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Sarraute, grand alchimiste des succès de Colomiers

  • Julien Sarraute, entraîneur de l'USC, grand artisan de la superbe saison du club.
    Julien Sarraute, entraîneur de l'USC, grand artisan de la superbe saison du club. - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Après avoir repris les commandes de l’équipe professionnelle la saison dernière alors que la menace de relégation était réelle, Julien Sarraute a redressé la barre pour amener Colomiers la première place du Pro D2 au moment de l’arrêt du championnat. Rencontre avec un entraîneur qui gagne à être connu.

C’est une résurrection qui aurait mérité une "happy end hollywodienne". À la dérive la saison dernière avant de décrocher un maintien in extremis, Colomiers caracolait en tête du championnat de Pro D2 cette saison, avant l’arrêt des compétitions. Une véritable métamorphose opérée en quelques mois au sein d’une équipe qui n’a rien changé ou presque. "Malheureusement, on ne saura jamais ce qui se serait passé" regrette Julien Sarraute, à l’origine de ce renouveau, lui qui avait été propulsé à la barre de ce navire à la dérive en décembre 2018, alors que le club haut-garonnais semblait promis à une nouvelle descente en Fédérale 1. "Cette première place est valorisante pour le travail de l’équipe et c’est aussi une récompense pour l’investissement des garçons. Mais rien ne dit que nous aurions fini premiers. C’est dommage que ça s’arrête en cours de route."

Pourtant, si la fin de cette histoire ne sera jamais écrite, le début était prometteur et Julien Sarraute en était bien l’un des personnages principaux, lui qui a su révéler le talent d’une équipe que l’on pensait perdue. "Il a su donner confiance aux joueurs, reconnaît son binôme Fabien Berneau qui a pris en charge les avants. Il est tout le temps dans la réflexion, mais surtout il est honnête. Il est totalement transparent avec les joueurs, dans l’échange pour qu’ils progressent. C’est du management participatif." Et ce duo constitué de deux anciens directeurs de centre de formation a su trouver une certaine alchimie : "Nous sommes sur la même longueur d’onde, dans les mêmes délires. Nous ne sommes pas des hyperextravertis mais nous bossons dur dans le silence. Avoir été un grand nom du rugby n’est pas nécessaire pour avoir les idées claires, être performant sur le plan de la stratégie et avoir l’adhésion des joueurs. Julien a tout ça."

Une fin de carrière de joueur prématurée

Les résultats visibles avec Colomiers ne sont que la conséquence de nombreuses années de terrain et de réflexion. Contraint d’arrêter le rugby à 28 ans après avoir usé une épaule à défendre sans relâche l’honneur gascon sous les couleurs de Lombez-Samatan puis d’Auch, Julien Sarraute s’était déjà tourné vers l’entraînement avant même de raccrocher les crampons. Il œuvrait déjà chez les jeunes alors qu’il évoluait en équipe première. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à jouer aux côtés de Pierre Aguillon, Luc Bisuel, Paulin Riva, des gamins qu’il avait entraînés, avant de prendre le poste de directeur du centre de formation lors de l’arrêt anticipé de sa carrière. "C’est bien sûr mon plus grand regret d’avoir dû arrêter si jeune. Nous avons remporté deux fois le championnat de Pro D2 ensemble. Nous étions des copains et nous avons relevé des challenges que l’on croit forcément perdus au début. Nous avons connu des victoires fabuleuses et je me suis fait des amis pour la vie."

À tel point, que Nicolas Pagotto, avec qui il était associé au centre de l’attaque auscitaine est toujours un de ses voisins. Lui aussi a laissé une épaule sur la pelouse du Moulias, devenu Jacques-Fouroux, et il fait maintenant la route jusqu’à Colomiers pour suivre son ami : "Beaucoup l’oublient, mais Julien a entraîné très jeune en Top 14 quand il a rejoint Pierre-Henry Broncan en cours de saison. Avec le centre de formation puis le Pro D2 et la Fédérale. Il a tout connu et il est devenu un entraîneur très complet, très pointu sur le plan technique mais avec ce côté auscitain qui ressort, où l’affect est important. C’est un bon mélange je trouve." Un cocktail qu’il a su peaufiner au fil des années à la tête du centre de formation du FCAG, en passant ses diplômes d’entraîneur, mais aussi en effectuant la formation de préparateur physique avant d’y ajouter une formation diplômante sur la préparation mentale.

