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Les personnages du rugby français : Éric Champ, le muguet dans le cœur

Par Pierrick Ilic-Ruffinatti
  • Eric Champ.
    Eric Champ. Icon sport / Midi Olympique.
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Joueur, capitaine puis président du RCT, Éric Champ demeure indissociable de l'histoire du club varois. Guerrier émérite sur le terrain et homme respecté en dehors, l'ancien international tricolore (42 sélections) nous raconte pourquoi le RCT, son RCT, a toujours eu une place unique à ses yeux.

Comme il est impossible de ne pas penser au Biarritz Olympique à l'évocation de Serge Blanco, à l'Usap quand on parle de David Marty ou à Clermont quand Aurélien Rougerie est au coeur d'une discussion, il est absolument inenvisageable de ne pas penser instinctivement au RCT et à Toulon quand vous entendez «Éric Champ». Indissociable de sa seconde peau Rouge et Noir, le troisième ligne aura tour à tour été supporter, joueur, capitaine puis président d'un club qu'il n'a cessé de porter dans son cœur tout au long de sa vie... et plus encore ! «J'ai été conçu lorsque mes parents habitaient à La Banane, les immeubles juste en face du stade. L'histoire ne pouvait pas se dérouler autrement : j'aime à dire que je suis tombé amoureux de Mayol avant même de voir le jour ».

 Le petit Éric pointe finalement le bout de son nez en juin 1962, à la clinique Saint-Anne. Et dès son plus jeune âge, le fils de Max -ex-joueur varois, devenu entraîneur des cadets du RCT- suit les aventures de son père, et développe son admiration pour le club Rouge et Noir. «Les dimanches j'étais avec mon père à Mayol et le reste de la semaine je le suivais quand il allait entraîner... Je suis tombé dans la marmite RCT quand j'étais petit». D'aussi loin qu'il se souvienne, l'enfance du jeune Éric est heureuse : entre La Valette où il vit, le cours Lafayette où ses grands-parents tiennent un banc de marché –«juste à côté de celui des parents de Marcel Rufo, le pédopsychiatre et grand ami du rugby»– et le stade Mayol, Champ ne quitte jamais son ballon et prend sa première licence au club de La Coupiane, un quartier de La Valette. «Ensuite je pensais intégrer le club de la ville, mais il n'y avait qu'une équipe seniors, alors à 11 ans j'ai rejoint le RCT».

 

Quand tu es profondément amoureux, tu restes quoi qu'il arrive ! 

La suite ? Une maturité impressionnante, des prédispositions évidentes, des catégories jeunes traversées comme une comète et des débuts tant attendus avec les «grands» à seulement 17 ans, en 1979. «Là, je dois mes premiers pas à un Monsieur, qui est au rugby à Toulon ce qu'Éric Tabarly est à la voile : André Herrero.» Quelques allers-retours en Juniors plus tard, et voilà que le surdoué Éric Champ s'impose à 18 ans comme l'un des éléments incontournables de la troisième ligne du RCT.

Le reste de l'histoire est connu de tous : quinze saisons au plus haut-niveau, deux Coupes du monde, 42 sélections, quatre finales de championnat de France, deux Brennus, un capitanat légitimement obtenu et des souvenirs à la pelle en Rouge et Noir. «J'ai eu des opportunités qui auraient pu m'éloigner de Toulon, mais je ne l'ai jamais fait. La raison ? Je crois que quand tu es profondément amoureux, tu restes quoi qu'il arrive !» Pour les beaux yeux du RCT, Éric Champ n'hésite pas à refuser les avances du Nice de son mentor Jean-Claude Balatorre, de Clermont-Ferrand ou encore du Biarritz Olympique de son grand ami Serge Blanco. En jurant fidélité et en donnant sans compter pour son club de toujours, le troisième ligne ne sait pas encore que ses coéquipiers lui rendront au quintuplé, un soir de juin 1992.

 

Premier capitaine a soulever le Brennus en costard

 

Flashback : au terme d'une saison galère -où la bande à Champ se retrouve à jouer le maintien (!)- le bonheur des phases finales et le réveil d'un groupe composé de briscards et de minots permettent au RCT de Jean-Claude Ballatore de se hisser contre tous les pronostics en finale de championnat, où il doit croiser le fer avec le Biarritz Olympique du légendaire Serge Blanco. Le match est d'autant plus prestigieux que le funambule biarrot a annoncé que ce match serait le dernier de sa carrière en club.

