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Paul Goze, l'homme qui les a tous matés

  • Paul Goze, président de la LNR
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Publié le Mis à jour
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"L’Ignoble Paul Goze" a lâché les flingues et, loin des torgnolles du rugby de papa, mène aujourd’hui d’autres combats…

On oublie souvent qu’avant de devenir responsable d’une agence immobilière, boss de l’Usap puis président de la Ligue, qu’avant de gérer l’épineux dossier des droits télés, de guerroyer avec Bernard Laporte ou Serge Simon, le patron des patrons fut un redoutable numéro 4. "Dans les années 70, se souvient Serge Blanco, on parlait beaucoup de l’autre deuxième ligne de l’Usap (Jean-François Imbernon, N.D.L.R.). Mais Paul, plus discret, sévissait davantage… Comme toutes les fortes personnalités de ce temps-là, il était à la fois un papa, un gendarme, un protecteur et, lorsque les circonstances l’exigeaient, la personne censée faire comprendre au talonneur d’en face qu’il ne fallait pas toucher au ballon en mêlée…"

En termes d’intimidation, de raideur, Paul Goze était l’équivalent du moustachu Palmié, du géant Estève ou du colosse Cholley. "Quand ça tombait, sourit Imbernon, il savait prendre les flingues avant tout le monde." Et comme s’il souhaitait aujourd’hui mettre de la distance entre ce qu’il fut et ce qu’il est, le président de la Ligue se drape désormais d’un voile de pudeur lorsqu’il est question d’évoquer les années folles et les galipettes du rugby d’antan. "Ça fait un peu vieille gloire, dit-il. Quand j’étais gamin, les histoires des anciens ne m’intéressaient pas. Alors, j’imagine que les jeunes d’aujourd’hui se fichent éperdument des us et coutumes de mon époque. Pour eux, le rugby n’a vraiment commencé qu’avec le professionnalisme." Pas faux. "Et puis, tout ce qu’on raconte à mon sujet n’est peut-être pas vrai, vous ne croyez pas ?" Vrai ou pas, un ami catalan avait, dans les seventies, surnommé le deuxième ligne de l’Usap "IPG" : "Ignoble Paul Goze." "Et le pire, se marre maintenant le président de la Ligue, c’est que ce surnom avait été repris par les journalistes ! Pour moi, "IPG" était juste le nom de ma boîte : "Immobilier Paul Goze". Mais bon, il y a prescription…"

Un soir, à Ibiza

À Perpignan, on situe la résurrection de l’Usap dans les années 70, au jour où les Catalans avaient battu Clermont en huitième de finale. Cet après-midi-là, Goze, Imbernon et les autres avaient d’ailleurs réalisé une incroyable performance, écrasant l’un des plus gros packs de l’Hexagone. Un témoin raconte : "Un an après ce match, les Jaunards nous attendaient de pied ferme. Le match était tendu, âpre, haché. En fin de rencontre, l’ASM marquait un essai et Paul, énervé, assénait alors un grand coup de poing à Jean-Pierre Romeu." Touché, le demi d’ouverture international s’effondrait. Dans le microcosme du rugby, le scandale était immense et, dans les vestiaires, un journaliste s’avançait alors vers le coupable pour lui demander de s’expliquer : "Qu’avez-vous à dire, Paul Goze ? Regrettez-vous votre geste ? - Absolument pas ! se voyait-il répondre. Il n’avait qu’à pas bouffonner, celui-là !" Si la grande histoire d’amour de Paul Goze avec l’Auvergne s’était arrêtée là, elle aurait fait moins de victimes. "Mais l’année d’après, se souvient un autre Usapiste, on retrouve encore Clermont sur notre route. Dès le premier regroupement, Paul se fait ouvrir la tête en deux. Inquiet, l’arbitre lui demande : "Ça va, monsieur ?" Et l’autre répond, tranquille : "À merveille. Plus ça saigne et plus ça me plaît !" À son retour sur la pelouse, il avait été épouvantable…" Passé l’orage, on ne dira pas que Paul Goze aimait se battre. On dira juste que le président de la Ligue était plutôt raccord avec les mœurs de son époque. Marc Brazès, ancien président de l’Usap, se souvient : "On voudrait réduire Paul à un joueur rugueux mais il était surtout un excellent rugbyman, adroit de ses mains et inépuisable. Il a quand même débuté en première à 18 ans contre le grand Agen !" En fin de carrière, ralenti par une arthrose à la hanche, Paul Goze courait néanmoins au ralenti et jouait en Nationale B, l’équivalent de nos "réserves" actuelles. Brazès poursuit : "Un après-midi de phases finales, Paul s’est approché de son vis-à-vis et lui a dit : "Écoute-moi, jeune : je ne peux pas courir mais on va considérer que toi non plus. Alors, tu sautes en touche et tu pousses en mêlée, aucun problème. Mais à chaque fois que tu me dépasseras, tu prendras un marron." Le mec a marché à ses côtés pendant quatre-vingts minutes. C’était hilarant".