Un perfectionniste qui s’est aussi construit à travers de nombreuses lectures. Certaines plus surprenantes que d’autres, à commencer par l’autobiographie de l’ultra trailer Kilian Jornet ou celle de l’entraîneur de football portugais José Mourinho. Une volonté de s’enrichir de l’extérieur qui lui a permis, avec ses collègues de l’époque Roland Pujo ou Jean-Marc Béderède, de sortir énormément de talents de son centre de formation, avec des joueurs comme Gauthier Doubrère, Brandon Fajardo, Nicolas Corato mais aussi ceux qui sont devenus internationaux comme Antoine Dupont, Pierre Bourgarit, Anthony Jelonch, et Grégory Alldritt. "J’ai grandi avec eux. Ceux qui sont devenus des stars mais aussi les méconnus en qui je croyais. Leur grande force, c’était leur passion. Quand vous avez des joueurs aussi talentueux, vous avez envie d’élever votre niveau de compétence pour les accompagner au bout de leurs rêves. Je crois que pendant toute cette période, c’était un enrichissement mutuel."

Pas fan de tetris

Une période qui a marqué le troisième ligne de l’équipe de France Grégory Alldritt parti vivre ses rêves à La Rochelle sous les ordres de Grégroy Patat, le beau-frère de Julien : "Je n’ai que des bons souvenirs avec lui. C’est un très bon entraîneur et je lui dois beaucoup. Grâce à son énergie et sa recherche constante de nouveautés venues d’Angleterre ou de l’hémisphère Sud, il nous mettait dans les meilleures conditions. Nous n’avions pas énormément de moyens à Auch mais on travaillait dans de super conditions et c’était très pro. Les joueurs adhéraient à son discours car il savait faire la part des choses. Il est très gentil en dehors du terrain, mais il te faisait travailler très dur, en étant entier. Il savait nous parler de nos points faibles sans langue de bois, mais aussi de nos points forts. Il était crédible."

Julien Sarraute n’aurait certainement jamais quitté son rôle de directeur de centre de formation sans la banqueroute du club à l’été 2017. "Un véritable crève-cœur. Le projet était très bien organisé, avec beaucoup de qualité chez les éducateurs et de cohérence avec les établissements scolaires pour créer un écosystème favorable à la formation de nos joueurs pour qu’ils puissent atteindre leurs objectifs. Je ne remercierai jamais assez le FCA. J’étais bien à Auch, même si nous faisions avec des bouts de ficelle, en trouvant des arrangements au quotidien. J’avais toujours connu ce rugby campagne, celui où on apprend à faire avec pas grand-chose." Celui aussi où l’aventure humaine ne peut se dissocier du projet global, celui qui est marqué du sceau d’Henry Broncan, un de ses mentors. Une idée du rugby qui lui a fait choisir Lombez-Samatan parce que son grand-père avait été gardien du stade alors que le Stade toulousain ou Colomiers avait cherché à l’attirer en cadets. Il a su aller au-delà de cette base, piochant chez Pierre Mignoni, l’ultra technicien, tout en étudiant de près la structure managériale de Christophe Urios.

Il est loin d’avoir atteint son objectif avec ses joueurs cette saison malgré les bons résultats quand il s’agit d’évoquer sa philosophie de jeu : "L’état d’esprit d’un groupe s’évalue dans l’investissement défensif. L’engagement est la base fondamentale. Maintenant, le rugby moderne demande une intensité énorme. Il faut être capable de multiplier les tâches et les joueurs doivent circuler très vite pour aller attaquer les espaces avant que la défense ne se restructure. Je préfère que l’on travaille dans les espaces. Je n’aime pas jouer à Tetris. Il faut arriver à ce que le ballon soit dans un mouvement perpétuel et cela demande de grandes exigences techniques tout en ayant un langage commun avec ses coéquipiers. Je crois que nous sommes en train d’apprendre les fondamentaux de ce process car nous ne sommes pas encore dans l’adaptation perpétuelle. À partir d’une photo, d’une situation, il faut avoir une prise d’information, une analyse, une réponse commune et une concrétisation efficace."

Un travail qui demande de revoir toujours et encore les bases, ce qui plaît au formateur qu’il a été. "Le joueur est en formation continue pendant toute sa carrière. Il faut toujours travailler, de manière individuelle, la technique pure. ça n’existe pas un astronaute qui ne répète pas les gestes et les procédures basiques. Il faut toujours travailler pour réaliser un sans-faute sous pression."

Une exigence et un discours qui lui ont certainement permis d’être invité par le nouveau staff des Bleus à participer à des réunions avec Laurent Travers, Franck Azéma et Ugo Mola, pour parler du XV de France. "J’étais simplement le représentant du Pro D2. J’ai surtout écouté ", répond-il, humblement. Il n’avait pas encore placé Colomiers tout en haut du classement.

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