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Weber, pilier ascendant boucher

  • Damien Weber contre Brive
    Damien Weber contre Brive Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Certains s’improvisent restaurateur, d’autres se lancent dans les assurances. Le pilier de Colomiers Damien Weber, surnommé dès son arrivée au Stade français en 2005 le « fish » a choisi le métier de… boucher. Retour sur quelques belles tranches de vie.

C’était un soir de printemps 2011 dans les rues de Cardiff, la dévergondée. Quelques heures plus tôt, le Stade français de Michaël Cheika venait de s’incliner sur le fil en finale de la Challenge Cup contre les Harlequins de Londres. Sans le savoir, les Soldats roses vivaient alors les dernières heures de l’ère Guazzini. Quelques semaines plus tard, le club de la capitale flirtait avec le dépôt de bilan avant d’être sauvé in extremis par la famille Savare. « On savait qu’il se passait quelque chose mais on ne se doutait pas de l’ampleur de la crise », se souvient aujourd’hui Damien Weber, pilier de Colomiers. Le temps était donc encore à la légèreté, malgré la défaite. Et dans la nuit galloise, au cœur d’une discothèque à la chaleur étouffante, le surnom donné au jeune pilier venu de Moselle s’affichait en taille XXL. Allongé sur un sol humidifié par les diverses boissons jetées au sol par Pierre Rabadan, Laurent Sempéré ou encore Djibril Camara, Damien Weber, torse nu, se lançait dans une parodie endiablée du poisson dans son bocal avec un art bien particulier. Fou rire 100 % garanti. C’est à cette imitation que le jeune Weber doit très vite son surnom. « Lors de mon premier stage d’été en 2005 avec le Stade français, nous avions affronté Leicester en match amical à Camaret, raconte-t-il. Ce soir-là, ne me demandez pas pourquoi, j’ai imité le poisson lors de ma première troisième mi-temps. Et ce surnom, le « fish » est resté jusqu’à aujourd’hui. À Colomiers, je pense même que certains joueurs ne savent pas que je m’appelle Damien. »Il est donc des surnoms très mal appropriés. Aujourd’hui, le « fish » est boucher-charcutier, à Colomiers. « Tout le monde m’a fait cette remarque, sourit Weber. Mais il y a quatre ou cinq ans, je cherchais ma voie. Je n’avais pas trop d’idée. Je savais juste que j’aimais la cuisine et que lorsque j’étais plus jeune, j’aimais accompagner mon père sur son lieu de travail. À l’adolescence, je lui ai même parfois filé un coup de main. » Le papa de Damien tient une boucherie à Merlebach en Moselle. Pourquoi ne pas suivre ses traces ? Celui qui est passé aussi par le Lou se lance alors dans l’aventure. Retour à l’école pour suivre un CAP. « J’ai profité des aides apportées par Provale pour financer ma formation et j’ai eu la chance de pouvoir passer mon diplôme en un an. » Évidemment, il doit alors conjuguer formation et vie professionnelle avec l’US Colomiers. Bernard Goutta en est le manager. « Quand Damien est venu me trouver pour me parler de son projet, je l’ai encouragé, raconte aujourd’hui l’adjoint de Franck Azéma à Clermont. Il était de mon devoir d’éducateur, mais aussi en tant qu’homme, de faire en sorte qu’il puisse mener ses deux activités de front. Quand je vois le nombre de joueurs qui restent sur le carreau à la fin de leur carrière, je ne pouvais ne pas l’aider. Nous lui avons donc aménagé des horaires afin qu’il puisse réussir. » « Bernard, je lui dois beaucoup, confesse Damien. C’est même lui qui m’a trouvé une boucherie à Brax, dans son village, pour faire mon apprentissage. » Et d’ajouter dans un large sourire : « Avec le recul, je le soupçonne de m’avoir donné le feu vert car il adore la bonne bidoche. » Confirmation immédiate de l’intéressé : « J’espère même que lorsque je repasserai à Colomiers, j’aurai droit à une ristourne. »
 

« Même en caleçon, j’étais à l’aise dans la boucherie »


