L.R.). Je reste donc occupé, positif et heureux.

Les journées sont-elles parfois un peu longues ?

Mon Dieu, oui ! (rires) Je n’ai même jamais connu de journées aussi longues ! Le plus dur, ce sont les devoirs des petits, en réalité. Mes fils ont 6 et 8 ans. Et aujourd’hui, je peux clairement vous dire que les professeurs ne sont pas assez payés. On devrait leur donner des salaires de premier ministre ou de président pour faire ce qu’ils font ! (rires)

J’avais peut-être besoin d’un signe de Dieu et d’un truc pareil pour raccrocher définitivement les crampons

Vous n’avez pas tout à fait tort…

Quoi qu’il en soit, j’ai aussi l’impression que ce temps-là n’a pas de prix. Depuis quand n’avais-je pas passé autant d’heures avec mes enfants ? Quand je ne suis pas en voyage, ils sont à l’école six heures par jour et on se voit finalement peu… Alors, j’essaie juste de considérer cette période comme une façon de rattraper le temps perdu. Mais bon… Ça reste un sacré défi quand même ! (rires)

À ce point-là ?

Non, j’exagère… Vous savez, mes deux garçons sont nés à Toulon. Quand on a quitté la France (au printemps 2017, N.D.L.R.), ils parlaient très mal anglais. J’ai donc voulu qu’ils aillent vivre en Australie, quitte à ce que je vive l’expérience japonaise seul. Deux ans plus tard, leur Anglais est bon. On peut enfin communiquer. (rires)

Les gens respectent-ils le confinement en Australie ?

C’est un peu le bazar, parfois… Du coup, le gouvernement a décidé d’adopter des mesures plus drastiques pour encadrer la population. La police fait des rondes dans le quartier, des amendes seront probablement distribuées. Mais pour un peuple qui est habitué à vivre dehors, ces habitudes n’ont pas été faciles à prendre.

Après les terribles incendies de l’automne, l’Australie est elle aussi frappée par la pandémie de coronavirus. Comment sentez-vous la population, là-bas ?

L’Australien est plutôt résilient de nature. Il a une mentalité de pionnier. Après les incendies dans le bush, on a tous ressenti un vrai regain de solidarité dans le pays. Aujourd’hui, je regrette simplement que la peur fasse ressortir chez certaines personnes des comportements étranges, comme celui de se ruer sur le papier toilette au centre commercial…

Revenons au rugby. Cette saison sera-t-elle pour vous la dernière ?

Il y a des chances, oui… Ce n’était pas comme ça que je voulais terminer ma carrière mais si ça devait se produire, je l’accepterai.

D’accord…

Vous savez, j’ai 37 ans et j’ai eu une très longue et belle carrière : mon premier match professionnel avec les Brumbies (la franchise de Canberra, N.DL.R.), je l’ai disputé il y a dix-sept ans.

En effet…

Quand j’ai quitté l’Australie en 2011, je pensais jouer dix-huit mois à Toulon et quitter la scène. J’y suis finalement resté cinq ans et derrière, j’ai même prolongé le plaisir au Japon. Depuis des années, je repousse, je repousse. Bon… Voilà… J’avais peut-être besoin d’un signe de Dieu et d’un truc pareil pour raccrocher définitivement les crampons.

Que ferez-vous, après votre carrière de sportif ?

Je vais revenir à Canberra, c’est sûr. Mes amis, mes parents et ma famille m’attendent depuis trop longtemps. Je sais que l’après carrière sera difficile à vivre. Je sais ce qu’ont traversé certains de mes coéquipiers quand la fin a sonné. Mais il y a des années que je me prépare à ça. Je suis prêt. Enfin, je crois…

La situation économique de la fédération australienne est plus préoccupante que jamais. Que pourrait être la solution pour éviter la banqueroute ?

Je n’ai pas de solution miracle. Mais on devrait peut-être profiter de la crise sanitaire actuelle pour ressusciter le championnat des clubs australiens. Les joueurs ne peuvent plus voyager, le Super Rugby est suspendu : alors pourquoi ne pas recréer le lien entre le rugby australien et sa population ? Quand l’épidémie aura reculé, on pourrait peut-être réfléchir à tout ça.

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