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Histoires de «Une» : et Umaga a mis le feu à Toulon

Par Cédric Cathala (avec P.-L. G.)
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    Histoires de «Une» : et Umaga a mis le feu à Toulon Midi Olympique
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La « Une » du 26 octobre 2006 Le RCT façon Mourad Boudjellal balbutie encore son rugby en Pro D2, lorsque le premier «dossier du président» s’apprête à faire son apparition à  Mayol. Son nom, Tana Umaga, signe particulier, capitaine des all blacks. Avec lui, Toulon va redevenir Toulon. 

Nous sommes au mois de juillet 2006, du côté de la côte d’azur, un homme providentiel a décidé de redonner au Rugby club toulonnais tout son lustre passé. L’entreprise est de taille, le club évolue en Pro D2 et l’homme providentiel en question, s’appelle Mourad Boudjellal. Enfant de la Rade, fan du ercété de la première heure, spectateur des exploits des Rouge et Noir depuis sa tendre enfance du haut des travées du stade Félix Mayol. Il a pris les rênes du club quelques mois auparavant en mai avec un objectif simple en apparence, en refaire un grand de France et, il ne le sait pas encore, un grand d’Europe. Sa méthode, tout aussi simple en apparence, consiste à s’attacher les services de grands noms de ce jeu et regagner avec eux le plus vite possible l’élite du rugby hexagonal. De grands joueurs, de grands coachs, un grand public et une grande identité ne peuvent engendrer qu’un grand club. Quitte à froisser quelques susceptibilités engoncées dans des certitudes d’un autre âge et susciter quelques jalousies, pour Boudjellal, il faut que les choses aillent vite, fort, il faut que cela brille, que cela se voit, bref, il faut que l’on parle de Toulon, tous les jours, tout le temps.

Le premier « dossier du président »

Ne s’embarrassant que très peu des usages d’un autre âge, Mourad Boudejellal mène ce que l’on appelle rapidement dans le milieu : « Les dossiers du président. » En juillet 2006, donc, la venue de Tana Umaga sur la rade en est le retentissant premier épisode.
Quelques mois plus tôt, le 10 janvier de la même année pour être précis, Tana Umaga, le trois-quarts centre, capitaine des All Blacks et des Wellington Hurricanes a décidé de mettre un terme à sa carrière internationale, entamée en 1997 avec la Nouvelle-Zélande. Il continue d’évoluer avec les Wellington Hurricanes en Super Rugby et, à 33 ans, il s’apprête à entamer une carrière d’entraîneur. Umaga, le trois-quarts centre d’origine samoane est une légende vivante, il mène des Hakas puissants qui retentissent dans l’inconscient des fans de tous bords. S’attacher ses services, c’est donné du corps mais aussi du sens aux projets de Toulon. La ferveur autour de ce club va faire le reste. À l’image des clubs de sports qui transcendent leur propre notoriété locale ou régionale, Toulon va parvenir à séduire au-delà des frontières du Var, du Sud, au-delà même du rugby, et si l’opération sportive a des airs de coup de poker, l’opération de com’ est un coup de maître. Acteurs, chanteurs et hommes politiques aiment à s’afficher comme les premiers supporters des Rouge et Noir.

« Il ne savait probablement pas que l’on était en Pro D2 »

Dans un entretien accordé à notre magazine en décembre dernier, Mourad Boudjellal nous expliquait les coulisses de la signature. Tout est parti d’un mail lancé comme une bouteille à la mer après une discussion avec son épouse Linda. à la question, « Quel est aujourd’hui, le meilleur joueur du monde ? », le couple Boudjellal cherche sur Internet et s’accorde sur le trois-quarts centre des All Blacks. Tana Umaga c’est un joueur de rugby d’exception mais c’est aussi un look à la Prédator (ce personnage de cinéma fantastique qui sème la terreur au cœur de la jungle), ou de héros de BD dans le genre « héroic fantasy », le genre qui a rendu le président toulonnais riche à millions. Boudjellal obtient son adresse mail et se lance. « On écrivait le matin et il répondait le soir. J’attendais le mail où il dirait « c’est gentil mais… ». Puis, comme le « mais », ne venait pas, je me suis dit qu’il ne savait probablement pas qu’on était en Pro D2. Donc, à chaque fois qu’on discutait, on lui parlait de « championnat de France », sans lui préciser Top 14 ou Pro D2 (rires). Et puis un jour, il a dit oui. » Il faut dire que Boudjellal lui propose des conditions difficilement refusables. Une pige de huit rencontres pour 300 000 euros, qu’il sortira de sa poche ! Banco. « Je voulais faire un truc incroyable, quelque chose d’irréel ! La magie a fait qu’Umaga est venu faire une pige en Pro D2. Et la greffe a pris, il est resté plus de trois ans et demeure aujourd’hui une icône. » Boudjellal met en scène son arrivée à l’aéroport, Midi Olympique doit réussir celle de sa première à Mayol.

La Une d’alors s’est imposée tandis que Tana Umaga va disputer le premier des huit matchs qui figurent dans son contrat sous les couleurs varoises, ce sera le 29 octobre 2006, soit trois jours à peine après son arrivée à Toulon, face à Lyon. Toulon est alors neuvième du Pro D2 et Umaga y inscrit son premier essai pour une victoire qui en appellera sept autres. Il manquera une seule rencontre, face à Tarbes, pour une blessure contractée face au Racing le week-end précédent. Toulon s’inclinera ce jour-là. Si la communication est l’un des points forts de la méthode Boudjellal, il faut reconnaître qu’en matière de choix sportifs, le président varois tape souvent juste. Du côté de la rédaction de Midi Olympique, il ne fait aucun doute que la seule présence de Umaga en France est en soi l’événement qu’il faut mettre en avant ce week-end-là. 74 sélections avec les Blacks, deux Coupes du monde… Il est une légende de ce sport. Dire qu’il est attendu dans un club encore à la peine est un euphémisme maintenant, de là à en faire un Messie avant l’heure… C’est d’ailleurs essentiellement sur ce point d’un titre un peu trop emphatique qu’il y aura débat. Les partisans du messager biblique l’emportent avec cette posture d’un Tana Umaga en plein Haka invoquant l’esprit de ses ancêtres maoris. Umaga, Messie d’un autre messager, Boudjellal qui, dès la fin de saison 2007-2008 réussit son pari en décrochant le titre de champion de Pro D2 et permet au RCT de revenir en Top 14. La Umagamania continuera deux saisons supplémentaires alors que le joueur star passera au poste de manager puis redeviendra joueur en 2009-2010 en s’offrant une place de demi-finaliste en championnat et une finale de Challenge européen.

Les huit matchs d’Umaga et les saisons qui suivirent donneront définitivement raison à ceux qui voyaient, un peu prématurément certes, en l’arrivée d’Umaga, l’apparition d’un Messie venu de Nouvelle-Zélande en rade de Toulon.
Pour Midi Olympique, cette Une restera longtemps celle qui aura permis un record régional. 8 000 exemplaires sur Toulon et le Var. La montée en Top 14 en 2008, ou le premier sacre européen en 2013 ne la délogeront pas de son trône. Il aura fallu le doublé Bouclier de Brennus - Coupe d’Europe en 2014 pour le faire. Mais cela, c’est une autre histoire… 

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