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James : « Rougerie a été pour beaucoup dans notre réussite »

  • Brock James sous le maillot de La Rochelle
    Brock James sous le maillot de La Rochelle Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L’Australien vient de mettre un terme à sa carrière de joueur et s’apprête à quitter l’hexagone, faute d’avoir pu trouver un poste d’entraîneur. Il a accepté de parler de son incroyable parcours en France, qui ne devait durer qu’une seule année.

La décision de prendre votre retraite a-t-elle été difficile ?

Être arrivé à jouer jusqu’à 38 ans, c’est déjà pas mal ! La décision n’a pas été très dure à prendre. Je suis arrivé en France avec un contrat d’un an Avoir donc jouer quatorze ans en Top 14 est une grande fierté.

Si vous aviez eu une proposition de contrat, auriez-vous accepté de jouer le rôle de papa auprès des plus jeunes, que ce soit à La Rochelle ou ailleurs ?

La Rochelle devait commencer à regarder pour le futur. C’est quelque chose que je peux comprendre facilement. Après, ce n’est pas compliqué de faire des années sur le banc, sans jouer, mais ce n’est pas vraiment ce qui m’intéresse. Je suis un compétiteur. Si je suis dans l’effectif, je vais me battre pour être dans le groupe et sur le terrain. J’ai de l’expérience donc j’arrive maintenant à mieux gérer cette situation mais le compétiteur en moi n’est pas d’accord. Même à 45 ans, je voudrais être sur le terrain. La position du club a été de préparer l’avenir car je ne serai plus là dans trois ans. Je comprends que le club veuille prendre quelqu’un d’autre pour le faire grandir avec l’équipe.

Vous souvenez-vous de la prise de contact avec Clermont lors de votre arrivée en France ?

Je ne savais rien du Top 14, ni de Clermont. Je me souviens de l’appel de mon agent australien pour me dire qu’il y avait peut-être une opportunité à l’ASM Clermont Auvergne. J’ai regardé sur Internet et je me suis renseigné un petit peu… Trois jours plus tard, j’étais dans l’avion. Tout est allé très vite car un autre joueur avait signé à mon poste et il s’était rétracté deux semaines avant la reprise. Voilà comment je suis arrivé en Auvergne. Vern Cotter cherchait quelqu’un à la dernière minute. C’est pourquoi je n’avais signé qu’une seule saison. Avec ma femme, nous sommes arrivés avec un sac chacun et quatorze plus tard, nous sommes toujours en France.

Avez-vous été surpris par la ville ?

En Australie, les villes sont essentiellement sur les côtes donc nous étions habitués à vivre auprès de la mer. La seule personne qui pouvait me renseigner sur Clermont, c’était le deuxième ligne John Welborn qui a joué à Brive à l’époque de la victoire en H Cup. Je lui ai donc demandé des informations sur Clermont mais comme je ne savais pas à l’époque que c’était le derby, il ne m’avait pas vraiment dit du positif (rires). Mais je me souviens d’avoir été agréablement surpris en arrivant, notamment en parcourant la place de Jaude qui avait été refaite. On m’avait parlé d’une ville assez froide et j’avais trouvé une jolie ville, au centre de la France.

Comment avez-vous convaincu votre femme de partir à l’autre bout du monde en trois jours ?

à l’époque, nous n’étions que tous les deux. La décision de partir n’était donc pas difficile. Je jouais à la Western Force, où on venait de m’expliquer que j’étais le cinquième numéro 10 dans la hiérarchie. Le risque d’avoir un temps de jeu famélique était donc grand. Je regardais ainsi d’autres opportunités et c’est vrai que je n’étais pas loin de retourner à Taranaki, en Nouvelle-Zélande, où j’avais joué auparavant. L’appel de Clermont est arrivé à la dernière minute et comme nous étions déjà prêts à quitter l’Australie, une partie du chemin était déjà faite. On s’était dit que nous pouvions saisir cette occasion de vivre un an en France avant de revenir à Taranaki. Nous n’avions rien à perdre, nous avions la sensation que nous allions vivre une belle aventure à l’autre bout du monde pendant un an. Finalement, cela a été un petit peu plus long (rires).

Le joueur qui avait fait faux bond à Clermont, c’était Cameron McIntyre…

Oui, c’était lui. Il était parti à Castres. Il m’a fait ça deux fois dans ma carrière. Cameron McIntyre était de Canterbury mais il était barré par Dan Carter, donc il cherchait du temps de jeu. Il avait signé à Taranaki et il n’était finalement pas venu, me laissant sa place au dernier moment. Donc, quand je le vois, je lui paie une ou deux bières (rires).

