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Laporte, Boudjellal et élections à la FFR : Eric Champ sort les flingues

  • L’ancien troisième ligne international puis président du RCT, Éric Champ, soutient Florian Grill dans sa quête de la présidence de la Fédération. Photo Icon Sport
    L’ancien troisième ligne international puis président du RCT, Éric Champ, soutient Florian Grill dans sa quête de la présidence de la Fédération. Photo Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Entre son RCT, club qu’il a présidé de 2003 à 2006, qui a changé de mains en février dernier et son engagement avec Florian Grill dans la campagne pour la présidence de la FFR, c’était le bon moment pour rencontrer du "barbare de la rade".

Le rugby vous manque-t-il actuellement ?

Comme tout le monde, j’aurais envie de voir du rugby, d’aller au stade, de partager des bons moments autour de ce ballon ovale. Mais la situation impose la décence. Il y a des choses bien plus graves aujourd’hui que de ne pas pouvoir assouvir sa soif de rugby. Et si demain ça reprend, la première validation qu’on devra obtenir, c’est celle des médecins. Est-ce que nous allons mettre les joueurs en danger si l’arbitre ordonne une mêlée après un en-avant, par exemple ? Soyons raisonnables. J’ai lu certaines déclarations de présidents de club voulant jouer les phases finales du Top 14 à tout prix. Arrêtons les conneries. La priorité des priorités, c’est la santé des gens.

Quel regard portez-vous sur l’actualité rugbystique ?

Je ne suis pas là pour balancer. Je ne veux pas tomber dans ce que l’on peut voir à l’échelle du pays. Quelles que soient les décisions prises par le gouvernement, les gens de l’opposition, qu’ils soient de gauche, de l’extrême gauche ou de l’extrême droite, ils ne font que balancer... Je trouve ça vraiment déplacé.

Vous avez été président du RC Toulon avant Mourad Boudjellal qui vient de revendre le club à Bernard Lemaître. Comment avez-vous accueilli ce changement ?

Mourad Boudjellal a obtenu trois titres de champion d’Europe et un bouclier de Brennus, je ne peux qu’applaudir. Mais tout ça a un prix. Tant que ça gagnait, Boudjellal avait raison. Seulement des présidents plus riches sont arrivés et les difficultés ont commencé. Personnellement, je crois donc plutôt à un sauvetage qu’à un rachat. C’est en tout cas ce que Bernard Lemaître a affirmé lors d’un dîner auquel j’avais été convié.

Voyez-vous son arrivée à la tête du RCT d’un bon œil ?

Je sais pour quelles raisons il est arrivé au club. Sa vision est proche de celle que nous défendons avec Florian Grill dans la campagne pour les élections de la FFR. Lui aussi veut un rugby raisonnable, basé sur la formation. Dernièrement, j’ai été amené à composer le XV de légende du RCT pour le site Rugbyrama.fr. Hormis Marc Andreu et Jérémy Sinzelle que j’adore et que j’ai souhaité mettre dans cette équipe, parce que formés à Toulon, il m’a été impossible de mettre un joueur français. Je ne blâme pas Boudjellal car les stars ont permis au RCT de beaucoup gagner. Mais ça pose question. En revanche, je tiens à le dire haut et fort, le dernier vrai bon choix de Mourad, c’est d’avoir recruté Patrice Collazo.

Pourquoi ?

Autant Bernard Laporte n’est pas à sa place à la FFR, autant il a été un manager du RCT exceptionnel, certes avec les meilleurs joueurs du monde. Seulement, après son départ, ça a été le grand bordel. On a changé 2 500 fois d’entraîneur. Et l’arrivée de Collazo est la meilleure chose qu’il soit arrivé au club depuis le départ de Laporte. D’abord, parce qu’il a une grosse paire de cou… Ensuite, parce qu’il a fait jouer des jeunes, tout en étant critiqué. Il a tenu bon et, il faut le souligner, a été maintenu à son poste. Et aujourd’hui, il en tire des bénéfices. Collazo est un homme de projets et ça me ravi de le voir à la tête du RCT. Pour moi, il est un peu comme Christophe Urios que j’apprécie beaucoup.

Vous évoquez Bernard Laporte, comment est née votre volonté de vous investir dans la campagne électorale pour les élections à la FFR au soutien de Florian Grill ?