Pourtant, les Toulonnais qui semblaient condamnés à vivre une saison sans saveur se voient offrir l'opportunité d'écrire un bout d'histoire, cinq ans après leur dernier Brennus. Sauf que les Toulonnais doivent composer au Parc des Princes sans leur chef de meute et capitaine, Éric Champ ; suspendu suite à un accrochage avec Abdelatif Benazzi, en demi-finale de Challenge Du Manoir. La mort dans l'âme, le guerrier varois tente de se convaincre qu'il a déjà disputé trois finales et remporté un Brennus... en vain. La semaine de préparation est interminable et les 80 minutes de la rencontre sont insoutenables. Malgré tout, le corsaire de la rade ne laisse rien paraître et apporte un soutien sans faille à ses coéquipiers, sans savoir que ces derniers lui offriront l'un de ses moments les plus émouvants de sa carrière, au coup de sifflet final (victoire 19-14 du RCT).

Ce qui est formidable dans le rugby, ce sont les rugbymen 

«C'est un instant magnifique et en même temps je me retrouve en tribune pour une connerie... T'es là, tu regardes le match, il s’interrompt. Au moment de soulever le bouclier, sous l'impulsion de Pierrot Trémouille, les mecs m'ont tous appelé : "Grand il n'y a pas de débat, c'est à toi d'aller chercher le bouclier"... Vous imaginez ? Ce qui est formidable dans le rugby, ce sont les rugbymen. Il y a le ballon, les titres, les matchs, évidemment, mais les hommes...». Le moment est épique, la photo souvenir iconique : entouré de ses garde-fous (Bruno Motteroz, Pierre Trémouille, David Jaubert, Yann Braendlin, Aubin Hueber et Pascal Jehl en premier lieu), l'international aux 42 sélections soulève un Brennus en haut de costard, avec une chemise Lacoste blanche, une cravate rayée aux couleurs de son club et un sourire à s'en décrocher la mâchoire. Il devient alors le premier capitaine à soulever le Brennus en costard. «À ce moment, la joie est illimitée. J'étais en dehors du terrain, mais sincèrement je me demande si ce n'est pas le point d'orgue de ma carrière de capitaine du RCT... C'était une reconnaissance incroyable, quelle joie !»

J'ai 57 ans, et je continue d'être profondément amoureux de de cette région 

Un moment de communion intense pour ce minot de La Valette qui, dévoué corps et âmes au RCT depuis qu'il en avait porté le premier maillot près de 20 années plus tôt, voyait l'ascenseur lui être renvoyé. Le « Grand » comprendra avec les années qu'il venait à cet instant de vivre un moment d'histoire, de son histoire. «J'ai beaucoup donné pour le club, pour ces couleurs, mais j'ai également énormément reçu. Et ce cadeau offert par l'équipe en 1992 était incroyable». Éric Champ raccrochera finalement les crampons en 1994, après une tournée en Australie avec les Barbarians de laquelle il revient blessé à un tendon d'Achille. Le moment est alors venu pour lui d'embrasser une nouvelle carrière, qui l'éloigne pour la première fois de sa vie de son Var natal. «J'étais heureux d'avoir trouvé une opportunité professionnelle juste après ma carrière. Ça m'a aidé à passer à autre chose sans trop ruminer.

Maintenant je pourrais vous jouer le couplet « je sais d'où je viens, mais il faut savoir avancer », mais la vérité c'est que si professionnellement j'ai vécu de belles choses loin de chez moi, mon pays n'a eu de cesse de me manquer, et ça m'a fait du bien de revenir par la suite. Aujourd'hui ? J'ai 57 ans, et je continue d'être profondément amoureux de cette région, de la mer, du Haut-Var... Et quand je m'éloigne de Toulon, de ce pays, c'est toujours très compliqué pour moi. » Comme une histoire d'amour sans fin, Éric Champ a même repris du service entre 2003 et 2006 quand il a pris la présidence du RCT, qu'il a ramené en Top14 dans un premier temps, sans pour autant réussir à pérenniser le club dans l’élite. L'ancien troisième ligne a finalement revendu le club à Mourad Boudjellal, en 2006, pour redevenir un «simple» supporter, animé par sa passion démesurée pour le RCT. Vous dîtes immense joueur de rugby ? On répond légende vivante sur la Rade...

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Les commentaires (1)
barathym Il y a 3 années Le 13/06/2020 à 17:55

On notera comme à l habitude , le parti pris , Biarritz,Bayonnais toulousain, ou si l article concernais un joueur de ces clubs , on aurait pu lire à la fin Légende ( mondiale ou nationale ) mais ici concernant un toulonnais, on termine l article par légende de la rade ( mesquin ).
Noubliez pas que les 3 étoiles , elles brillent sur la rade ....