Quel est votre plus beau souvenir en France ?

Ce sont les copains. Le plus important dans la vie, ce sont les gens qui nous entourent. Depuis l’annonce de ma retraite, beaucoup de personnes de Clermont m’appellent pour me souhaiter le meilleur pour notre retour en Australie. Nous avons quasiment créé une seconde famille ici.

Et votre plus beau souvenir sportif ?

C’est bien entendu le titre de champion de France avec Clermont. Mais ce n’est pas simplement la victoire en finale, c’est toute l’histoire qui va avec. Ce sont des années de boulot, de sacrifices, d’apprentissage. Ce titre représente beaucoup de choses puisque c’était le premier pour l’ASM après beaucoup de finales perdues et je suis bien placé pour le savoir puisque j’étais déjà monté trois fois à Paris pour autant de défaites. Après chaque échec, il fallait remettre les crampons pour démarrer une nouvelle saison avec l’envie d’apprendre de nos erreurs. à chaque fois, nous étions tout proches d’être champions. C’était déjà un exploit de retourner en finale chaque année. Remporter le championnat lors de notre quatrième tentative fut vraiment un moment très fort.

Avez-vous encore en tête des images de la fête ?

Après avoir échoué trois fois, tout était surmultiplié. Nous avions bien profité de la nuit à Paris. Le voyage en train avait aussi été animé. L’arrivée au Michelin, déjà bloqué par les supporters, était extraordinaire. Je me souviens ensuite du transfert jusqu’à la place de Jaude qui avait pris une heure pour un trajet que l’on fait habituellement en dix minutes. Le bus n’avait pas de place pour avancer dans les rues car il y avait tellement de monde venu fêter ça avec nous…

Vous avez été vernis au niveau des supporters pendant votre carrière…

J’ai eu la chance d’évoluer dans des clubs avec des supporters formidables, que ce soit à Clermont, bien sûr, et à La Rochelle. Mais c’était aussi le cas à Bordeaux l’année dernière. Chaban-Delmas, c’est 20 000 supporters en moyenne. C’est aussi quelque chose à vivre. Après, c’est vrai que c’était particulier à Clermont. Les supporters ont toujours été bienveillants avec moi. Quand on passe autant de temps dans un club, forcément, il y a des bons mais aussi des mauvais moments. J’ai connu des hauts mais aussi des bas, je ne l’oublie pas. Pourtant, j’ai toujours été formidablement soutenu par le public clermontois, surtout dans les moments difficiles.

Quel souvenir gardez-vous de Vern Cotter ?

Depuis que je suis parti de Clermont, j’ai pu découvrir d’autres façons de faire et je perçois mieux ce que Vern mais aussi René Fontès ont bâti. C’est vraiment exceptionnel ce qu’ils ont réussi à construire à l’ASM. Ils ont mis en place une structure qui dure et qui est toujours en place. Bien sûr, le club a évolué mais cette structure est encore là, celle que Vern voulait construire, même si cela évolue avec le temps et le rugby. Plus le temps passe, plus j’arrive à apprécier tout son travail.

Et quel souvenir en gardez-vous au quotidien ?

Vern Cotter était très dur. Mais comme il était aussi dur envers lui, ça allait. Il disait ce qu’il pensait et il faisait ce qu’il disait. C’est pour cela que ça a pu durer. Après, je crois aussi qu’Aurélien Rougerie a été pour beaucoup dans notre réussite. C’était un leader irréprochable dans son éthique de travail et sur ce qu’il donnait sur le terrain. C’était le bras droit de Vern. à Clermont, il y avait un bon mélange de talent sur le terrain mais aussi de leadership avec quelqu’un comme Aurélien.

Vous avez ensuite connu La Rochelle…

Lors de ma première année au Stade rochelais, nous sommes passés tout près de jouer une finale, contre Clermont de plus. C’était frustrant. C’était une saison presque inexplicable. Même en vivant cette aventure au jour le jour, je n’arrive pas à l’expliquer tellement ça marchait bien. C’était un bon mélange entre des jeunes enthousiastes et l’expérience des plus anciens. Il y avait aussi un leader exceptionnel, Jason Eaton, et des nouveaux joueurs très doués comme Vincent Rattez. Cela faisait deux ans que le club n’avait pas gagné un match à l’extérieur et dès la 2e journée, on gagnait à Grenoble; puis à Castres lors de la 3e. L’équipe a pris confiance et cela a duré toute l’année. C’était vraiment une saison de fou.

