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Mignoni : « J'espère que cette période laissera des traces » (2/2)

  • Pierre MIGNONI, manager de Lyon.
    Pierre MIGNONI, manager de Lyon. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L’ancien demi de mêlée international est un homme discret, qui compte ses mots et n’accepte pas souvent le principe de la longue interview. Mais quand il vous dit «oui», on n’est pas déçu... C’est ici le cas, avec un Pierre Mignoni qui s’engage.

Quelles sont vos préoccupations actuelles ?

Comme tous les Français, je suis sorti d’une période particulière de confinement. Nous pouvons commencer à nous projeter sur la saison prochaine, la reprise des joueurs et l’encadrement qui va se faire à la fin du mois. Nous essayons de planifier au mieux nos retrouvailles.

 

Avez-vous facilement tourné la page de l’arrêt de la saison ? Comme l’Union Bordeaux-Bègles, Lyon était en passe de se qualifier directement
pour les demi-finales... On vous a peu entendu sur le sujet.

Je n’ai pas voulu communiquer car j’ai estimé qu’il y avait assez de gens qui s’exprimaient alors. Ma priorité était de savoir si mes joueurs étaient bien en sécurité. Après, nous sommes passés par toutes les étapes. On devait reprendre, puis tout a été annulé. On était dans l’attente de savoir comment la maladie allait évoluer. Bien sûr que nous aurions aimé terminer cette saison, aller le plus loin possible... Mais plus les jours avançaient, plus l’évidence s’est imposée. Il n’y avait pas beaucoup de solutions et celles que l’on trouvait étaient moyennes en termes d’éthique. Si on nous avait obligés à jouer une demi-finale et pourquoi pas une finale au mois d’août, on l’aurait fait mais, honnêtement, je n’étais pas convaincu. Oui, Lyon était deuxième. Oui, nous aurions certainement terminé dans les six premiers. Mais aurions-nous fini dans les deux premiers si la saison était allée au bout de manière classique ? Je ne peux pas vous l’affirmer parce que le Racing et Toulon revenaient très fort derrière nous… De toutes manières, je ne voulais pas rejouer n’importe comment. C’est terminé, donc. Il y a eu de la déception de ne pas pouvoir défendre notre place jusqu’au bout, et de valider le travail effectué depuis huit mois. Mais vu ce que le pays traverse…

 

Craignez-vous la période d’incertitudes qui s’installe, aussi bien sportivement qu’économiquement ? L’actionnaire-propriétaire du Lou, GL Events, est fortement impacté par cette crise…

Oui, je suis inquiet. Quand on voit ce qui s’est passé pour notre sport et pour les gens, en à peine deux mois, on peut avoir des craintes. On commence seulement à y voir un peu plus clair, notamment dans le rugby. Le protocole de reprise, mis en place par la commission médicale, permet d’appréhender au mieux la situation. Nous avons une vision plus précise, avec la date du 4 septembre comme probable reprise du Top 14. Je suis toujours inquiet mais moins qu’il y a un mois. Il faut se donner toutes les chances possibles pour reprendre le cours des choses dans notre sport. économiquement, on sait ce que pèse la compétition. Il faut que cela reparte ! Et dans de bonnes conditions sanitaires, qu’il faudra respecter à la lettre.

 

Est-ce à dire que vous allez entraîner « masqués » ?

Bien sûr ! Tout le monde va faire pareil. Quand nous allons pouvoir retrouver le terrain, par petits groupes, nous allons appliquer les gestes barrières. Et c’est important ! Il y aura des distances entre nous, on portera les masques. Les joueurs aussi devront respecter ces règles et pas seulement quand ils seront présents aux entraînements, mais aussi dans leur vie. Il faut tout faire au mieux, pour éviter d’avoir des contaminations qui plomberaient et remettraient en cause notre préparation. Le club a une grosse responsabilité, mais les joueurs devront être aussi ultra-rigoureux. En dehors, il leur faudra faire attention.

 

Avez-vous revu vos ambitions de recrutement à la baisse ? On pense notamment à la star anglaise Maro Itoje, auquel vous vous êtes intéressé...

Pour répondre clairement à votre question, oui ! On doit faire attention à tout. Oui, le recrutement a été diminué. On a dû ralentir sur ce domaine-là et notamment sur le joueur que vous citez. On ne peut pas demander des efforts à tout le monde, au club, et recruter la terre entière ! Nous sommes obligés, car notre économie est perturbée.

 

Les joueurs devront-ils faire aussi un effort en termes
de salaire ? Dans quelle mesure ?

Nous sommes en phase de discussions avec eux. Ils répondent présents, sont et seront solidaires des efforts réalisés. Le staff aussi, bien entendu. Les joueurs ont proposé un volume de diminution de leurs salaires, c’est en cours de finalisation avec le président. Je ne peux pas vous donner aujourd’hui un pourcentage, mais c’est un vrai effort et le staff aussi.

 

Personnellement, allez-vous baisser votre salaire ?

Oui et vous avez raison de poser la question. Mon salaire sera impacté de manière plus importante que ceux des joueurs. Et c’est normal ! Je n’en tire aucune gloiree me dois de montrer l’exemple. Je suis le garant du sportif, je dois aider le club. Vous savez, c’est soit on guérit ensemble, soit… Je ne veux pas dire le mot «mourir» car il est trop fort. Mais vous m’avez compris...

 

Cette période peut-elle permettre au rugby de retrouver certaines valeurs galvaudées ces derniers temps, où l’individualisme était quelque peu exacerbé ?

Je suis assez d’accord avec votre constat et je trouve que l’on a pu voir un beau visage de notre sport durant cette période. Tous les clubs pros, mais aussi les amateurs se sont mobilisés, soit par des cagnottes, soit par des interventions auprès des personnes fragiles, soit d’autres initiatives. C’est à signaler car on ne parle pas assez des choses qui paraissent invisibles mais qui sont importantes pour d’autres. J’espère que cette période laissera des traces. Je trouve que l’on avait un peu besoin, nous, le rugby, de se retrouver. Alors, oui, toutes les divisions ne se sont pas effacées, car il y avait des intérêts divergents. Mais je crois que l’on est arrivé globalement à dépasser les intérêts individuels pour se concentrer sur celui collectif : notre sport, le rugby. Profitons-en aussi pour clarifier nos calendriers, la structure de nos saisons.

 

D’après plusieurs de vos confrères, vous-même avez créé un groupe «Whatsapp» pour échanger avec les autres managers de Top 14. Vous souhaiteriez, dans cette période difficile, qu’il n’y ait pas de non-dit. Pourquoi ?

C’est une initiative collective ! Les gens avaient tous envie de bien faire les choses. Pour être précis sur ce sujet et respecter la discrétion des échanges que nous avons, cela a fait du bien de travailler de cette façon. Nos discussions sont riches et intenses. Tout le monde joue le jeu, il n’y a pas d’intervention mal intentionnée. C’était et c’est constructif. Cela nous permet de travailler durant cette période sans compétition, afin que le temps ne soit pas perdu.

 

Est-ce que ce principe peut perdurer une fois que la compétition aura repris ses droits ?

On verra. S’il y a la volonté des hommes, oui.

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