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Un jour, un métier : Cabarry, pilier de la pierre

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    Un jour, un métier : Cabarry, pilier de la pierre DR
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Après treize années de rugby pro, le pilier gauche, passionné par les métiers du bâtiment, s’est vu proposer un challenge inattendu : celui de reprendre une carrière de pierre calcaire située non loin d’Agen. Un défi qu’il a relevé avec passion et courage mais, comme c’est le cas au rugby, en équipe.

Une reconversion professionnelle n’est jamais une chose aisée Si bien que tous les rugbymen n’ont pas la clairvoyance de se pencher sur cette après-carrière. En tout cas, il est un élément qui facilite les choses, et qui motive les joueurs et joueuses à sortir la tête de leur quotidien exclusivement tourné vers le rugby : c’est le sens. Le sens qu’ils donnent à cette activité professionnelle. Ce qu’elle représente à leurs yeux, ce qu’elle leur évoque. Et tant pis s’ils n’y connaissent rien ou très peu au départ. La passion fera le reste. Certains se mettent à travailler la terre parce qu’ils trouvent que nourrir les gens en cultivant des produits de qualité est « honorable ». D’autres trouvent leur vocation ailleurs.

Laurent Cabarry, lui, l’a trouvé dans la pierre. Depuis 2018, date de sa retraite sportive, il est le co-actionnaire principal (avec son ancien coéquipier, le troisième ligne Jean Monribot) de la carrière de Lavardac, célèbre pour la pierre de Vianne. Une pierre calcaire très dure, marbrière, qui a servi à la construction du pont-canal d’Agen sur la Garonne. Une reconversion improbable, mais motivée par la passion et initiée par une rencontre qui changea tout : « Je ne pensais pas me diriger là-dedans, avoue Cabarry. Je savais que je voulais travailler dans le bâtiment, mais je ne me voyais pas dans une carrière de pierre. Peu après mon arrivée à Agen, j’ai rencontré un entrepreneur local, Bernard Sauboi. C’est lui qui m’a parlé de cette affaire en 2012. » L’ancien pilier gauche y est donc allé par curiosité. Mais une fois qu’il eut posé le pied sur le site, tout était clair : « J’ai été séduit d’emblée par la pierre, cette matière naturelle que la terre nous donne, et surtout tout ce dont on pouvait en faire, toutes les possibilités qu’elle offre. Comme j’adore le bâtiment, cela m’a vite donné de nouvelles idées et c’était parti. Je n’y connaissais rien, mais ça me parlait. Ma chance, c’est d’être quelqu’un de passionné, donc quand je m’intéresse à quelque chose, je m’y intéresse à fond. Cette carrière a éveillé des tas de choses dans ma tête. C’est un vrai coup de cœur. » Le fameux « sens » dont nous vous parlions plus haut, qui l’aida grandement à tirer un trait sur sa carrière sportive : « Je m’étais fixé deux objectifs pour la fin de ma carrière : avoir finalisé ma reconversion, et choisir ma sortie. Je n’ai pas pu choisir ma sortie, car une pubalgie m’en a empêché mais c’est ainsi. Et puis quand j’ai réalisé tout le travail qu’il me restait pour remettre l’entreprise sur de bons rails, je me suis dit que l’on ne pouvait pas tout faire. »
Dès lors, tout s’enchaîne : Cabarry et Monribot deviennent les actionnaires principaux de ce qu’ils nomment « La Carrière site de Vianne », et Sauboi en devient le président : « Bien qu’il soit à la retraite, Bernard nous accompagne. C’est un passionné qui a eu des carrières alluvionnaires mais pas calcaires comme celle-ci. Il connaissait beaucoup les réglementations et il nous a permis de nous mettre le pied à l’étrier. On apprend à ses côtés. »
Cabarry fait toutefois appel à un troisième larron et au demeurant ami proche : Benjamin Sore, lui aussi ancien pilier passé par Agen, Albi et enfin Bourgoin à qui Cabarry offre le poste de gestionnaire. Chaudronnier et conducteur d’engins de formation et ignorant à peu près tout de la pierre, Sore est néanmoins emballé par l’aventure et donne son accord. Le début de l’aventure, et des emm… comme on dit.

