Ce que nous dit Jefferson

  • Jefferson POIROT.
    Jefferson POIROT. Icon Sport
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L'édito de Léo Faure... C’est une petite bombe qu’a lâchée Jefferson Poirot, en annonçant sa retraite internationale. Pas que le joueur soit à ce point indispensable au XV de France que ce dernier ne saurait s’en relever. Poirot aura traversé ses 36 sélections fièrement investi de sa tâche et souvent à son avantage, c’est sûr, mais son empreinte sur le poste restera un monde derrière les Marconnet, Califano ou Garuet. Cyril Baille, d’ailleurs, avait récemment grillé la priorité au Bordelais quand Jean-Baptiste Gros et Clément Castets poussaient déjà pour meilleur sort. Ainsi va la concurrence.

Si l’annonce de la retraite du "pilier-troisième ligne" a surpris et tant fait parler, c’est qu’elle est venue sur un timing étrange. 27 ans, son âge. Après les 28 ans de Sébastien Vahaamahina. Jugule-t-on une carrière internationale à 27 ou 28 ans, quand les plus belles années sont encore à venir ? Le rêve bleu a-t-il à ce point perdu de son pouvoir d’attraction ?

Cette annonce, derrière l’effet hypnotique, dit pourtant bien des choses. Que le rugby professionnel use ceux qu’il enfante, c’est un fait. Il use leurs corps plus que de raison, plus qu’hier. Cette semaine, son coéquipier girondin Blair Connor a d’ailleurs annoncé sa retraite, lui aussi. Une retraite définitive, les érosions mécaniques d’un corps meurtri ne lui autorisant même plus de s’entraîner sans douleur. À 31 ans. Cela fait peur.

Plus encore, le rugby d’aujourd’hui use les esprits. Il ronge l’enthousiasme et transforme les grands hommes d’hier, saltimbanques atypiques par leur courage et leur folie, en de tristes guichetiers de banque. Le rugby, alors, serait-il devenu un métier comme un autre ? On va désormais à l’entraînement comme au turbin, sans engagement et sans joie. On enfile le maillot comme un costard-cravate et on consomme sa carrière comme on gérerait sa petite entreprise. L’argent venu en masse a voulu cela ; il l’a imposé à la psyché humaine. Aussi regrettable que cela puisse être, une carrière se gère désormais avant même de se construire.

Cette fraîcheur perdue, Poirot l’assume. C’est courageux, d’un côté. En même temps qu’il se retire, il admet que le maillot bleu est devenu trop grand pour son appétit déclinant. C’est honnête. C’est désolant, aussi, que l’ambition d’un compétiteur proclamé puisse si vite décliner. Certes, le Bordelais était de toutes les campagnes funestes depuis quatre ans. Et la défaite use, elle aussi. Elle pèse sur les cœurs et les croyances. Les armes rendues si vite, si jeune, interrogent tout de même sur le caractère de cette génération prompt, hier, à plier face à l’adversité.

C’est ici que Jefferson Poirot nous dit, malgré lui, ce dernier message : Fabien Galthié a eu raison. Il a eu raison, oui, d’accélérer le temps et de trancher dans le vif des générations. En rajeunissant son groupe France à l’extrême, en écartant la quasi-intégralité des Bleus d’hier, il a tourné la page de la sinistrose et remis de l’appétit au centre du jeu. Si cela ne garantit pas toujours la victoire, on ne vient plus à Marcoussis avec la peur de perdre. On se déplace à "Marcatraz" avec la conviction de gagner. Cette conviction qui n’habitait visiblement plus Poirot et ses co-générationnels.

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