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Herrero : « Pas besoin d’aller à Mayol pour se sentir Toulonnais »

  • Daniel Herrero ancienne gloire de Toulon se confie à Midi Olympique
    Daniel Herrero ancienne gloire de Toulon se confie à Midi Olympique Dave Winter / Icon Sport - Dave Winter / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Finaliste avec Toulon en tant que joueur en 1971, champion comme entraîneur en 1987, Daniel Herrero, qui vient tout juste de fêter 72 ans, ne s'était pas exprimé si longuement dans nos colonnes depuis presque trois décennies. Pour ce retour de son mutisme, la distance prise avec le RCT et Mayol, la finale 71, la crise qui s'ensuivit, son retour à Toulon en 1983, son amour du jeu et des hommes, son goût pour la lumière, son rapport à l'argent, sa vénération pour la déesse ovalie, ce rugby pro comme ces entraîneurs d'équipes nationales qu'il fustige et un XV de France qui, selon lui, sort enfin de la nuit de l'intelligence. Voici la première des trois parties plus spécialement consacrée à la carrière de joueur de Daniel Herrero dans les rangs du RCT.

Cela faisait presque trente ans que vous n’avez pas donné une interview à Midi Olympique. Avez-vous des explications à cela ?

Si je n’ai pas pris la parole chez vous, hypothèse recevable, c’est que soit on ne me l’a pas donnée, il y avait peu d’intérêts réciproques, peu de réflexion commune. Soit, autre hypothèse, j’ai refusé délibérément les avances du Midol. Sans aucun doute, il y a eu des irritations sur des personnes. Quand tu génères plus de mépris que d’affection, c’est douloureux. J’ai pu sentir que le seul intérêt guidait la réflexion et non pas le bonheur des hommes.

Pourquoi donc avoir accepté ?

La douleur ne s’est pas fossilisée et le temps a fait son œuvre lente et certaine. Comme diraient les psys, il n’y avait pas de traumatisme, seulement des tensions. Le monde du silence avait pris le dessus. Je pensais ne plus jamais parler au Midol, pas que je trouvais qu’ils étaient tous couillons, non. Je ne pensais pas non plus qu’il y avait une considération un peu intéressée du métier de journaliste. J’ai eu de l’irritation avec quelques-uns et j’estimais qu’elle pouvait entraîner une assimilation à tous.

Donc, l’instant est important. Ça fera plaisir aux lecteurs du Midol.

J’ai voyagé assez longtemps en terrain d’Ovalie, fait de jeu et d’hommes, fait aussi de vestiaires, de performances, de pinardages olympiques, de générosité et de joies transcendantales. J’ai vécu ça, le partageant avec ceux dont le métier est d’observer et d’analyser. Midol est un lieu de bouillonnement permanent, préoccupé par ce qui se passe dans ce monde-là, mais bon, j’ai mal vécu des jugements intempestifs.

Êtes-vous donc susceptible ?

Susceptible, le mot est trop vague. Je m’irrite vite sur des maladresses, des inconsidérations. Les irritations dans notre monde sont légitimes. Je me sais réactif sur certains sujets, je m’estime tolérant en général, mais aussi un peu intolérant sur deux trois points des choses de la vie, sur la méchanceté injustifiée ou l’entrée sans précaution dans mon intimité. Trente ans c’est un chiffre, je considère ce fait comme une péripétie glorieuse de ma vie.

Cela fait aussi presque trente ans également que vous n’avez pas mis les pieds à Mayol. Des explications ?

Mayol, j’y suis allé du jour de ma naissance jusqu’à l’âge de 22-23 ans, presque tous les jours. Puis de 33 à 43 ans, tous les jours, trois fois par jour.

Et depuis ?

Quasiment pas. Je n’ai plus fréquenté le territoire formel de l’aventure rugbystique toulonnaise. J’avais la sensation que je ne m’y sentirais pas bien, pas épanoui. Je l’avais trop vécu rayonnant, effervescent.

On ne vous y a pas invité, peut-être ?

Non. Mais je n’y suis pas allé pour des raisons diverses. Je n’avais pas grand goût pour la chose, ni antipathie. Je ne parlerais pas de répulsion. J’étais partagé entre l’intensité émotionnelle de mon vécu dans ce stade et le peu de plaisir à me retrouver spectateur. J’ai suivi pendant tout ce temps le parcours du club. J’y ai des amitiés centrales et périphériques, mais le lieu, l’espace… Cela pourrait sous-tendre que je suis fâché, que je n’aime pas quelque chose.

