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Ringeval : l’héritage de migraine

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    Ringeval : l’héritage de migraine
Publié le Mis à jour
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C’était dans les tuyaux, c’est désormais officiel. À 77 ans et après 49 saisons au bord des terrains, Michel Ringeval en a bel et bien terminé avec sa vie d’entraîneur, et occupera la saison prochaine un rôle de conseiller sportif au club de Chambéry. L’occasion de rendre hommage à ce grand monsieur du rugby français qui a tenu, de sa propre initiative, à revenir sur les influences qui l’ont guidé et construit, tout au long de sa carrière…

Comment conserver, pendant 49 saisons, la même flamme et la même passion pour l’entraînement qu’à ses débuts ? Probablement, à en écouter Michel Ringeval, par une soif inextinguible de s’accomplir au travers d’un sport, après ne pas y être parvenu en tant que joueur. La faute à trois énormes blessures, comme autant de coups du sort… "J’ai attaqué à Lourdes en équipe première à 17 ans et demi. Quand j’avais 19 ans, nous sommes allés disputer un match à Mont-de-Marsan, où j’ai été exécuté par un local, d’un coup de pied dans la tête. Je revois Jean Gachassin, qui jouait ouvreur, se cacher les yeux en arrivant vers moi… La violence du choc m’avait sectionné l’artère temporale, le sang giclait, giclait… Je dois la vie au soigneur lourdais, qui a eu le bon réflexe de me comprimer au niveau de la plaie, et surtout au fait que l’hôpital de Mont-de-Marsan se situe juste à côté du stade. J’ai passé là-bas quinze jours alité, sans pouvoir m’alimenter correctement. J’ai beaucoup maigri et à partir de la, ma morphologie a changé."

Les envies aussi, qui débouchèrent sur des envies d’exil. "À l’âge de 10 ans, j’étais déjà monté à Clermont avec Lourdes, pour y disputer le tournoi Michelin. Un événement énorme, avec plus de 1 000 gamins. Eh bien le lendemain, dans le journal local, il y avait ma photo avec pour légende "qu’il a de l’allure, ce petit demi de mêlée lourdais." Dix ans plus tard, quand le président Henri Franck m’a contacté pour venir jouer à Montferrand, j’y ai vu comme un signe du destin…" Sauf que les blessures, encore, s’en mêlèrent. D’abord une énorme double fracture tibia péroné sur laquelle le médecin de l’ASM, "qui était un médecin de campagne, avait dit : "c’est un sportif de haut niveau, il faut laisser faire la nature". Ouais… Vous savez, exactement à la même époque, l’attaquant du PSG Carlos Bianchi a subi exactement la même blessure que moi. On lui a fait une ostéosynthèse et six mois après, il était sur les terrains. Moi, j’ai mis 16 mois à revenir…" Avant le coup de grâce d’un doigt sectionné en fermant ses propres volets, en 1970, avant les huitièmes de finale. "Un peu las de mes blessures, ils sont allés chercher Michel Pébeyre à Vichy. Et m’ont demandé, à 28 ans, d’assurer l’entraînement de l’équipe…"

Le faux débat du rugby programmé 

Ainsi débuta une immense carrière d’entraîneur qui vit "Migraine" accompagner l’évolution du rugby, parfois en avance et parfois en retard, selon son propre aveu. "Quand je vois qu’en 1993 avec Grenoble, je reprenais des choses que j’avais mises en place à Montferrand en 1976, je me dis qu’à un moment de ma carrière, j’ai été plutôt en avance. À l’ASM, j’avais déplacé notre troisième ligne Michel Luciani au poste de centre, comme je l’ai fait avec Willy Taofifenua à Grenoble. À leurs côtés, à plus de 20 ans d’intervalle, Joël Molenat puis Frédéric Vélo sont devenus les meilleurs marqueurs d’essais du championnat. Mais que n’a-t-on pas dit, à l’époque ? À chaque fois, il fut décrété que notre jeu était "stéréotypé". Michelin était le club du capital, Grenoble celui de Fouroux… Toujours, on était critiqués. Et bien des années plus tard, on a mis des mots savants là-dessus, on a parlé de "programmation sur plusieurs temps de jeu." C’était devenu formidable." De quoi alimenter un débat stupide, que Michel Ringeval tranche par ce credo. "L’entraîneur est là pour assurer la circulation des soutiens au porteur du ballon, mais ce sont les joueurs qui assurent la circulation du ballon. Même si des choses sont programmées sur plusieurs temps de jeu, le porteur du ballon doit en permanence s’adapter à ce que propose la défense. Si bien que je n’ai jamais compris les polémiques entre les partisans d’un jeu soi-disant libre et ceux d’un jeu programmé…"

« La définition d’un bon entraîneur, c’est celui qui est au bon endroit au bon moment » 

Des convictions que Michel Ringeval a donc portées, de Clermont à Chambéry en passant évidemment par Grenoble, mais aussi Vichy, Bourg-en-Bresse, Rome ou Catane, malgré les caprices d’un destin qui ne lui ont pas permis de se forger un palmarès à la hauteur de son aura. "Si j’ai un regret dans ma carrière ? Je vais vous surprendre mais ce ne serait pas le titre de 1993, puisque je sais qu’on ne pouvait pas le gagner. Ce serait plutôt la saison 1990, où l’on pouvait faire le doublé Championnat-Du Manoir. On perd en quarts contre le Racing dans les arrêts de jeu, alors qu’il suffisait qu’on sorte le ballon du terrain… Et la même année, on perd en finale de Du-Manoir à Pau contre Narbonne, 18-16, avec 18 points au pied de Lescure. L’arbitre était déjà M. Salles…" Si bien que la quête de son premier titre de champion de France en 2013, fut-il de Fédérale 2, demeure comme un événement à part, son plus beau cadeau pour ses 70 ans, quelques années avant un dernier titre en Jean-Prat. De quoi clore non sans regret l’immense chapitre de toute une vie. "J’ai entendu tellement de gens me dire "mais tu entraînes encore ?" que j’ai fini par trouver ça anormal. En janvier, j’ai pris la décision d’arrêter tout en me disant : "attention Michel, bientôt il te faudra l’assumer au printemps". Je me connais bien et ça s’est passé comme ça, l’envie brûle encore. Surtout que je n’avais pas calculé que j’allais arrêter à 49 saisons d’entraînement ! Symboliquement, il en manque peut-être une… Mais je me console en me disant que je ne ferai peut-être pas celle de trop. Et pour tout vous dire, ma fierté, c’est d’avoir reçu cette semaine énormément de messages de la part d’anciens joueurs, de toutes les générations. Je ne pensais pas que cela prendrait une telle ampleur… Même mon petit-fils Maxime m’a dit : "papy, si tu arrêtes, j’arrête !" Il a fallu que sa mère lui explique que je n’arrêtais pas tout à fait pour qu’il daigne continuer…" Parce que la vie et le rugby continueront, à qui Migraine livre cette ultime confession comme un cadeau : "Je vais vous donner la définition d’un bon entraîneur : c’est celui qui est au bon endroit au bon moment. C’est tout. Celui qui n’a pas compris ça, il n’a rien compris." À bons entendeurs…

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