Restructuration nécessaire

Car au moment de reprendre, la carrière ne va pas fort : « Elle avait besoin d’un second souffle, raconte Cabarry, il fallait tout restructurer. Communiquer, redonner aux gens le goût de cette pierre noble, les faire renouer avec, démarcher les professionnels comme les particuliers… » Deux ans après, beaucoup de chemin a déjà été parcouru : « La société compte cinq salariés, et est beaucoup mieux structurée qu’avant, et nous avons encore des tas d’idées. Je suis très heureux de mon choix et je n’ai aucun regret. J’avais besoin de ce challenge. » L’ancien pilier avoue ne pas souffrir de la routine : « En une seule journée, je change six fois de métier ! Le matin, je fais du secrétariat, du commercial, puis je quitte le bureau et je deviens mécanicien ou soudeur, sans oublier le côté gestion et management… Je porte plusieurs casquettes en même temps ! » Si Cabarry est le maître des lieux, il refuse pourtant de la jouer solo, et partage toutes les décisions avec son ancien coéquipier Benjamin Sore. Avec les autres salariés, les deux hommes se servent de machines gigantesques pour extraire des blocs de roche pesant entre 15 à 20 tonnes, lesquels sont ensuite coupés par les différentes débiteuses dans l’atelier. Ensuite, la pierre est transformée pour en faire ce que l’on veut : « Plus on travaille cette pierre, plus on arrive à faire des réalisations surprenantes. Elle possède des qualités intrinsèques très intéressantes. Par exemple, elle n’est pas gélive, elle ne gèle pas. On fait donc de l’aménagement urbain ou paysager, des dallages, cheminées, bancs, margelles de piscine, vasques, évier, bancs, colonnes, fontaines, escalier, carrelage, parements… » énumère l’ancien Biarrot.

Favoriser le « Made in France »

Pour diversifier la production, les jeunes chefs d’entreprise ont dû investir. Mais pas n’importe comment. Leur dernière acquisition ? Une débiteuse possédant un disque d’un mètre trente de hauteur capable de couper la pierre sur 50 centimètres de hauteur. Un monstre d’acier qui bouge dans les cinq axes et qu’ils ont choisi d’acheter en France, à une société basée à Castres : « Nous avons besoin de nous serrer les coudes en nous faisant travailler les uns les autres. Le marché comporte beaucoup de pierres étrangères à des prix défiants toute concurrence. Je milite donc pour le Made in France. » D’ailleurs, La carrière n’a pas encore vraiment souffert de la crise du Covid-19 : « Nous avons continué à travailler, avec des protections et en fermant l’enceinte, tout simplement. Nous avions des commandes, et il faudra attendre les six ou douze prochains mois pour mesurer l’impact réel de la crise sur notre activité », explique l’ancien gaucher, dont les semaines sont bien remplies : « En journée, je suis à la carrière de 7 heures à 20 heures, cinq jours sur sept. Et les week-ends, il faut faire des devis, des dessins… Les semaines sont chargées mais passionnantes. » Aussi passionnantes qu’à l’époque du rugby ? « Voilà deux ans que j’ai complètement coupé. Cela me manque un peu, je sens que cela commence à me titiller. J’ai complètement coupé, mais le challenge d’un match de rugby me manque, le fait de dominer un adversaire ou de ressentir cette camaraderie, l’aventure collective d’un match… Mais je retrouve cela dans l’entreprise puisque Benjamin Sore, qui est l’un de mes plus proches collaborateurs est mon ancien partenaire et mon ami. Cette camaraderie, je la retrouve donc dans l’entreprise. » Comme le disait Jean-Pierre Rives, « quand on enlève le ballon, il reste les copains… » Et autour de ceux-ci, on trouve une pierre, l’une des plus belles de France, joyau du patrimoine de nos régions. 

Digest

  • Né le 18 janvier 1985 à Condom (Gers)
  • Poste : pilier gauche
  • Clubs successifs : Mont-de-Marsan (2005-2006), Agen (2006-2014), Biarritz (2014-2018)
  • Palmarès : Champion de France de Pro D2 (2010), champion du monde des moins de 21 ans (2006)

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