Dans les seventies, Paul Goze a 25 ans et, avec plusieurs potes de l’Usap, décide de rejoindre la station balnéaire d’Ibiza pour quelques jours de vacances. L’un d’eux raconte : "Au petit matin, nous sommes sortis d’une boîte de nuit où nous avions un peu fait les cons. À ce moment-là, nous sommes tombés dans un traquenard. Des mecs se sont mis dans l’idée de nous massacrer." En sous nombre, les rugbymen de l’Usap mordaient la poussière. Jean-Louis Fabre, un dirigeant du club, était même retrouvé gisant au sol. "Quand nous nous sommes approchés de Jean-Louis, poursuit ce même témoin, nous ne l’avons pas reconnu. Il était défiguré par les coups. Ce n’est que grâce à sa pièce d’identité que nous avons finalement compris qui c’était. Nous avons tous eu très peur, ce soir-là." Au plus fort de la rixe, Paul Goze s’était, quant à lui, retrouvé acculé contre la devanture d’un bistrot. "Un type s’est présenté à lui avec un flingue, poursuit cet autre témoin. Et il a tiré." Miracle ? Coup de bluff ? "C’était une balle au blanc et au moment où le mec s’est rendu compte que Paul était toujours debout, il l’a alors frappé avec une clé à molette." Sur le coup, le visage du deuxième ligne de l’Usap fut fendu en deux, du menton à l’arcade. Ses dents ? Cassées pour la plupart. "Et vous savez ce qu’il a trouvé à nous dire ?" Non. "Finalement, je ne suis pas si dangereux que ça, quand je donne un coup de pompe…"

Goze : "Je suis attaqué sur mon poids…"

Le président de la Ligue, en poste depuis 2012, est bien plus sensible, plus ouvert et plus fin que ne le laisseraient croire ses anecdotes, jetées en vrac pour le plaisir d’une lecture. Disert, drôle, féru d’histoire et de chiffres ("À une époque, je connaissais les plaques d’immatriculation de tous mes amis par cœur…"), Paul Goze et sa gouaille virent même au poignant lorsque l’on se risque à évoquer cette enveloppe corporelle, si peu commune, dans laquelle il est aujourd’hui enfermé. "Je ne me reconnais plus, lâche-t-il à présent. Mon surpoids m’inquiète, je consulte souvent des médecins et, même si ça peut sembler ridicule, j’essaie de faire attention…" Dans une société où l’image est une dictature, son physique atypique dénote, dérange parfois. "Aujourd’hui, le racisme anti-gros est la stigmatisation la plus répandue. Les gros sont vilipendés, moqués. C’est même la seule discrimination autorisée. Vous n’entendrez jamais quelqu’un dire : "Hé, le noir !" ou "Hé, l’Arabe !" En revanche, j’entends souvent : "Ça va le gros ?" Alors, quand vous mangez dans la rue, vous devez presque vous cacher. Sinon, vous les entendez tous murmurer : "Il a besoin de ça, celui-là ! Ça lui fait du bien !" C’est assez désolant, que voulez-vous…" Lui jure pourtant qu’à 66 ans, les insultes glissent désormais sur le rail de son indifférence. Il n’empêche : "Sur internet, les attaques sur mon physique sont incessantes. L’anonymat décomplexe les gens haineux. Dès qu’un article attrait à la Ligue, les commentaires qu’on y juxtapose font irrémédiablement référence à mon poids, au fait que je ne pense qu’à bouffer. En clair, les refoulés se défoulent. Moi, je me dis juste que les gens n’aimant pas manger sont tous de grands malheureux…"

"On voudrait réduire Paul à un joueur rugueux mais il était surtout un excellent rugbyman, adroit de ses mains et inépuisable. Il a quand même débuté en première à 18 ans contre le grand Agen ! ",  Marc BRAZÈS Ancien président de l’Usap

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