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Grill : « Nous avons un projet pour gagner »

  • Florian Grill, candidat à la présidence de la Fédération propose quelques pistes pour sortir de la crise.
    Florian Grill, candidat à la présidence de la Fédération propose quelques pistes pour sortir de la crise. DR
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Après avoir beaucoup critiqué ces derniers jours la gestion de la crise par la gouvernance actuelle de la FFR, le candidat de la liste "Ovale ensemble", Florian Grill, a accepté de détailler les contours de son projet pour le rugby français.

Ces derniers jours, vous avez beaucoup critiqué la gestion de crise orchestrée par Bernard Laporte et ses équipes. Qu’auriez-vous fait si vous aviez été président de la FFR en cette période ?

D’abord, nous n’aurions surtout pas évoqué la création d’une Coupe du monde annuelle des clubs. Nous n’aurions pas non plus favorisé la vente du Tournoi des 6 Nations à un fonds d’investissement luxembourgeois, ce qui risque de se faire très vite tant les finances fédérales sont tendues. Nous n’aurions pas non plus projeté une hallucinante Fédérale 1 à 60 clubs, ni une Pro D3 qui n’est qu’un rattrapage à la va-vite quand on s’aperçoit du risque. Tous ces projets, quand on y réfléchit un instant, mettent en danger la santé des joueurs et gonflent la bulle quand, au contraire, en plein milieu d’une crise comme celle-ci, il faudrait la dégonfler.

Mais qu’auriez-vous fait concrètement ?

Dans un premier temps, nous aurions proposé à l’assemblée générale des clubs de suspendre les versements au fonds d’assurance mais en disant la vérité.

C’est-à-dire ?

La vérité, c’est que le fonds d’assurance est destiné aux grands blessés et qu’il va fondre d’environ 25 millions d’euros. Il aurait été plus honnête de le dire pour que les clubs le votent en AG en connaissance de cause. La situation justifie d’aider les clubs mais tel que c’est présenté on a l’impression que c’est la Fédération - et même carrément Bernard Laporte - qui fait un chèque. C’est faux. Ce sont les clubs qui vont décider de suspendre leurs versements et récupérer leur propre argent.

Mais quelles auraient été vos actions en direction des clubs ?

Dans cette crise, on a totalement oublié la reconquête des licenciés. C’est évidemment un sujet majeur, tout comme la reconquête des bénévoles. Parce que j’ai peur qu’on en perde encore, car touchés économiquement, ou dans une tranche d’âge à risque. Et enfin, nous aurions tout fait pour réduire les kilomètres car c’est le premier poste de dépenses des clubs. Je ne mésestime pas le risque de perdre des clubs à cause de ça. Ce qui se joue en ce moment, c’est la sauvegarde du rugby et des clubs. Pour nous, c’est un enjeu de société. La perte du moindre club de Quatrième Série serait un drame. Un petit club anime son village, il aide des gamins à grandir. Et enfin, dans la forme, nous aurions rassemblé la famille du rugby, plutôt que de tenir à l’écart le comité directeur de toute information pendant cette crise. Je sors d’un comité directeur (N.D.L.R. : l’entretien a été réalisé vendredi), nous étions 67 en visioconférence. Cela s’est très bien passé, comme quoi c’était possible, contrairement à ce que l’on nous a dit.

Vous avez évoqué la baisse des licenciés. Craigniez-vous que la crise ne fasse qu’accélérer la chute ?

Le rugby n’est pas vraiment le sport de la distanciation physique. Au contraire. Notre crainte est donc grande. Ce qui était notre priorité avant le Covid-19 avec 45 000 licenciés perdus en trois ans et 25 % de baisse sur les écoles de rugby, est devenu une urgence vitale.

Comment comptez-vous vous y prendre pour endiguer cette baisse ?

Nous avons identifié quatre axes de travail. D’abord, la fidélisation car la durée moyenne d’une licence FFR n’est que de deux ans et trois mois. C’est trop peu. L’objectif, c’est d’atteindre trois ans ce qui ferait 25 % de licenciés en plus. Le potentiel existe. Pour ça, on doit aller vers un rugby de mouvement qui procure du plaisir et surtout passer de 30 à 80 % d’éducateurs diplômés. Aujourd’hui, 70 % des éducateurs en situation d’entraînement ne sont pas diplômés et copie-collent souvent ce qu’ils voient à la télévision. D’ailleurs, au même titre qu’il existe une indemnité de formation pour les joueurs, nous mettrons en place une même indemnité de formation pour les éducateurs.

