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Il y a dix ans, naissait une rivalité

Par Vincent Bissonnet avec Arnaud Beurdeley
  • Aurélie Rougerie (Clermont) lors de la finale de feu contre Toulon en 2010
    Aurélie Rougerie (Clermont) lors de la finale de feu contre Toulon en 2010 Jean Paul Thomas / Icon Sport - Jean Paul Thomas / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Mémorable, il y a dix ans, jour pour jour, Clermontois et Toulonnais offraient un match exceptionnel de qualité et de suspense en demi-finale du Top 14, à Saint-Étienne. Au terme d’un bras de fer de 100 minutes avec de multiples rebondissements, l’ASMCA l’emportait, se mettant sur la voie d’un premier titre de champion de France. Cet affrontement a marqué le début d’une lutte durable entre le RCT et l’ASMCA, rivaux dans la performance comme dans leur identité.

Le samedi 15 mai 2010, les 33 609 spectateurs du stade Geoffroy-Guichard se délectent du match de l’année entre Clermont et Toulon : cent minutes de pur bonheur et de grands frissons (35-29). Ce jour-là, sans le savoir, ils assistent à l’acte fondateur d’une rivalité amenée à durer sur toute la décennie. « Ce match, c’est vrai, c’est le début de notre histoire », sourit, dix ans plus tard, Mourad Boudjellal, pas peu fier de son coup. « Et c’est tout à ma gloire. Si on m’avait dit un jour que je rivaliserais avec Michelin, je ne l’aurais pas cru. En fait, c’est l’histoire d’un petit merdeux de Toulon qui a rivalisé avec une multinationale. Nous étions à l’époque les nouveaux arrivants. »

Le club varois avait effectué son retour dans l’élite trois ans plus tôt quand les maudits du rugby national collectionnaient encore les médailles d’argent. À compter de cette demi-finale où, pour la première fois, leurs chemins se sont croisés en phases finales, les deux écuries sont devenues les plus grandes rivales de l’Hexagone. Deux insatiables chasseurs de titres : en dix ans, ils ont chacun disputé huit finales, Toulon décrochant quatre titres quand Clermont a dû se « contenter » de deux trophées. Le plus souvent, les deux armadas ont lutté à distance. Le seul affrontement final du championnat a vu les Jaunards l’emporter in extremis, en 2017 ; les Rouge et Noir ont de leur côté privé leur adversaire favori de la consécration continentale tant attendue, à deux reprises, en 2013 et 2015.

La deuxième sodomie arbitrale, le chambrage d’armitage…

Cette lutte pour la gloire les a vus se défier à vingt-quatre reprises depuis ce 15 mai 2010 : au petit jeu des confrontations, l’ASMCA l’emporte in extremis avec douze succès pour onze revers et un match nul. Aux points, le RCT renverse la tendance, 501 à 463. Le bras de fer n’a jamais cessé d’être acharné : « Si l’on est les meilleurs ennemis ? Je ne sais pas mais le fait de s’être rencontré à maintes reprises sur des matchs couperets, ça a forcément créé des liens et des sortes de rivalités sportives », évoquait, en 2017, le directeur sportif clermontois Jean-Marc Lhermet. Par-delà les chiffres, l’animosité réciproque s’est nourrie de frictions et polémiques en tous genres. Saint-Etienne avait donné le ton avec l’essai injustement accordé à Davit Zirakashvili, suscitant le courroux de Mourad Boudjellal et le désarroi de dizaines de milliers de supporters varois. La suite s’est avérée riche en rebondissements : en janvier 2012, au terme d’une défaite 25 à 19 au pied du Puy de Dôme, Mourad Boudjellal ressortait son concept de sodomie arbitrale ; dix mois plus tard, le retour en Auvergne se concluait par un nouvel imbroglio avec une ultime pénalité victorieuse des hôtes sanctionnant un en-avant litigieux de Matt Giteau après la sirène ; l’année d’après, Delon Armitage révoltait tout le peuple jaune et bleu en chambrant Brock James en finale de Coupe d’Europe, sur l’essai de la victoire…

À Toulon le rock, à Clermont la harpe…

En compétition sur la pelouse, les deux équipes se sont aussi fréquemment écharpées en dehors. Une tension inévitable pour ces identités diamétralement opposées : « Bien sûr, ce sont deux clubs à la mentalité différente », reconnaissait le talonneur jaunard Benjamin Kayser. Pour résumer, à Toulon, les vedettes quatre étoiles, les excès et l’excentricité ; à Clermont, le goût de la stabilité, la force tranquille et l’obsession du contrôle. À coups de déclarations chocs et de mots bien sentis, cette inimitié est devenue publique, les Sudistes moquant leur adversaire pour leur sérieux quand, dans l’autre sens, les gens du milieu déploraient le côté bling-bling de ces Méditerranéens à la langue pendue et à la frénésie dépensière. « Je crois que le rugby est au sport ce que le rock and roll est à la musique et je ne suis pas sûr qu’à Clermont, quand ils pensent rugby, le rock soit leur musique ; c’est plutôt la harpe ou le clavecin », s’était ainsi amusé Mourad Boudjellal, grand fan d’AC/DC. Dans un langage autrement plus mesuré, Jean-Marc Lhermet avait, à sa façon, livré sa conception des choses : « On n’a pas les mêmes façons de faire et de dire ni les mêmes valeurs. » En langage clermontois, ça veut tout de même dire beaucoup sur la considération apportée par l’intéressé au système rouge et noir.

À chacun sa manière, à chacun son parcours, donc. « Oui, ce sont deux philosophies différentes, résumait Franck Azéma. Mais aujourd’hui, tu peux dire que le fonctionnement de Toulon convient à Toulon et rapporte des titres. Il n’y a pas qu’une seule voie pour y arriver. » À l’arrivée, tout le monde y a trouvé son compte. À commencer par les supporters passionnés et les amoureux de rugby en général. Car, reconnaissons-le, rien de mieux qu’une bonne rivalité pour pimenter du sport…

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