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Bagarre de légende - Entre Grenoble et Brive, les joies d'une générale à l'ancienne

  • La mêlée briviste enfoncée par Grenoble. Toute la bagarre est partie de là
    La mêlée briviste enfoncée par Grenoble. Toute la bagarre est partie de là Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Il y a presque quatre ans, Grenoblois et Brivistes ont offert une « baston » d’un autre temps. Laquelle trouvait autant ses racines dans le contexte tendu des Isérois que dans l’âpreté assumée des Corréziens.

En quelques mots ? « Une mêlée relevée, une bagarre qui finit au bord de la talenquère, les remplaçants qui s’en mêlent, c’était une bonne générale à l’ancienne, comme il y a trente ans. » Voilà comment l’ancien trois-quarts centre briviste Arnaud Mignardi décrit l’incroyable échauffourée qui avait opposé les Grenoblois aux Corréziens le 11 septembre 2016. « C’est drôle, un journaliste nous a envoyé cette vidéo, à Nigel Owens et moi, pas plus tard que la semaine dernière », raconte Bernard Jackman, alors entraîneur du FCG. La sirène de la première mi-temps avait déjà retenti quand la fameuse mêlée a dégénéré, entraînant un pugilat. « Grenoble nous concassait dans ce secteur, reprend Mignardi. Nous étions vexés et nous sommes rebellés. Il a suffi d’un mauvais coup… Il y avait de l’enjeu, un peu de tension. D’habitude, un accrochage concerne un joueur de chaque côté, deux ou trois tout au plus. Mais là, tout le monde a suivi ! » Offrant des images impressionnantes, surtout dans le rugby moderne. Un règlement de compte ? « Il n’y avait pas d’antécédent entre les deux formations », rétorque Jonathan Wisniewski, alors ouvreur des Isérois. Ce que confirme l’ex-ailier du CABCL Benjamin Lapeyre : « Il n’y avait aucun contentieux. ça s’est déclenché comme ça et personne ne s’est sorti (sic). »

Même si les locaux reconnaissent qu’ils en avaient marre de baisser pavillon devant leurs adversaires, réputés pour leur âpreté et leur sens du combat. « Lors des trois ou quatre dernières confrontations, ils nous avait eus à l’agressivité, avec certaines valeurs, raconte Jackman. Ils devaient penser qu’il leur suffirait de faire pareil pour l’emporter mais on avait prévenu les mecs qu’ils n’avaient pas le droit de reculer. Le contexte était particulier, il y avait beaucoup de nervosité et un rien a tout fait exploser. » Mignardi se souvient de l’ascendant psychologique des siens : « On ne leur faisait pas de cadeaux à la maison et on avait ramené un match nul de chez eux une année. Grenoble nous réussissait plutôt bien. » Wisniewski va plus loin : « Brive avait une drôle d’équipe, un savant équilibre entre casse-couilles, bagarreurs et bons joueurs de rugby qui la rendait difficile à manœuvrer, emmenée par les « grincheux » Mela, Mignardi et compagnie. Cette saison-là, ils ont d’ailleurs été tout près de se qualifier dans les six. De notre côté, le club avait des difficultés en interne. Fabrice Landreau avait pris du recul et laissé le champ libre à Bernard Jackman, qui avait une culture différente de la nôtre. Pour lui, le coaching, c’était uniquement du sportif. Tout ce qui avait trait à la vie de groupe devait appartenir aux joueurs, et la transition avait été brutale. Le vestiaire était scindé en plusieurs groupes : la génération Pro D2, un groupe de joueurs qui avait rejoint le club pour son projet, les étrangers historiques, ceux en fin de contrat… Tout ça ne vivait pas très bien. » « Très tôt dans la saison, le club avait connu des difficultés financières, rappelle Jackman. Les dirgeants avaient demandé aux joueurs de concéder une baisse de salaires. Une partie avait accepté, une autre non… Cela avait achevé de scinder le groupe. On avait tout perdu avant cette réception de Brive. » « On venait même de prendre 50 points au Stade français et, si on laissait passer ce match, c’était fini pour nous, confirme Wisniewski. De coup, ce jour-là, il y avait eu un élan de solidarité. Je me rappelle de l’avant-match, où les 45 joueurs de l’effectif étaient dans le vestiaire. On était sous pression, on voulait se prouver des choses, montrer de la solidarité face à une équipe qui faisait référence en la matière. Ce match tombait à point nommé, en fait… » Question d’honneur.
 

Gelin s’était cassé la main en envoyant un coup de poing

S’il faut trouver une raison à cette baston d’un autre temps, elle est à chercher au cœur de la situation du FCG. « Avant le match, on avait réalisé une mise au vert au-dessus d’Aix-les-Bains, ce qui était rare, explique le talonneur Laurent Bouchet. On était critiqué sur notre mêlée et Dayna Edwards, notre clé de voûte, s’était blessé pendant une randonnée. La poisse jusqu’au bout. Alors, on s’était remonté, on s’était dit qu’il ne fallait pas subir. » Ce qu’il s’est passé, au point de dominer un pack redoutable, grâce notamment à la performance du gaucher Sona Taumalolo. « Damien Jourdain, le pilier de Brive, a perdu son appui et on l’a relevé, on a envoyé promener la mêlée en touche, poursuit Bouchet. Dans ces moments-là, on s’enflamme un peu, on veut marquer notre territoire. Sauf qu’en face, il y avait de la frustration, et ils ont répondu. Mais cette fois, on ne voulait pas s’en laisser compter. » Mignardi et ses partenaires sont tombés sur un os : « On a trouvé du répondant et les Grenoblois ne se sont pas tirés du chemin (sic). D’où sûrement leur victoire ce jour-là. »