Et alors ?

Je vois des irritations plus fondamentales, d’ordre familiales. Je n’étais pas radicalement fâché. Jamais, je ne me suis senti propriétaire du RCT. J’ai toujours aimé avec passion ma ville et mon club.

Le RCT a prouvé qu’il pouvait gagner sans Daniel Herrero.

À l’évidence. Je ne suis dépositaire de rien. J’ai donné mon cœur à ce club. Je ne vais pas au stade, c’est ainsi. Les responsables du RCT ont changé, il y a eu des enchaînements de connexions, de générations. Je ne suis en conflit avec personne et j’aurais mal vécu les comparaisons avec mon époque. J’ai observé ces dix dernières années des différences dans les modes de fonctionnement. Je n’ai par exemple jamais été sensible au fait d’acheter et de vendre des joueurs.

C’est le rugby pro, tous les clubs le font et ça a fait gagner Toulon.

Je reconnais que depuis une quinzaine d’années, le RCT occupe une place que je qualifierais d’historique. Le club est considéré, considérable, conséquent. Il s’y passe des choses, culturellement et sportivement. Il n’a jamais été habité par des endormis ou des raisonneurs régressifs. Si je n’ai pas été trop sensible aux modes de gestion mais j’ai été ravi par les performances.

Avez-vous été en contact avec Bernard Laporte quand il fut entraîneur du RCT ?

Je connais très bien Bernard. Des trajectoires et des rencontres ont généré des échanges pour ne pas dire des discussions et des jugements. Mais non, nous n’avons jamais été en contact à ce moment-là. Que lui puisse venir à Toulon aurait paru impensable quelques années auparavant mais l’économie est devenue le centre de l’aventure. Je n’ai pas vu Laporte pas plus que Philippe Saint-André.

Peut-être Fabien Galthié ?

Non plus. Je connais son profil. Je ne me suis pas marginalisé en me mettant à la marge. Je suis resté concerné et j’ai une estime colossale pour le jeu et ceux qui le pratiquent. Je vois des matchs de haut niveau, j’en commente. Il me plaît plus de m’émouvoir la pensée et le cœur sur le traitement du jeu et surtout la vie des hommes dans le jeu. Je n’ai jamais interféré avec le poids de la mémoire dans l’actualité du jour, pas plus qu’un mot déplacé sur le jeu de Toulon. Jamais. Par principe, j’aime ces joueurs. Je ne fais pas ma vie avec eux. Pas besoin d’aller à Mayol pour se sentir toulonnais. La manière de jouer de l’équipe m’intéresse, pas plus. La façon de gérer a pu me fatiguer, m’irriter un peu et me rendre indifférent aussi. La gloire obtenue est respectable. De là à être empathique, non.

Pourquoi pas empathique ?

Je parlerais de considération, pas d’amour. Je suis sensible à ce que l’on aime. Je me sens offensé quand ce que tu fais de morale claire, d’humanisme sérieux, d’authentique, génère de la médiocrité et de la jalousie. Ça m’irrite beaucoup. Jamais je ne suis entré dans ce jeu-là. Je reste respectueux. Toulon a continué à être grand, à attirer la sympathie mais sans commettre de vilenie répréhensible.

Même quand le RCT jouait en Pro D2 ?

Là, je l’ai trouvé miséreux, pas misérable. Mais depuis 2015 à aujourd’hui, l’allure est différente.

Quand vous commentez Toulon, quels sentiments vous habitent ?

Depuis 1991, année où j’ai entamé ma collaboration avec Sud Radio, j’ai commenté le RCT trois fois ou quatre, pas plus.

Et une fois, cette équipe vous a fait pleurer.

Oui. C’est vrai. C’était en 1992, un an après mon départ. Le RCT est en finale face à Biarritz avec des joueurs que j’avais formés, ou déformés. Je les connais tous sauf Aubin Hueber arrivé à l’intersaison. Il y a deux trois jeunes. Je suis l’équipe pendant la phase finale. Voilà qu’elle devient championne de France en battant le BO de Serge Blanco. Je me suis senti heureux de la voir conforme sur la rudesse du monde, sur le comportement général, sur la solidarité combative. Ce soir-là, elle s’impose légitimement. Les joueurs font un tour d’honneur, un peu éparpillés, dans le Parc des Princes, et un groupe conséquent s’arrête à la hauteur du poste de commentateur situé à une quinzaine de rangs du terrain. Certains me montrent le Bouclier pour me dire, sans doute, qu’un bout de celui-ci peut m’appartenir. Je le perçois comme ça. Ils veulent me faire partager leur bonheur, je crois bien. Trois ans auparavant, habité d’un quelque chose d’immense, j’étais sur la pelouse avec le Bouclier.