Dans une chambre froide, au milieu des carcasses de bœufs, le pilier polyvalent se sent à l’aise. Son diplôme, il l’obtient en moins d’un an. Et ouvre l’Atelier Weber le 26 septembre 2018. Une consécration pour ce garçon plutôt introverti « sauf en troisième mi-temps », précise Goutta. À l’époque du Stade français, il forme, avec Lionel Beauxis, Djibril Camara et Antoine Burban, un quatuor inséparable. À tel point que le duo Delmas-Faugeron les surnomme « les Beattles ». Et Weber de raconter : « Un matin, après une longue nuit de bringue, Djibril et Antoine, m’ont mis au défi d’aller acheter de la viande à la boucherie en bas de l’immeuble… en caleçon. » On vous laisse imaginer les regards des clients dans ce quartier très cossu du XVIe arrondissement de la capitale. « Même en caleçon, j’étais à l’aise dans la boucherie, plaisante Weber. Ce devait être mon destin. »


La qualité via les circuits courts

 

À Colomiers, l’Atelier Weber est en passe de devenir « the place to be ». L’entreprise est familiale. Son père et son frère sont à l’œuvre quand Damien s’entraîne. Mais l’homme est pointilleux, rigoureux. Son credo : la qualité via des circuits courts. Il détaille : « Je fais confiance à mon producteur de viande qui ne travaille qu’avec des éleveurs du Comminges. Pour le canard, j’ai trouvé un petit producteur gersois. Et puis, je me suis rapproché de l’ancien pilier Benoît Bourrust qui a joué à Auch ou encore à La Rochelle. Il s’est spécialisé dans le porc noir. » Weber ne laisse rien au hasard. Les abattoirs, il les visite régulièrement. « Je ne voulais pas que les bêtes soient maltraitées. Il y a des règles à respecter, notamment au niveau de l’hygiène. » Bientôt, il se rendra dans les Landes pour rencontrer son producteur de volailles. « Des volailles qui gambadent à l’air libre dans la forêt. Hors de question d’acheter des bêtes enfermées toute leur vie dans une cage. » Sans doute est-ce la raison pour laquelle Thomas Ramos, international du Stade toulousain, est un client fidèle. Tout comme certains de ses partenaires de l’USC comme l’emblématique Aurélien Bécot. « Mon plaisir, c’est le sourire de ma clientèle, jure Weber. Quand un client revient en disant qu’il s’est régalé, c’est la même satisfaction que lorsque tu gagnes un ballon en mêlée. »

À 34 ans, le Columérin espérait encore mener de front ses deux activités durant une ou deux saisons. Las, il s’est d’abord rompu le tendon d’Achille. C’était le 15 novembre dernier contre Carcassonne. « Je devais partir au Cers de Capbreton pour faire ma rééducation au mois de mars, seulement le centre a fermé. » Ensuite, la crise économique, liée à l’épidémie du Covid-19, qui s’annonce dans le rugby a poussé les dirigeants columérins à resserrer le budget. « Le club m’a prévenu très vite qu’il ne proposerait pas de prolongation. Ce n’est pas illogique, j’ai 34 ans et une activité professionnelle à gérer. Au mois de juin, je serai donc officiellement à la retraite. À moins que… »

En attendant, il n’est pas de ceux qui restent vautrés dans leur canapé. À 5 heures du mat, Damien rejoint sa boucherie et termine ses journées à 20 heures. « Les premières semaines de l’épidémie, les gens se sont un peu affolés et se sont rués dans les commerces de bouche. Les gens craignaient une rupture de stock. J’avais la queue devant la boutique. Aujourd’hui, le rythme est redevenu plus normal mais les gens continuent de consommer bien plus car ils mangent tous à la maison. » Il avoue d’ailleurs : « C’est un peu indécent de dire ça, mais les conséquences de cette épidémie sont positives sur mon activité. Le bouche-à-oreille a fait que j’ai aujourd’hui beaucoup de nouveaux clients. D’autant que nous faisons les livraisons à domicile gratuitement. » « Je suis vraiment heureux pour lui, se réjouit le troisième ligne du Stade français Antoine Burban. Damien, c’est quelqu’un de bien. Un p’tit gars de l’Est qui a de belles valeurs. Pour lui, ça n’a pas été évident au début. Mais comme sur un terrain de rugby, ce n’est pas le genre de mec à lâcher le morceau. »
Son rêve, c’est désormais d’ouvrir d’autres boutiques. « J’ai un concept en tête, j’aimerais le développer plus tard et ouvrir un atelier dans chacune des villes où je suis passé. » À Lyon, Boulogne-Billancourt (Stade français) ou encore là où tout à commencer, chez lui dans l’Est de la France.

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