Cette volonté est née il y a bientôt 58 ans (rires). J’ai grandi et je me construis grâce à ce sport. J’ai mené également ma vie professionnelle non pas grâce au rugby mais grâce à une image et une notoriété qui m’ont permis de rencontrer des gens. Ensuite, je me suis mis aussi au service de mon club lorsque j’ai pris la présidence du RCT. Et puis, le rugby est parti dans une direction qui n’était pas la mienne. Aujourd’hui, il n’est question que de pognon, de budget et de recrutement. Que ce soit le Top 14, la Pro D2 ou les clubs amateurs, ils n’ont que ça à la bouche. Nous avons donc laissé le club à Mourad Boudjellal. Mais je suis toujours resté dans le rugby de par mes fonctions de consultant pour TF1. Le rugby, c’est ma vie. Chacun l’exprime comme il veut : pour certains, ce sont des feintes de passes ; moi, c’est le rendez-vous du combat. Dans mon parcours, je ne m’étais pas préparé à m’engager de cette façon. Mais déjà il y a quatre ans, j’avais déjà très envie de me remettre au service du rugby français. J’ai même rencontré deux fois le président Camou. Seulement certains sujets nous séparaient. Aujourd’hui, je me sens prêt. Je viens de vendre mes affaires industrielles qui occupaient 80 % de mon temps. J’ai donc envie d’accompagner Florian (Grill) dans son combat. J’ai même l’ambition de prendre ma retraite dans un peu moins d’un an pour me consacrer uniquement au rugby.

Mais qu’est-ce que vous voulez changer dans le rugby français ?

D’abord, j’espère que les gens qui dirigent aujourd’hui la Fédération auront une attitude de gentlemen et qu’ils ne vont pas maintenir les élections à la date du 3 octobre. Ce serait refuser le débat d’idées. Ensuite, je crois que les présidents de clubs auront à voter entre deux projets diamétralement opposés. D’un côté, c’est la mondialisation permanente, une prédominance pour l’élite, le financement à tout prix puisqu’on voit que Bernard Laporte est prêt à vendre le rugby à un fonds d’investissement. Attention, je ne dis pas que l’argent, c’est mal. Le pognon, on en a besoin. Mais utilisons-le à bon escient. Même dans certains clubs de divisions fédérales, on en vient à ne parler que de pognon. Et ce sera encore pire demain avec les montées "gratos" offertes par la FFR à des clubs qui n’en ont pas forcément les moyens.

Que savez-vous du monde amateur ?

Je suis toujours licencié dans mon petit club de La Valette qui évolue en Fédérale 2. Et parfois, j’ai mal au cœur car la grosse angoisse chaque année, c’est de boucler le budget. Mais merde, le rugby, ce n’est pas que ça. Le rugby, ce sont les gamins des écoles de rugby, les éducateurs, le plaisir de jouer. Et ça, à la FFR, j’ai l’impression qu’on l’a un peu oublié. D’ailleurs, je m’étonne que les deux personnes qui connaissaient le mieux le secteur amateur à la FFR aient démissionné. Je parle ici de Thierry Murrie qui a été un des grands artisans de la victoire de Bernard Laporte lors des dernières élections et d’Olivier Allegret qui était président de la commission des clubs de fédérale. C’est quand même étonnant, non ? Je trouve dommage que les compétences de ces gens-là ne soient plus au service du rugby. Au moins, Florian (Grill) est un pur produit du monde amateur.

Mais Bernard Laporte a été le premier à lancer un plan "Marshall" en direction des clubs amateurs.

Il fallait prendre des décisions, les dirigeants actuels l’ont fait. Ce qui m’ennuie, c’est la façon dont il présente leur plan "Marshall". Mais au regard de la situation actuelle, je préfère m’abstenir de commenter. Le moment n’est pas venu. En revanche, quand je vois que le Président de la FFR se permet d’écrire au Président de la république parce que les clubs professionnels sont en danger, ça me fait bien rigoler. La responsabilité des clubs pro, elle revient à la Ligue, non ? De quoi se mêle-t-il alors ? La Fédération, ce sont les clubs amateurs et l’équipe de France. Et là, j’entends surtout parler de CVC qui va investir dans le rugby, de l’élection à World Rugby de Bernard Laporte. Mais on s’en branle ! Sans déconner. J’ai envie qu’on me parle de projet pour les clubs amateurs. Je veux qu’on me parle du rugby des territoires. Bien sûr qu’il faut un Top 14 d’élite, une Pro D2 d’élite. Mais ça, c’est la Ligue. Le boulot de la FFR, c’est de former des joueurs qui demain, peut-être, iront nourrir les clubs professionnels et l’équipe de France. Pour ça, il doit y avoir un maillage territorial fort avec des clubs de séries à qui on ne va pas demander de faire 150 kilomètres tous les week-ends pour aller jouer un match parce qu’on a tout tracté vers le haut. On a besoin d’un rugby raisonnable. C’est cette idée que nous défendons.