On imagine ça bien différent.

Quand j’entraîne Toulon, nous sommes dans une dimension tribale, pas clanique, je n’aime pas ce mot. La famille est de sang, d’autorité, elle est imposée. La tribu est un lieu où l’on partage des choses venues des anciens. Le clan te ferme au monde. Moi, je préfère un truc qui ressemble à une bande. Je ne sais pas si le mot est correct mais je parlerais aussi de paternité fraternité. Alors, pour revenir à cette finale de 1992, quand ce souffle est monté du terrain jusqu’à moi…

Oui ?

J’ai été ému, sincèrement… Je suis émotif.

Émotif de quelle nature ?

Je fonctionne plus à la sensibilité qu’à la raison, plus à l’émotion qu’à la logique. Ça le fait ou ça ne le fait pas. Et au pourquoi des choses.

Vous sentiez les hommes avant de les enrôler dans votre bande ?

Sentir est un sens. Je dirais plutôt que j’entends les hommes. Quand tu dis que tu ne peux pas voir ou sentir quelqu’un, il y a un rapport au sens. Depuis l’aurignacien, chez l’humain, ce sont les sens qui donnent les informations à partir desquelles les hommes pensent. Je suis de cet ordre-là. Je n’ai eu de cesse, sans être certain d’avoir réussi, de chercher à comprendre les hommes.

C’est pour cette raison que vous êtes devenu entraîneur ?

Oui, à 100 %. Je ne conceptualise pas ça ainsi. Je ne suis concerné que par l’aventure humaine… Voilà bien le genre de truc que tout le monde rabâche. Je ne suis intéressé que par la densité de vie avec ces humains-là. En devenant entraîneur, je me dis que c’est autour de la connaissance des hommes que se fera l’essentiel. Depuis tout petit, je suis agité par çà. Connaître les hommes touche à l’empirisme. Est-on éduqué, à l’école ou dans la vie, à comprendre les hommes ? Peu. C’est un ballot que l’existence t’offre. Démerde-toi. Enfant, je considère qu’il me faut voir et rencontrer des hommes. Alors, je me déplace, je voyage à ma façon. À 10 ans, je sais que je ne partirai pas au frigo sans les avoir tous rencontrés.

Au frigo ?

Mourir, devenir ermite. Je suis obnubilé par cette idée stupide de faire le tour du monde et les voir tous, ces hommes. Elle est drôle cette envie mais pas forcément marrante pour ceux avec qui tu vas vivre. Certes, je n’ai pas fait que voyager. J’ai les mêmes émois que lorsque je suis cadet à Toulon. Je les sens pointer de façon équivoque. Partout ou je passe je suis capitaine. C’est une bouffonnerie olympique… Je ne suis pas le roi du monde. Je vois, je ressens. La parole sera une conquête plus longue. Je perçois que je dégage un leadership, comme plus tard au moment de devenir entraîneur. Un entraîneur entraînant. Cette phrase a été mille fois reprise, je l’invente en 1982 et c’est peut-être dans Midol qu’elle a paru en premier.

Elle est usée.

Non, car ce n’est pas un poncif. Elle est de loi divine. Elle ne s’usera pas, même si elle s’appuie sur un jeu de mot. La principale qualité du leader est de générer de la confiance et du mouvement. En cadets, quand je pars jouer avec les collègues à Carqueiranne, ça me plaît. Tu ne peux pas savoir combien ça me plaît. On gagne, on perd, mais j’aime la dimension grégaire de ce jeu, son côté communautaire et solidaire.

Vous étiez une sorte d’influenceur.

C’est un terme d’aujourd’hui qui ne me va pas. J’y sens une pression, une prise de pouvoir sur l’autre. J’exige de chacun qu’il soit le meilleur, le plus beau, qu’il rayonne. Tu es là, je suis là, putain, c’est magnifique. Le milieu familial me prépare à ce jeu, mais j’avoue, le rugby me foudroie dans son plus bel angle. La compétition me plaît. La feinte de passe me séduit. Le saut en fond de touche… Aussi. L’emplâtre de face, quand ça se justifie, pourquoi pas, j’y trouve du plaisir. Mais mon pôle moteur, c’est la troupe, la bande.

Mais vous sortez assez tôt de cette bande de joueurs car vous stoppez le rugby à 28 ans à peine.

