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Un jour, un métier : Savy, son oeuvre

Par Nicolas ZANARDI
  • Ici sous les couleurs de Grenoble, Cyril Savy a fait sa renommée à la grâce d’un pied gauche longue portée, qui lui permit de disputer deux finales au Parc avant se stopper brutalement sa carrière rugbystique.
    Ici sous les couleurs de Grenoble, Cyril Savy a fait sa renommée à la grâce d’un pied gauche longue portée, qui lui permit de disputer deux finales au Parc avant se stopper brutalement sa carrière rugbystique. DR
  • Cyril SAVY Cyril SAVY
    Cyril SAVY
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Double finaliste du championnat de France dans les années 90 sous les couleurs de Grenoble et Castres, celui qui fut "l’inventeur" du tee disparut brutalement des projecteurs en prenant sa retraite sportive à 28 ans, pour mieux se consacrer à sa carrière de pharmacien. Une décision douloureuse qui l’amène aujourd’hui à occuper une poste à haute responsabilité chez Sanofi, en tant que responsable diabète dans les pays émergents. Midi Olympique consacre une série à ces joueurs dont la deuxième carrière professionnelle les a emmenés aujourd’hui loin de l’univers du rugby qu’ils ont connu…

C’est une belle histoire, de celles dont le rugby s’est toujours fait fort de s’en enorgueillir. Celle d’un petit gars du fond de l’Aveyron qui occupe désormais un poste à haute responsabilité chez un des leaders mondiaux de l’industrie pharmaceutique, en partie en raison de son petit talent dans le maniement du ballon ovale… "Le fait de jouer au rugby m’a ouvert des portes, c’est sûr, sourit Cyril Savy. Quand j’étais étudiant à Grenoble, je recevais des offres d’emploi alors que le souci des autres étudiants, c’était d’envoyer des CV pour trouver des stages…" Et le responsable du diabète des pays émergents chez Sanofi d’ouvrir la boîte à souvenirs… "J’ai commencé le rugby dans le petit club de La Primaube, qui est désormais en association avec Cassagne et réussit le petit miracle de se maintenir depuis quelques saisons en Fédérale 2 sous le nom de l’entente Levézou-Ségala. Je tiens d’ailleurs à les saluer, car ce qu’ils font, c’est très fort pour de si petits villages perdus au fin fond de l’Aveyron ! Mais quand j’étais petit, c’était une structure encore plus petite… J’ai fait toute mon école de rugby là-bas et lorsque j’étais junior, je jouais le samedi avec les copains, et le dimanche avec l’équipe première qui évoluait en quatrième série. Puis j’ai fait le grand saut et je suis parti directement à Rodez, en Première Division. C’est dingue, quand j’y repense ! Pour cela, je dois beaucoup à deux messieurs. L’un s’appelle Jean-Jacques Bisan, ancien CTD de l’Aveyron. L’autre est malheureusement décédé d’un cancer l’année dernière et s’appelait François Lanteri. On ne progresse pas tout seul..."

Hommage légitime, puisque ce grand écart sportif devait rapidement en appeler un autre… "J’effectuais mes études de pharmacie à Montpellier tout en jouant à Rodez, et j’étais également international universitaire. C’est là que j’ai été repéré par Jean Liénard et Michel Ringeval. Le FCG m’a proposé de continuer mes études à Grenoble, ça facilitait les choses…"

De la lumière des stades à l’ombre du métro

En Isère ? L’arrière au pied gauche longue portée disputa trois saisons dont la deuxième fut conclue par la finale que l’on sait, en 1993. Un crève-cœur et la fin de certaines illusions de jeunesse pour Cyril Savy qui, quittant Grenoble un an plus tard, s’en retrouva à rejoindre… Castres. Masochisme ou syndrome de Stockholm ? Ni l’un, ni l’autre… "On était dans la transition entre l’amateurisme et le professionnalisme, et comme je travaillais dans l’industrie pharmaceutique, Pierre-Yves Revol m’avait proposé de rejoindre le groupe Pierre-Fabre. Mais quand est arrivé le professionnalisme et que le club a souhaité procéder à ses entraînements en journée, je n’ai pas trouvé de compromis acceptable avec le président. Au même moment, j’ai été contacté par un chasseur de têtes et j’ai décidé de changer de vie, en arrêtant le rugby et en montant à Paris. Quand j’ai quitté Castres pour le métro parisien, cela a été pour moi un passage de la lumière à l’ombre du métro. En une semaine, la métaphore rejoignait la réalité. En termes de transition, c’était violent." D’autant que celle-ci advenait, à 27 ans à peine, probablement au faîte de sa carrière… Trop tôt ? Peut-être… "J’ai travaillé pour les laboratoires Roussel jusqu’à ce qu’un jour, des copains de Grenoble dont Fabrice Landreau m’appellent pour aller jouer au Racing. Mais là-bas, je n’ai fait que quelques matchs. Un soir à l’entraînement, je me suis gravement blessé : rupture des croisés, du ligament latéral interne au ménisque… La totale. C’est là que j’ai décidé de tout arrêter, définitivement." 

