Le contre-sens de l’histoire

  • Malgré la crise, le MHR veut attirer à prix d'or le champion du monde Pieter-Steph du Toit en 2021.
    Malgré la crise, le MHR veut attirer à prix d'or le champion du monde Pieter-Steph du Toit en 2021. Icon Sport
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L'édito de Léo Faure - Si l’enfer se révélait effectivement pavé de bonnes intentions, le rugby français serait une drôle de fournaise où brûlent de belles idées. Depuis que la crise s’est ouverte, sanitaire, incertaine et destructrice, l’intérêt collectif a en effet repris du sens. Dans les discours, au moins.
 

Ces discours sont nombreux, qui ont appelé et appellent encore à plus de raison sur tous les fronts. Il faudrait travailler en économie réelle et cesser cette fuite en avant spéculative que les joueurs ont saisi au corps, trop contents de chevaucher une monture qui les emmenait au galop vers l’inconnu. Qu’importe la destination, tant qu’on y allait à fond...

Il faudrait abaisser le salary cap, sage mesure pour éteindre la flambée des salaires tout en préservant un certain équilibre sportif des championnats. Il faudrait réduire le format des compétitions, c’est du bon sens quand on entend faire valoir la santé des acteurs. Il faudrait aux joueurs professionnels le goût d’entreprendre et de s’instruire, d’apprendre leur vie d’après bien avant d’y être confrontés. Il faudrait rendre au XV de France sa place centrale et aux joueurs français leur place tout court, dans les clubs, pour mieux performer au suprême étage international. Il faudrait tant de choses que les discours prônent mais que les faits insultent toujours.

À Montpellier, puisque c’est aujourd’hui du MHR dont on parle, l’appétit présidentiel drague déjà à prix d’or le meilleur joueur du monde, Pieter-Steph Du Toit pour le faire venir en 2021. Une aubaine, crient les fervents du marketing. Un drame, crie la raison commune, quand les négociations sur la baisse des salaires - pourtant jurée vitale - s’enlisent avec les joueurs de l’effectif actuel.

Pour taper plus directement dans le cœur de la meule, c’est ici un contre-sens de l’histoire qui s’écrit. La persévérance d’un modèle abhorré, qui a porté plus de misère que de gloire au rugby français. C’est le modèle « Mourad », bien sûr, qui régnait sur l’Europe et gagnait quatre titres en même temps que le XV de France connaissait sa pire période de l’histoire. Une coïncidence ? On trouvait, chez les vainqueurs de la Rade, entre trois et quatre joueurs éligibles au maillot bleu dans le quinze de départ.

Mais point de bouc émissaire. La pratique n’est pas l’apanage des Varois. La dernière grande hégémonie toulousaine s’est fortement écrite à l’encre sudiste. Clermont, hier bon élève de la formation, est aujourd’hui dernier au classement du Jiff. Ce modèle, c’est aussi celui d’une décennie pour le MHR, qui n’a pourtant ramené aucun titre majeur.

Que le club héraultais en a-t-il appris ? Pas grand-chose, visiblement. À l’heure où éclôt aux yeux de l’élite le profil singulier d’Anthony Bouthier, arrière à succès du nouveau XV de France, le MHR a réfléchi à enrôler Israel Folau (qui a finalement décidé de rester à XIII). Un non-sens, même lorsqu’on occulte la considération morale.

À l’heure où le « fait maison » devrait s’imposer comme la norme, Montpellier plonge encore son regard du côté de Cape Town. Du Toit est certes exceptionnel et rare, mais il viendrait bloquer, s’il venait en 2021, la reprise de confiance d’un Yacouba Camara, par exemple. Sans, pour autant, garantir le gain d’un Bouclier.

Encore à l’heure des beaux discours, le nouveau monde qui se dessine ressemble étrangement à l’ancien. Surpris ? Même pas. En rugby plus qu’ailleurs, l’idée d’un collectif ne se proclame pas. Deux options seulement : elle s’élève d’elle-même ou se réduit en cendre. Maintes fois, par le passé, le cortège des présidents de club a montré son appétit pour la seconde option.

Alors, à l’attention de Simon Gillham, dont vous saurez un peu plus loin (page 4) qu’il en appelait mercredi soir à cet esprit collectif en proposant un pacte de non-agression, on répondra ceci : « Une sage idée, Simon. Bien essayé. Mais un doux rêve. »

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