Pourquoi avoir choisi de passer une saison à l’Union Bordeaux-Bègles ?

C’est un club avec beaucoup d’ambition et c’était aussi l’occasion pour moi de découvrir un nouveau rôle dans un groupe. J’étais parti là-bas avec la tâche de suppléer Matthieu Jalibert mais il s’est blessé très tôt dans la saison. Je me suis retrouvé seul ouvreur pendant quelques mois. Après, c’est une saison où des choses se sont passées... une saison à la française, à l’ancienne (rires), avec un entraîneur qui a été viré en milieu de saison. J’ai dû prendre un peu plus de responsabilités que prévu. C’était une expérience très enrichissante.

Est-ce à ce moment-là que vous avez décidé de devenir entraîneur ?

J’avais toujours eu l’idée que je pourrais le devenir après ma retraite mais je ne savais pas si ça me plairait au quotidien. Pendant que j’étais à Clermont, avec ce qu’avait mis en place Vern Cotter, je me suis posé la question si je pouvais apporter de la valeur ajoutée à un club. Quand je suis arrivé à La Rochelle, qui était alors un jeune club, en train de monter en puissance, je me suis dit qu’il y avait peut-être la place. Quand j’ai eu l’opportunité d’aller à Bordeaux, qui voulait aussi construire quelque chose pour viser le top 6, ça m’a vraiment donné le goût d’être coach et de partager mon expérience. Cela permet de maintenir le côté compétitif que j’adore. Bien sûr, c’est différent, car tu ne peux pas aller sur le terrain pour participer mais partager ses idées, ses passions et les transmettre aux joueurs est un challenge excitant. Et c’est ça que je veux faire.

En avez-vous discuté avec La Rochelle ?

Le staff est déjà assez complet. C’était un peu bouché. C’est un mauvais timing. J’aurais adoré. Après, avec tout ce qui se passe en ce moment, on ne sait même pas quand le rugby va reprendre. C’est donc compliqué pour les clubs de planifier pour l’année prochaine. Tout le monde essaie de consolider sa position dans le Top 14 avant de se pencher un peu le recrutement. Donc, pour l’instant, il n’y a pas de place.

Y a-t-il un match qui vous a marqué particulièrement pendant ces quatorze saisons en France ?

C’est vraiment dur de n’en choisir qu’un… Mais en y réfléchissant, je pense que c’était mon dernier match avec Clermont au Michelin. Par hasard, c’était contre La Rochelle, club où j’allais et la réception du public était vraiment inattendue. C’était très fort sur le plan émotionnel.

Pourquoi avez-vous décidé de rentrer en Australie ?

J’aurais bien aimé rester en France car nous sommes très bien ici. Mes enfants sont nés ici. Quatorze ans d’une vie, quand on a 38 ans, ce n’est pas rien. J’espérais intégrer un staff. Mais avec tout ce qui s’est passé ces deux derniers mois, ça a tout bloqué. Cette période nous a aussi donnés du temps pour réfléchir et nous avons pensé que c’était peut-être le bon moment pour nous rapprocher de notre famille. Je n’oublie pas le sacrifice fait par ma femme qui m’a soutenu pendant quatorze ans en étant loin de sa famille. Être loin des siens, ce n’est pas facile. Enfin, mes enfants ont 10 ans et 7 ans et j’ai envie de profiter d’eux.

Qu’allez vous faire en Australie ?

Je ne sais pas encore. Je veux rester dans le rugby. Je vais essayer de trouver un club là-bas pour continuer d’apprendre. Il n’y a pas de projet précis mais je suis en train de travailler dessus. Je ne suis pas pressé de trouver ni d’accepter quelque chose si ça ne me plaît pas, ou si ça ne plaît pas à ma famille. J’ai envie de respirer un petit peu et voir ce qu’il y a de mieux pour nous.

Avez-vous une date de retour ?

Pour l’instant, c’est impossible de savoir. Mais nous ne sommes pas pressés de partir non plus. Les enfants vont finir leur année scolaire et nous voulons quand même profiter de l’été, si c’est possible bien sûr. Après l’été, on regardera pour trouver une date de départ.

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