Oui, et j’arrêterai d’entraîner à 43 ans. Si je raccroche à 28 ans, ce n’est pas par hasard. À un certain moment, je ternis mon efficience physique. Ce n’est pas que je sois moins bon, mais je n’ai plus le même plaisir du jeu. J’ai commencé à jouer en équipe première avec le RCT à 16-17 ans. Je perds l’appétit et je ne veux pas considérer que ma passion est un cimetière. Que je m’y enferme à m’y stériliser, à y mourir. Je joue dix ans au plus haut niveau et je me distancie de la pratique. Je n’en nourris aucune aigreur. Je me suis même régalé. J’emmagasine des trucs qui me feront du bien pour mon destin. Ce socle me permit de passer une belle jeunesse, il m’équipe pour la suite. Il me castre aussi. Il faut que je voyage pour trouver cette dimension de liberté qui me manque. Alors je pars. J’écris plus tard un bouquin appelé « L’éloge de la bougeotte », un livre pour donner le goût de vivre.

Quel fut votre premier grand voyage ?

Celui que je fais au lendemain de la finale perdue par Toulon en 1968, à 20 ans.

Finale que vous n’avez pas jouée.

Oui. La raison légitime est liée à une époque pleine de turbulences. Je me sens Che Guevariste, proche du leader cubain Che Guevara mort en 1967. Si je n’occupe ni le pavé ni la plage, je suis en pleine effervescence. À 20 ans à peine, je suis titulaire en seizième, en huitième aussi mais pas en quart. « Mai 68 » a déjà commencé, je m’entraîne moins. À l’époque, deux trois séances sont programmées par semaine, je gagne la misère. On joue tous avec nos états naturels, servis par nos générations de parents. Nous sommes « nature ». À la différence ces joueurs de rugby d’aujourd’hui, fruits d’une transformation de A à Z, devenus « culture ». Regarde ce qui se passe après trois mois de confinement, leur reconstruction physique est difficile. Les effets de cet arrêt sont colossaux. Joueur, je pesais 80 kg et je pouvais m’arrêter vingt fois trois mois par saison et reprendre comme s’il ne s’était rien passé.

Donc, cette phase finale.

Je joue la demie au tout début du mois de mai. On doit estimer que malgré le fait que le capitaine entraîneur du RCT est mon frère André, j’ai assez de qualités pour être titulaire. Pendant les événements, je m’entraîne peu. Je suis à Marseille pour mes études et ça pétarade pas mal. Mon esprit se vrille. La finale a lieu six semaines après la demie, une éternité et je ne la joue pas. Je n’en prends pas ombrage même si je vis une souffrance intérieure.

En avez-vous voulu à votre frère ?

Non.

Il faisait quand même l’équipe ?

Pas tout à fait. Il y a une commission sportive de toute petite compétence. André a le pouvoir. Donc, je ne joue pas cette finale que Toulon perd. Ce n’est pas un choc émotionnel, au contraire de la fin des événements de mai. Je suis contrarié. J’avais fait une bonne saison et démontré une fraîcheur technique correcte. André propose une équipe dans laquelle je ne suis pas.

Et alors…

Trois jours après, je pars en voyage, à l’aventure. Elle durera six mois. Direction l’Amérique latine, sur les traces du Che. Il vient de mourir en Bolivie. Je regarde une carte. J’ai du mal à repérer la frontière entre le Pérou, l’Argentine et la Bolivie. Avec mon meilleur ami, Jean-Paul Euzet, et quelques sous en poche récupérés derrière l’église. Nous prenons un bateau à Gênes pour l’Argentine. J’ai aussi envie d’aller voir les Incas. 1968, c’est la période d’une grande rupture, le début des charters pour Katmandou ou les hippies s’en vont tirer en abondance sur le chichon.

Le Che avait joué au rugby.

Oui, un peu, à Rosario, en Argentine. Il fut aussi journaliste sportif. Le bateau, un des derniers transatlantiques, s’appelle l’Augustus, ça me va bien. Je pars avec l’idée que la blessure liée à ma non-titularisation pour la finale est là mais elle n’est pas cicatrisante, en ce sens qu’elle ne laissera pas de cicatrice. Ce match, c’est un événement dans ma vie. Je vois que cette époque-là est confuse : mon frère est mon entraîneur, je suis le seul étudiant de l’équipe, en éducation physique certes, pas en physique quantique. J’ai quatre ronds en poche et ma liberté pour moi. Je suis culbuté par une passion et personne ne va à l’époque en Amérique latine.