N’êtes-vous pas trop nostalgique de l’amateurisme "marron" ?

Pas du tout. Du pognon, le rugby en a besoin. Mon sujet n’est pas de dire : les joueurs doivent diviser leur salaire par deux. Seulement, on ne parle plus que de ça. À force, le Midol va devenir un journal économique. Très honnêtement, je suis très embêté aujourd’hui quand j’interviens parfois dans des entreprises pour promouvoir les valeurs du rugby. Comment expliquer qu’un club va parfois chercher un joueur à 25 000 kilomètres juste pour trois mois, puis le renvoie chez lui ? Je ne veux pas passer pour un vieux con, mais les gens aiment ce sport pour les hommes qui le composent, pour la solidarité qui se dégage d’une équipe, pour l’amitié qui règne dans un groupe, pour les petites et grande histoires de vestiaire. Aujourd’hui, certains mecs jouent dans trois clubs différents en une seule saison. C’est n’importe quoi ! Le rugby a été trop vite, trop loin.

Mais vous parlez là du rugby professionnel ?

Mais pas seulement. Combien de mécènes sont arrivés dans des clubs amateurs en mettant du pognon, en faisant signer quatre ou cinq joueurs, certains venant de très loin, avant de partir du jour au lendemain en laissant le club dans la merde ? Arrêtons les conneries. Aidons les clubs à se structurer, à développer leurs écoles de rugby, à construire sur des bases solides. Et ça, c’est le rôle de la FFR. Ce n’est pas parce que CVC va mettre je ne sais pas combien de dizaine de millions d’euros dans le Tournoi des 6 Nations que ça va sauver mon club de La Valette. Ne me vendez pas ça, les gars. C’est juste de la politique.

Craignez-vous que la campagne électorale dérape ?

Au contraire, je me languis. Je vais vous raconter une anecdote : à la Fédération, je n’ai pas été invité, j’ai été évité. À Clermont-Ferrand, on m’a interdit l’accès de la salle où se tenait l’AG financière de la FFR (en décembre dernier). La veille, j’avais participé à une réunion avec Florian (Grill) - qui n’est connu que de sa mère, c’est la raison pour laquelle il est important qu’on le soutienne (rires) - pour présenter notre projet aux clubs de la région. Et le jour de l’AG, on m’a expliqué que moi, éric Champ, ayant joué dix ans en équipe de France, étant licencié d’un club de la FFR, je ne pouvais pas assister à cette assemblée dans la grande salle. C’est quand même incroyable. Il faut le vivre pour le croire. Mais ce n’est pas très grave. J’ai vécu un moment très fort au milieu du peuple du rugby. Ces gens qui gouvernent aujourd’hui ont déjà commencé à attaquer Florian. Ils ont aussi envoyé des "snipers", dont l’un d’eux prétend avoir vendu récemment un club alors qu’il se l’est fait prendre... Je fais allusion ici du RC Toulon, un club que je connais bien. Ce n’est pas grave si ça se passe ainsi. Le rugby, c’est la castagne. Et ça ne m’a jamais fait peur.

Ne serait-ce pas une mauvaise image pour le rugby ?

Est-ce que le rugby en sortira grandi ? Effectivement, je n’en suis pas sûr. Mais je vous le dis aujourd’hui : on va gagner car on va se rebeller. Je peux vous jurer que, personnellement, je ne me laisserai pas "guingasser". S’ils le souhaitent, on peut même refaire un Toulon-Bègles de 1991 (rires). Ça pourrait être rigolo...

Existe-t-il un antagonisme depuis ce match entre vous et Bernard Laporte ou Serge Simon ?

Nous n’avons pas la même culture, ni la même éducation. Attention, je ne parle ici d’éducation familiale, je ne me permettrai pas. Seulement, contrairement à eux, je n’ai jamais vécu au crochet du rugby. À mon époque, on touchait quatre ronds. Mais après, j’ai construit ma vie professionnelle. Eux ont continué à vivre que du rugby. Dire cela ne m’empêchera pas de leur faire la bise si demain nous nous croisons. Mais nous ne partirons jamais en vacances ensemble.

"J’ai envie qu’on me parle de projet pour les clubs amateurs. Je veux qu’on me parle du rugby des territoires. [...] Le boulot de la FFR, c’est de former des joueurs qui demain, peut-être, iront nourrir les clubs professionnels et l’équipe de France."

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Les commentaires (1)
STaddict Il y a 3 années Le 22/05/2020 à 21:07

Le verbe est haut en couleur et ce n’est pas pour nous déplaire nous les papys.
Quand a l’affairiste Laporte il déclenche chez nous le meme urticaire.
Les clubs d’abord !