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Partie 1 - Botha : « J'aurais dû rejoindre Toulon dès 2007, mon rêve aurait été plus long »

  • Depuis l’annonce de la fin de sa carrière, l’ancien deuxième ligne de Toulon et des Springboks, Bakkies Botha, est retourné en Afrique du Sud où il partage son temps entre ses mines où il a investi et le travail à la ferme. Mais le géant n’a pas oublié ses années françaises, au contraire… Il évoque son passage dans le Top 14 avec une pointe de nostalgie.
    Depuis l’annonce de la fin de sa carrière, l’ancien deuxième ligne de Toulon et des Springboks, Bakkies Botha, est retourné en Afrique du Sud où il partage son temps entre ses mines où il a investi et le travail à la ferme. Mais le géant n’a pas oublié ses années françaises, au contraire… Il évoque son passage dans le Top 14 avec une pointe de nostalgie. Manuel Blondeau / Icon Sport - Manuel Blondeau / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Depuis son départ de Toulon en 2015 et l'arrêt de sa carrière, le champion du monde Springbok ne faisait plus parler de lui. Pour Midi Olympique, il sort de son silence. Et ça découpe.

Il faut lutter, pour approcher le grand Bakkies. Il y a deux ans, un agent nous avait donc donné l’adresse électronique de l’ancien deuxième ligne des Springboks et du RCT. Visiblement débordé, celui-ci ne répondit jamais à nos sollicitations. Récemment, on a donc demandé à Morne Steyn, l’ancien Parisien de retour aux Bulls de Pretoria depuis quelques semaines, de jouer les entremetteurs. En confiance, le grand Bakkies (40 ans) s’est alors prêté au jeu et, une heure durant, a parlé non sans humour des mains baladeuses de Sylvain Marconnet, du geste de Joe Marler, de chasse au cerf, des coups de pression de Bernard Laporte et du talent de Richie McCaw. Mais de cette conversation avec Bakkies Botha, on a surtout retenu cette phrase : « J’aimais voir la peur dans les yeux de mes adversaires. »

Vous avez quitté Toulon et mis un terme à votre carrière à l’été 2015. Quelle est votre vie aujourd’hui ?

Je travaille avec des compagnies qui organisent des ventes aux enchères sur du bétail lourd, comme des taureaux, des vaches, des bœufs… J’ai aussi investi dans des mines situées près de Johannesburg. On s’occupe des forages, des constructions, du matériel de base… Entre la mine, le bétail et le travail à la ferme, je suis assez occupé. Une fois que j’en aurais terminé avec vous, je vais d’ailleurs tondre la pelouse et m’occuper de mon potager. Vous savez, tous ces trucs que l’on n’a jamais l’occasion de faire en temps normal ! (rires)

Vivez-vous toujours dans votre ferme ?

Jusqu’à ce que le président sud-africain (Cyril Ramaphosa) lève le confinement, nous sommes installés à Pretoria (capitale administrative de l’Afrique du Sud) avec ma femme et mes enfants. C’était plus simple, pour la vie de tous les jours. Mais dès que cela sera terminé, on regagnera la ferme : elle est perdue dans le Northern Transvaal, à trois heures de Pretoria. C’est mon petit coin de paradis. Moi, j’ai toujours pensé que l’on a réussi sa vie quand les lumières de la ville ne sont plus qu’un point minuscule, à l’horizon.

Chassez-vous encore ?

Bien sûr, oui ! C’est ma façon à moi de m’échapper. Je passe quelques jours dans le bush, avec mes chiens et mon fusil. On chasse l’antilope et le koudou. Dans le bush, il n’y a que moi, des animaux sauvages et, aux alentours, les chacals qui rôdent de nuit. Le bush, c’est un endroit incroyable.

Le jour de mon arrivée là-bas, je me revois marcher dans le tunnel du stade aux côtés de Matt Giteau. Sur le terrain d’entraînement, on avait ce jour-là rejoint Jonny Wilkinson, Simon Shaw, Frédéric Michalak, Carl Hayman, Juan Smith et Joe van Niekerk. Cette équipe, mon gars, c’était une montagne

Quelle fut votre plus grosse prise ?

En Afrique du Sud, il est interdit de chasser ce que j’appelle le « big five », les éléphants, les lions, les girafes, les tigres et les rhinocéros. On se doit de protéger ces beautés. En revanche, j’ai un jour profité d’un voyage en Nouvelle-Zélande pour chasser un Red Stag, un de ces énormes cerfs de 250 kg qui ont envahi l’île. Les bois de cet animal étaient gigantesques ! J’avais l’air d’un nain, à côté de lui ! Un jour, j’irai chasser l’élan au Canada…

Pourquoi aimez-vous ça ?

Difficile à dire… Mais vous savez, viser son premier gnou (210 kg en moyenne), c’est la même décharge d’adrénaline que débuter un test-match…

Faites-vous du sport depuis l’arrêt de votre carrière ?