Pourquoi ce taux de diplômés est-il si bas ?

À mon sens, il est nécessaire d’assouplir les formations fédérales. Notre objectif est de passer 25 % des formations en distanciel avec de la "visio", ce qui permettrait aux éducateurs de ne pas être contraints par un déplacement. Et nous souhaitons délocaliser les formations dans les clubs dès lors qu’un club ou un rassemblement de clubs réunit dix éducateurs. La priorité est de concentrer les CTC sur la formation. Avec des éducateurs mieux formés, nous fidéliserons mieux nos licenciés.

Quels sont les autres axes de travail sur cette thématique ?

Une meilleure communication pour rassurer les parents est essentielle. Comme le fait le vélo pendant le Tour de France, il nous faudra négocier avec les diffuseurs de la publicité à la mi-temps des matchs qui montre que les écoles de rugby, ce n’est pas le Top 14. Aujourd’hui, il y a des nouvelles règles pour les écoles de rugby, mais qui le sait en dehors de la communauté du rugby ? Le devoir de pédagogie est capital. Pour la fête des mères, la Ligue Ile-de-France va sortir une vidéo intitulée "N’aie pas peur maman" à partager sur les réseaux sociaux. Notre troisième axe, c’est de booster tous les rugby, 5, 7, loisir, mais aussi les féminines. Et de développer notre sport sur des territoires qui ont des potentiels de croissance extraordinaire notamment les territoires d’Outre-mers.

La conquête du secteur scolaire n’est-elle pas primordiale ?

Si nous sommes élus, nous multiplierons par dix le budget dedié à cet enjeu. Aujourd’hui, le développement scolaire représente environ 0,5 % du budget de la FFR. C’est trop peu. Or, il y a 13 millions d’élèves en France. Nous voulons donc mettre quatre millions d’euros sur ce poste de dépense, dont deux millions d’euros donnés aux clubs pour les aider à travailler avec les écoles primaires. Objectif : identifier 1 000 professeurs des écoles qui seront nos ambassadeurs scolaires et dont le boulot sera de proposer à leurs collègues de mettre en place des cycles rugby autour de la pratique à cinq. L’idée, c’est d’acheter des ballons, des maillots, des chasubles que l’on laisse durablement au sein l’école. Nous avons également créé des kits avec des exercices clés en main afin que les professeurs soient autonomes. Pour le secondaire et les universités, nous mettrons deux autres millions d’euros pour soutenir les associations ou sections sportives et le sport universitaire sous réserve de liens avec les clubs, afin d’instaurer des passerelles. Et nous devons enfin faire aimer et pratiquer le rugby dans les UFR Staps.

Ne pas être officiellement candidat permet à Bernard Laporte d’utiliser les moyens de la FFR pour rencontrer les clubs. C’est ce qui se passe actuellement et qui me fait sourire. Après tout, peu importe le candidat. Ce qui nous intéresse, c’est notre projet

Dans votre programme, vous évoquez la nécessité d’une plus grande proximité au sein des grandes Ligues. Pourquoi ?

Parce qu’il est capital d’aider les clubs à survivre. La première des choses à faire, c’est de réduire leur poste budgétaire que sont les frais kilométriques. Pour ça, il faut notamment dans les grandes ligues, recréer des territoires beaucoup plus décentralisés qui vont permettre d’organiser des championnats de proximité. Faire traverser l’Occitanie ou la Nouvelle-Aquitaine à petit club pour un match n’a aucun sens. À l’heure du Covid, la proximité est essentielle. Arrêtons de faire monter les clubs n’importe comment. 20 % de clubs fédéraux en plus en trois ans ! Les championnats territoriaux ont été déshabillés. Les grands perdants, ce sont les clubs de séries. Et comme ce sont les clubs les plus fragiles économiquement, ils souffrent encore plus. En revanche, le rugby a cette beauté de décerner une cinquantaine de titres de champion de France par an. Conservons cette spécificité et remettons à l’honneur ces phases finales à partir des 32es de finale. La FFR les a supprimés pour faire des économies. Or, c’est ce qui fait la beauté de notre sport.