En quelques secondes, la pelouse du Stade des Alpes s’est transformée en ring de boxe, jusqu’aux remplaçants venus balancer quelques crochets par-dessus les panneaux publicitaires. « À la vidéo, on voit que Teddy Iribaren enrhume Chris Farrell, se marre Bouchet. Ce qui m’a marqué, c’est que c’est parti très vite, ça s’est arrêté, puis c’est reparti. Mais je suis bien en peine de dire pourquoi, puisque j’étais sous le tas, accroché avec François Da Ros, pendant que Nigel Hunt s’expliquait solidement avec Saïd Hirèche. ça s’est propagé jusque dans notre en-but, chaque coup provoquait une réponse. C’était l’engrenage. » Ce qui transpire des mots de Wisniewski : « Je me souviens d’un Nigel Hunt très généreux dans l’histoire, tout comme Sona Taumalolo et Chris Farrell… Clément Gelin s’était cassé la main en envoyant un coup de poing à Gaëtan Germain. C’était quand même pas mal tombé, oui. »

Des deux côtés, car il n’était pas question pour les Corréziens de se montrer « fainéants » dans l’action. Lapeyre, notamment, s’était distingué mais il tient à préciser  : « J’y suis allé pour écarter les mecs et arrêter ça mais je ne servais pas à grand-chose. Puis j’ai vu des gestes qui ne m’ont pas plu, des coups de poing par-derrière. Alors, j’ai rendu la pareille à l’envoyeur… » Forcément, l’arbitre M.Minery a sévi, avec deux cartons rouges pour Grenoble (Taumalolo et Hunt) et un pour Brive (Jourdain). Ce qui a fait sortir de ses gonds le capitaine Wisniewski : « Mon fils Timéo regarde cette scène tous les jours en ce moment (rires). Il m’a demandé de taper mon nom sur Youtube, et voilà ce qui est ressorti en deuxième ou troisième position… Pas forcément pour la bagarre où je n’ai rien fait, mais pour mon coup de colère à la mi-temps, au micro de Romain Magellan. J’ai réclamé des explications et l’arbitre m’a dit que notre joueur avait mis trois coups de poing. Je lui ai répondu que, s’il devait mettre un carton rouge à tous ceux qui avaient envoyé un marron, il pouvait sortir tout le monde ! Il n’a rien dit de plus, je lui ai pris le bras, il m’a écarté, je me suis agacé. Sur la colère, j’ai tout lâché. J’ai appris ensuite que, deux semaines plus tôt, M. Minery avait arbitré Castres à domicile, contre qui il avait sorti un seul carton rouge alors que deux joueurs le méritaient. Il s’était fait copieusement gronder en réunion des arbitres, parce qu’il n’avait pas osé sortir de deuxième rouge contre l’équipe qui recevait. La fois d’après, c’est tombé sur nous… »
 

Le canapé de Taumalolo, la bise de Mignardi

Le match, rendu houleux par la péripétie, avait vu les cartons se succéder par la suite. « En deuxième mi-temps, on s’est même retrouvé à 12 contre 13, je n’avais jamais vu ça », souffle Jackman. Taumalolo a, quant à lui, vécu une double peine. Suspendu sur le terrain et… à la maison. Jackman encore : « Pauvre Sona ! Il ne méritait pas plus qu’un autre mais son épouse a cru qu’il avait tout déclenché. Il avait déjà été expulsé la saison précédente à Agen et elle l’a très mal pris. Elle lui reprochait d’avoir fait honte à sa famille, il a dû dormir sur le canapé quelques nuits. Je crois même qu’elle lui a dit que cette fois devait être la toute dernière… » Hasard ou pas, le bouillant Tonguien n’a plus jamais écopé ni de jaune, ni de rouge, sur les trois saisons suivantes…

Au total, huit joueurs avaient été convoqués devant la commission de discipline (quatre de chaque équipe), dont Matthieu Ugalde, coupable d’une fourchette en deuxième période, « un geste isolé et à la con qui n’avait rien à voir avec la bagarre et pour lequel il s’en veut encore », selon Mignardi. Et le centre de noter : « Le match était télévisé, à 12 h 30. Pour l’image, ce n’était pas terrible et ils ont voulu faire un exemple. Ils auraient pu prendre un package de trente joueurs mais ils ont retenu les têtes d’affiche, ceux qui avaient commencé et bien sûr celui qui avait l’habitude de monter en commission. » Il parle évidemment de lui, au point d’en rigoler : « J’y suis passé trois fois, je leur faisais la bise à la fin. » Quatre ans plus tard, ce duel a surtout laissé des regrets aux anciens du FCG. « Avec Roodt, Kimlin, Grice, Wisniewski, Farrell, Aplon, on avait une équipe qui n’aurait jamais dû descendre si, toute l’année, on avait fait preuve de la même solidarité que ce jour-là », grince Bouchet. Wisniewski de conclure : « Malgré l’infériorité numérique, on a réalisé notre match référence de la saison sur le plan de l’agressivité et du collectif. On pensait s’être bien relancé, avoir retrouvé une cohésion. Et la semaine après, on en a pris 50 à Lyon… »

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