Toutes les valeurs du rugby ne sont pas transposables à l’entreprise. C’est une erreur que commettent beaucoup de managers…

Pour se consacrer pleinement à une carrière professionnelle des plus riches et épanouissantes. "Au gré des fusions de mon entreprise, je me suis retrouvé à travailler pour Sanofi. Désormais, je m’occupe de la stratégie commerciale de l’entreprise au sujet du diabète dans les pays émergents. Il faut savoir que les changements d’habitude liés à la croissance économique ont généré un vrai problème sanitaire. Le cœur de mon métier, c’est de trouver des solutions pour mieux soigner cette maladie là-bas." D’où une vie professionnelle bien remplie, qui le fait voyager une semaine par mois en Amérique du Sud, Afrique, Moyen-Orient, Russie, Turquie, Inde, Chine, et dans tout le Sud-Est asiatique… Bien plus encore qu’un joueur de rugby professionnel, au final… "Je ne sais pas si on peut parler de reconversion en ce qui me concerne, réfléchit Cyril Savy. C’est surtout que j’étais à la croisée des chemins entre professionnalisme et amateurisme et qu’entre deux métiers, j’ai dû en choisir un. Je sais que je suis un privilégié d’avoir connu le rugby de haut niveau, car ça m’a forgé le caractère dans l’optique de ma vie professionnelle. Mais attention : toutes les valeurs du sport ne sont pas transposables… C’est une erreur que commettent beaucoup de managers, qui veulent trouver des passerelles entre le rugby et l’entreprise sauf qu’il y a une différence fondamentale. Au rugby, on met son intégrité physique en danger pour un collectif. Dans la vie professionnelle, ce n’est pas le cas…"

Géométrie du tir au but

Mais cette belle réussite permet-elle aujourd’hui de minimiser la déception que causa la petite mort du sportif, à 28 ans seulement ? Sans doute pas, pour être franc. Lui-même l’avoue : "longtemps, je n’ai pas pu regarder les matchs à la télé. Me dire que j’aurais encore pu en être, c’était trop dur…" Il faudrait en effet être bien peu attentif pour ne pas déceler dans la voix de Cyril Savy une intense émotion au moment de se replonger dans ses souvenirs, et plus encore une vraie passion au moment d’évoquer le rôle du buteur, dont il fut un des précurseurs. L’un des premiers, à notre mémoire, à joindre à sa routine un petit geste caractéristique, à savoir un petit haussement du genou au moment de se lancer dans sa course d’élan, sur lequel il lève le voile, un quart de siècle plus tard. "Cette routine, je l’ai imaginée à Castres, s’amuse-t-il. J’étais arrivé là-bas pour jouer arrière, l’année où Francis Rui devait arrêter de jouer, tandis que Laurent Labit devait passer à l’ouverture. Mais Francis est sorti de sa retraite, et je me suis retrouvé sur le banc car si j’étais un bon buteur de loin, par rapport à Laurent Labit j’étais moins précis de près. J’ai alors travaillé pour devenir un buteur plus fiable et régulier."

Le scientifique n’étant jamais bien loin… "Avant, comme tous les buteurs, je tapais à l’instinct. J’ai donc réfléchi à une véritable géométrie du coup de pied, de façon se présenter toujours sur le même angle, avec une distance préprogrammée entre chaque pas, sur le même rythme, pour être capable de répéter exactement la même frappe." Un travail sur lui-même dont la genèse remonte à une soirée d’échec, lors de la finale 1993 au Parc des Princes. "Au Parc des Princes, vous tombez sur un mur de spectateurs dont il se dégage une énergie qu’il faut dominer. Or, en regardant les vidéos, je me suis rendu compte que je l’avais inconsciemment subie. Au moment de frapper, tout mon corps partait vers l’arrière, au lieu de pencher vers l’avant pour dominer le ballon. Alors, j’ai eu cette idée de lever le genou au début de ma course d’élan, pour me forcer à dominer le ballon. Plus tard, Wilkinson a eu ce geste de se joindre les mains dans la position du golfeur pour se pencher vers l’avant. C’était une solution différente, mais je sais que ça participait à la même forme de réflexion." Quand on vous disait que la passion ne s’éteint jamais…

Digest

  • Né le 11 juillet 1968
  • Poste : Arrière
  • Clubs successifs : La Primaube/Cassagne (1975-1986), Rodez (1986-1991), Grenoble (1991-1994), Castres (1994-1997), Racing Club de France (1998-1999).
  • Palmarès : vice-champion de France (1993, 1995) ; champion du monde universitaire (1992)

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