Vous parlez souvent de crise du bénévolat. Comment comptez-vous mieux accompagner les bénévoles ?

Notre idée, c’est de créer un tuilage avec un corps de jokers administratifs bénévoles. L’idée est de demander à des anciens présidents, secrétaires généraux ou trésorier d’accompagner des nouveaux sur quelques mois. Un nouveau président ne peut pas tout savoir du jour au lendemain. Il faut aussi valoriser les bénévoles du quotidien. Ce projet, c’est d’inviter deux bénévoles par an par club pour un week-end complet à Marcoussis. À raison de 100 bénévoles sur 40 week-ends par an. Là encore, c’est aussi pour créer de la proximité entre les clubs. Ce projet coûte 800 000 euros. Et je préfère les mettre sur les bénévoles que d’augmenter la masse salariale de la FFR de 12 millions d’euros.

Pensez-vous pouvoir financièrement mettre en œuvre votre programme si vous êtes élu ?

Je sais que nous devons trouver, sur un budget de 115 millions, une marge de manœuvre de l’ordre de 6 à 7 millions d’euros pour mettre en place nos actions. Soit 5 à 6 % du budget. Je pense qu’il y a des poches, à commencer par quelques gros salaires actuels à la FFR, sur lesquelles on doit pouvoir économiser. Et puis, faire un comité directeur en visio, nous venons de voir que c’était possible. C’est aussi une économie substantielle que de ne pas organiser systématiquement des réunions physiques pour les commissions ou le comité directeur.

Quels retours avez-vous de votre première partie de campagne sur le terrain ?

Pour être très honnête, je pense vraiment que nous avons un projet pour gagner. L’accueil a été extraordinaire. Les clubs attendent que l’on redonne du sens à leur action, qu’on rassemble la famille, qu’on affirme, au-delà de la compétition, que le rugby c’est aider des gamins à grandir, à créer du lien. Les clubs croient en notre projet. Contrairement à Serge Simon et Bernard Laporte, le rugby territorial, je le connais de l’intérieur, je l’ai pratiqué pendant des années comme joueur et comme bénévole avec toutes les fonctions. Quand les clubs me parlent de leurs problématiques, je ne les découvre pas. Et quand ils parlent de l’équipe de France, Jean-Marc Lhermet, Jean-Claude Skrela, Abdelatif Benazzi, éric Champ, Fabien Pelous ou Serge Blanco ça leur parle.

Justement, vous prônez un monde nouveau, mais votre collectif compte des personnalités étiquetées de l’ancien monde. N’y a-t-il pas une forme de paradoxe ?

Non, c’est comme au rugby. On ne fait pas une équipe qu’avec des nouveaux ou qu’avec des copains comme c’est le cas de l’actuelle gouvernance. Nous avons fait une équipe équilibrée. L’enjeu est de mettre les bonnes personnes aux bons postes. Serge (Blanco) est une statue du commandeur à l’international. Il travaillera sur ce sujet et sur les partenariats. Autre exemple : Jean-Claude Skréla a une vraie valeur ajoutée à apporter sur le rugby à 7. Et puis, vous remarquerez que tous les anciens internationaux qui sont avec nous, ce ne sont que des joueurs d’un seul club. C’est quand même le signe d’une stabilité absolue.

Est-ce une difficulté pour vous de ne pas avoir un candidat officiellement déclaré face à vous et comment interprétez-vous cette stratégie ?

C’est une surprise, mais en même temps, ne pas être candidat, permet à Bernard Laporte d’utiliser les moyens de la Fédération pour rencontrer les clubs. Il faut le dire : c’est ce qui se passe actuellement et qui me fait sourire. Tout comme la prise de position des présidents de Ligue. Ce sont tout de même des organes déconcentrés de la FFR. À ce titre, ils n’ont pas à intervenir dans le débat électoral. Mais bon… Ce n’est pas eux qui votent (rires). Après si Bernard Laporte ne se présente pas, ce sera un autre candidat. Peu importe. Ce qui nous intéresse, c’est notre projet pour le rugby français.

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