Non cicatrisante, donc.

La cicatrice est une marque historique, elle vaut mieux que l’amputation ou la castration, elle se voit.

On imagine que ce voyage ouvre un champ des possibles.

Je ressens la bouffée, je ne conceptualise pas pourquoi ce voyage me régale, mais il me régale. Je suis en Patagonie et j’y rencontre des fachos venus d’Allemagne en 1945, des communistes boliviens aussi qui risquent leur vie. Je suis un errant léger et rien ne peut m’arriver. Je rentre au bout de six mois.

Avec l’idée de reprendre le rugby.

Non. Je ne veux pas rejouer au rugby. Je laisse passer du temps. Il n’y a pas le feu. Je dois digérer tout ce que j’ai rangé dans mon magasin. Je suis friand des retours. J’aime raconter cette histoire comme je le fais devant toi aujourd’hui, pas par bouffonnerie. L’histoire est une aventure et pas une fin en soi… Je digère lentement et ce n’est que trois mois après mon retour en France que je reprends le chemin de l’entraînement. Préparant le professorat d’activité sportive, je ne suis pas dans une forme misérable. Je redeviens titulaire. L’année suivante je le suis aussi lors de la finale de 1971 contre Béziers.

Arrêtons-nous à cette finale de 1971. N’a-t-elle pas décidé de beaucoup de choses ?

Elle est le point final d’une ascension plutôt belle et elle sera tragique.

S’il n’y a pas eu de mort elle a été le théâtre de l’élimination de votre frère, André.

C’est une interprétation. Le parcours est celui d’une équipe peu habituée aux finales, comme Béziers, d’ailleurs. C’est une belle troupe, elle est mature, avec des grands anciens, plus brillants les uns que les autres. Toulonnais comme Biterrois ne savent pas se faire trois passes. En fait, ils savent mais n’osent pas. Ce match est restrictif, avec l’âpreté comme loi plus que la fantaisie. Il y a des brigands dans les deux équipes, de culture et de nature guerrière, se plaisant dans la sévérité et parfois dans la méchanceté.

Et il y eut la blessure de votre frère.

Il sort à la 35e minute touché aux côtes. La blessure est grave, je pleure en l’accompagnant vers la touche. Je sais qu’il y a vilenie, attentat. Personne n’a vu le coup de pied et encore moins le coupable de ce geste. André est capitaine et entraîneur, c’est la personne unique de notre équipe. On peut penser que l’acte est délibéré. Il n’y a pas de remplaçant. Herrero blessé, c’est suspect. Je sens les Biterrois inquiets. Ils pensent peut-être que pour venger cet acte délibéré le match va se terminer dans le sang. Alors naturellement, notre équipe doit riposter dans la minute suivante, mais il ne se passe rien, aucun comportement historique ne se produit, même pas l’authentique, respectable et suspecte morale de l’œil pour œil, dent pour dent. Cela génère un drame interne qui fait exploser le club à l’intersaison, poussant dix joueurs, dont André et moi, à rejoindre Nice. Cette saignée, Toulon en ressentira les effets pendant vingt ans.

Si Toulon avait battu Béziers, l’hégémonie de l’ASB qui dura une quinzaine d’années n’aurait peut-être pas existé.

Béziers a la jeunesse, le RCT est buriné, enthousiaste, riche d’expériences. Il a la jovialité des adolescents régressifs. La crise impactera une bonne trentaine de personnes hautement compétentes, un groupe est dissous, des clans se formeront. Tout ça entraînera les effets mortifères d’une guerre. Avec à la clé une perte de confiance, une déperdition de compétences, fruits d’un travail et d’une histoire commune. Ce qui ne sera pas le cas quand j’arrêterai d’entraîner le RCT. Je suis plein de joie d’avoir donné à une vingtaine de joueurs l’envie de devenir éducateur d’un bon ou très bon niveau : Manu Diaz, Yvan Roux, Marco Pujolle, mon frère Bernard, Yan Braendlin, Gilbert Doucet, Pierre Trémouille, Pascal Jehl, Eric Dasalmartini et d’autres. Éric Champ et Jérôme Gallion deviendront présidents du club.

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Les commentaires (1)
STaddict Il y a 3 années Le 01/07/2020 à 15:11

Herrero est un immense Monsieur
Mais il s’écoute trop parler et son discours est incompréhensible... Ce n’est pas une question d’âge j’ai le même... c’est cet espèce de nombrilisme que l’on acquiert devant une glace quand on est trop adulé en tant qu’intellectuel du rugby...