Je ne m’entraîne pas beaucoup, non… Il m’a toujours semblé difficile de continuer l’entraînement, une fois que le salaire ne tombait plus à la fin du mois ! (rires) C’est plus facile de se lever le matin pour aller courir, sauter en toucher et pousser des mêlées si tu as un salaire correct à la fin du mois. Ma femme, elle, fait du footing tous les matins ; mes enfants font du netball (un dérivé du basket-ball) et courent partout, tout le temps. Mais moi aussi, j’essaie de rester « fit ».

Y parvenez-vous ?

(il se marre) Je suis un être humain assez volumineux de nature. Et en Afrique du Sud, on est toujours invité à un barbecue ou un truc dans le genre… Il faut que je fasse un peu plus attention, je crois. De toute façon, ma femme ne veut plus que je grossisse. Depuis quelque temps, elle me lance des défis toutes les semaines.

Combien de kilos avez-vous pris depuis votre retraite ?

Hum, je n’aime pas trop parler de ça. Disons quelques-uns. Mais vous savez…

Quoi ?

Si vous appuyez sur le bon bouton, je suis encore capable de faire vingt bonnes minutes en Top 14. Dites-le au nouveau président de Toulon (Bernard Lemaitre)… J’ai encore le feu en moi…

 

Qu’est-ce qui vous manque le plus, aujourd’hui ?

Le jeu, le combat, tout ça… C’est dur, en ce moment. On est totalement sevré de sport en direct. Pour compenser, je regarde tout ce qui passe à la télé, les vieilles « redifs », les plus grands matchs de l’histoire, tous ces trucs-là, quoi… Le rugby est toujours dans mon sang.

À ce point ?

Oui. Cinq ans après avoir arrêté, mon corps me le rappelle encore : le vendredi matin, j’ai des fourmis dans les jambes, des papillons dans le ventre… Mon corps me dit que je suis prêt pour le match, quoi !

Après le départ de Bernard en 2015, le club n’a d’ailleurs plus jamais été le même

Et que faites-vous, alors ?

J’allume la télé et je regarde les jeunes talents m’en mettre plein les yeux !

Pourquoi personne ne vous appelle John Philip, votre véritable prénom ?

Bakkies est mon surnom depuis mes sept ans. Quand j’étais petit, mes genoux se touchaient. À la ferme, je ne pouvais attraper les cochons. Ils filaient entre mes jambes et on se moquait de moi ! En Afrikaan, Bak signifie citerne.

Nous pensions qu’un Bakkie était un pick-up…

Oui, aussi. Mais on m’appelle Bakkies pour mes genoux rapprochés, pas pour ma peau dure. On m’appelle Bakkies pour les mauvaises raisons ! (rires)

Avez-vous un regret, dans votre carrière ?

Oui. Vous savez, les cinq dernières années de ma carrière, à Toulon, ont été inoubliables. Avec mon épouse Carien et mes enfants, on avait l’impression de vivre un rêve, là-bas. Alors oui, j’ai un regret : celui de ne pas être arrivé à Toulon plus tôt.

Ah, oui ?

Après la Coupe du monde 2007 en France, le RCT m’a contacté. Mais à l’époque, les Bulls ne voulaient pas me lâcher et les Springboks disaient que je ne jouerais plus jamais en sélection, si je partais. (il marque une pause) Je n’aurais pas dû prolonger avec les Bulls en 2006. J’aurais dû rejoindre Mourad Boudjellal à Mayol. Mon rêve n’en aurait été que plus long…

Pourquoi étiez-vous à ce point heureux, dans le Var ?

Le jour de mon arrivée là-bas, je me revois marcher dans le tunnel du stade aux côtés de Matt Giteau. Sur le terrain d’entraînement, on avait ce jour-là rejoint Jonny Wilkinson, Simon Shaw, Frédéric Michalak, Carl Hayman, Juan Smith et Joe van Niekerk. Cette équipe, mon gars, c’était une montagne.

En effet…

Pendant quatre ans, on a disputé toutes les finales possibles et imaginables, remporté trois fois la Coupe d’Europe… On a fermé les bouches de tous ceux qui disaient que nous étions des mercenaires. Nous n’étions pas là pour passer une belle retraite. On était là pour gagner des titres.

D’accord…

L’important, ce n’est pas la façon dont vous commencez une carrière. C’est la façon dont vous la finissez. C’est en tout cas ce que les gens retiennent.

Quelle était l’influence de Bernard Laporte sur cette équipe ?

(il se marre et parle en Français) « Bakkies ! Non ! Pas possible, Bakkies ! » Je ne sais pas ce qui fait de Bernard un si grand coach. Il savait nous persuader qu’aucun challenge n’était trop grand pour nous. Je ne sais pas, il savait trouver les mots pour nous emmener derrière lui. Mais ça n’a pas toujours été facile…

Pourquoi ?

J’ai souvenir de quelques séances vidéos du lundi matin… Mon Dieu… C’était violent… Mais on avait besoin de ça. On avait besoin de cette pression quotidienne. Après le départ de Bernard en 2015, le club n’a d’ailleurs plus jamais été le même.

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Les commentaires (1)
Bakkies Il y a 4 années Le 19/04/2020 à 18:44

Quel guerrier ce Bakkies. Le rugby incarné.