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Lacroix : « À huis clos, le rugby ne tient pas plus d’un mois et demi »

  • Didier Lacroix, président du Stade Toulousain.
    Didier Lacroix, président du Stade Toulousain. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Discret dans les médias depuis le début de la crise et alors qu'on dit son club au plus mal financièrement, le président du Stade toulousain a choisi Midi Olympique pour s'exprimer en exclusivité. L'occasion d'évoquer tous les sujets chauds du moment, de son club au rugby mondial en passant par le Top 14. Un entretien dont voici la première partie.

Pourquoi avoir gardé le silence depuis trois semaines ?

J’ai l’impression qu’il faut s’extraire du débat court-termiste que peut représenter le calcul de la fin du championnat ou du début de l’autre, par rapport à la crise sanitaire actuelle. Des gens sont touchés dans leur chair et il me paraissait normal de prendre de la distance pour parler de nos problèmes, gros sur le plan personnel mais petits à l’échelle de ce que l’on vit sur la planète. Mais j’ai dit, dès le début, qu’il fallait demander à l’équipe de France si elle allait partir en tournée pour voir si certaines dates pouvaient être récupérées en juillet. Quelques semaines plus tard, nous en sommes à peu près au même point. La question, pour caler la fin de saison 2019-2020 ou le début de la prochaine, est d’avoir un débat plus général qui tient compte du calendrier international, de ce que vont faire World Rugby et la FFR. Pourra-t-on jouer contre les nations sudistes ? Si oui, quand et comment ? Devra-t-on jouer uniquement contre des nations européennes ? Pour des raisons de déplacements, les clubs pourront-ils disputer les matchs de Coupe d’Europe ? Il y a tant de questions à poser.

Qui n’ont pas de réponses aujourd’hui…

Les poser, ce n’est pas abandonner la défense des clubs ou de la LNR. Ce n’est pas être pro-FFR, pro-Bernard Laporte ou pro-Fabien Galthié parce qu’on inclut l’équipe de France. C’est regarder la situation telle qu’elle est. Savoir si on joue des phases finales en juin, en août ou en septembre, à quatre ou à huit, avec ou sans le Stade toulousain, ne me semble pas la priorité du moment. Même si, le temps venu, je serai le premier à aller défendre l’intérêt du club... Pour l’heure, le plus important est de considérer la santé du joueur et celle du public. On est à l’écoute de nos staffs médicaux ou du ministère de la Santé et cela remet en cause plein d’hypothèses sportives.

Les clubs ont parfois donné l’image de désunion récemment. Le regrettez-vous ?

Je dis souvent que le sport n’est pas fait pour être objectif. Nous sommes supporters et pervertis par l’intérêt personnel, celui du club, de nos joueurs, de nos supporters, des gens qui travaillent à nos côtés et qui ne comprendraient pas pourquoi on ne défend pas assez nos couleurs. Mais on ne doit jamais perdre de vue l’intérêt suprême du rugby, son éthique et son histoire. La conviction qu’on doit finir la saison est une chose. Mais il ne faut pas être absent de conscience. Jouer une phase finale en juin ou au début de la saison prochaine, ce n’est pas la même chose.

En quel sens ?

Ce n’est pas pareil de mettre nos joueurs à l’arrêt pendant deux ou quatre mois. Redémarrer une saison par des phases finales juste pour le principe d’en avoir n’a pas de sens. La phase finale, c’est le nec plus ultra d’une saison. Quand des gamins jouent un tournoi, ils disputent la phase de poule durant un week-end et les phases finales viennent sacraliser l’événement. Nous, on voudrait les sortir du contexte pour ne faire que deux ou trois rencontres au moment de la reprise. Ce sont habituellement des matchs amicaux à ce moment-là, car on n’a pas le rythme ou la ferveur de la montée en puissance.

N’est-ce pas imposé par le contexte ?

On peut dire "à condition particulière, solution particulière". Je le comprends mais je ne crois pas qu’on puisse jeter ce devoir de mémoire des phases finales, cet instant magnifié pour ceux qui ont eu la chance de les jouer ou de les vivre. À mes yeux, jouer la phase finale juste pour la jouer ne doit pas être une fin en soi.

Quel scénario défendez-vous ?

Il est à adapter en fonction des impératifs qui seront donnés. J’ai toujours eu la même position. Pour ne pas frustrer les gens, la meilleure solution est, coûte que coûte et quelles qu’en soient les dates, de continuer le championnat en cours et d’adapter le championnat suivant. Est-ce faisable économiquement et en termes de dates ? Cela dépendra de la place qu’on a. Si ce n’est pas possible, il faut prendre les décisions prises par d’autres : arrêter notre championnat. Soit l’annuler et la saison n’a pas existé. Soir le geler à cette date, avec l’incohérence qu’on lui connaît.

La deuxième solution ne favoriserait pas votre club, actuellement septième au classement du Top 14…

Notre championnat a été réfléchi avec un certain nombre de réglementations, dont la moyenne des Jiff et les matchs avec ou sans doublons. Ce n’est pas jouer la carte du Stade toulousain que de constater que le nombre de doublons est plus important en année de Coupe du monde. L’arrêt ne permet pas d’avoir la répartition édictée au départ et on peut donc espérer que notre classement soit différent dans neuf journées. C’est ce qui crée notre frustration. On peut aussi réfléchir à un algorithme qui remplace ces matchs mais tout sera toujours soumis à contestation. Je comprends aussi la frustration de Bordeaux-Bègles et de Lyon qui veulent conserver la dynamique dans laquelle ils étaient. Mais qu’en sera-t-il dans neuf journées ? Tant qu’on ne va pas au bout de ce championnat, personne ne peut répondre.

Le risque, en voulant à tout prix finir l’actuelle saison, n’est-il pas de sacrifier la prochaine ?

Pour le compte du Stade toulousain, ça devient la triple peine. Dans le dernier schéma, en plus d’être écarté des phases finales, on surcharge notre agenda de la saison 2020-2021 en nombre de doublons puisqu’on ne change pas la formule. Sous réserve qu’il y ait une tournée et que les besoins de l’équipe de France, tels qu’on les lit à ce jour, soient étendus puisqu’il y a aussi un match en retard du Tournoi 2020 à disputer. Il me semble trop prématuré de prendre ces orientations tant qu’on ne connaît pas les possibilités de chacun. Or, elles seront données par les conditions de sortie de la crise sanitaire. On rêve tous d’une évolution médicale positive, avec une capacité à tester, à soigner ou à vacciner. Sans ça, on n’a pas la maîtrise des calendriers, donc des championnats.

La problématique économique ne vient-elle pas se confronter à cette prudence ?

Elle changé dix fois sur les quatre dernières semaines ! Certains se basent sur des affirmations de scientifiques affirmant qu’on n’aura pas de gens dans les stades jusqu’à la fin de l’année quand d’autres disent que ce sera fini dans un mois.

Faudra-t-il que le rugby reprenne à huis-clos ?

Le rugby, dans son économie actuelle, ne peut pas vivre à huis-clos. On peut éventuellement jouer un ou deux matchs mais tous ceux qui sont dans l’économie réelle se retrouvent avec 75 ou 80 % de cette économie relevant du sponsoring, de la billetterie et de l’ensemble des annexes qui tournent autour des matchs, à savoir l’animation mise en place. Nous, on a plongé à fond là-dedans. À huis-clos, à Toulouse mais aussi dans d’autres clubs, le rugby actuel ne tient pas plus d’un mois et demi. C’est une certitude.

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