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Soulette : « Béziers n’est pas une ville comme les autres »

  • Né et formé à Béziers, Cédric Soulette a connu 13 sélections et une Coupe du monde avec le XV de France
    Né et formé à Béziers, Cédric Soulette a connu 13 sélections et une Coupe du monde avec le XV de France PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Ex-pilier du XV de France, de Béziers et Toulouse il revient longuement sur de nombreux aspects de sa carrière, comme la Coupe du monde 1999, ou son surnom « Stan » aux origines surprenantes. Il revient également sur sa reconversion, son entreprise le lien qu’il conserve avec les joueurs du Stade toulousain, et le staff de l’équipe de France. Enfin, il porte un œil avisé sur la reprise de Béziers, son club formateur.

Commençons par connaître le pourquoi du comment de votre surnom « Stan ». D’où vous vient ce sobriquet ? On a du mal à comprendre avec votre prénom et votre nom ?

Cela n’a rien à voir en effet. En fait, quand j’avais 18 ans, durant mes débuts à Béziers avec les seniors, mes copains se foutaient de moi parce qu’ils trouvaient que je ressemblais à un acteur de films pour adultes, Piotr Stanislas surnommé Stan, et ça m’est resté. Aujourd’hui encore pas mal de mes amis m’appellent Stan, et ma société qui commercialise des sculptures créatives de coqs se nomme Stan’Art.

Comment s’est passée la phase de confinement dûe à la crise du coronavirus ?

Il y a trois ans je me suis installé dans un petit village du Tarn-et-Garonne, à Nègrepelisse, car j’avais envie de couper avec la boulimie de la ville. J’aspirais à plus de sérénité, de tranquillité. En fait, je me suis confiné volontairement depuis cette époque, donc cette période n’a pas été un bouleversement personnel. C’est un véritable désir profond de me tenir éloigné des foules, du coup globalement, il n’y a pas eu de changement dans mon quotidien.

On a appris durant le dernier Tournoi des 6 Nations, que vos créations étaient devenus un trophée pour les joueurs du XV de France. Comment cela s’est-il passé ?

Quand Fabien Galthié m’a appelé pour cette démarche, cela a été une grande surprise, même si j’ai déjà produit ce genre de prestation pour quelques marques comme avec Pernod Ricard, où les trophées Gédimat récompensant les plus beaux essais. Fabien m’interpelle donc, car la fédération m’en avait commandé il y a quelque temps, une centaine en miniature, que les dirigeants offraient à d’autres étrangers lors des matchs avec les Bleus, et m’annonce qu’il en a remis un au meilleur joueur élu par ses pairs et le staff du XV de France lors de son premier match. Il veut pérenniser l’opération et me demande d’en fabriquer et de revenir en remettre après leur série des trois premiers matchs des Bleus.

Et alors ?

J’étais super honoré, d’autant plus qu’il me demande d’y effectuer une intervention sur mon ressenti avec l’équipe de France. Il m’a briefé un peu, car il sait, qu’avec moi, des fois je pars dans tous les sens. Et je me retrouve donc au CNR pour remettre son coq à Grégory Alldritt. J’ai passé un moment exceptionnel, c’était bouleversant. Les garçons m’ont superbement accueilli, ont été à l’écoute de ce que j’avais à leur dire. J’ai livré mes sentiments les plus profonds, et j’ai eu un retour formidable de leur part.

Né et formé à Béziers, Cédric Soulette a connu 13 sélections et une Coupe du monde avec le XV de France
Né et formé à Béziers, Cédric Soulette a connu 13 sélections et une Coupe du monde avec le XV de France

Vous voilà reparti pour un nouveau bail avec les Bleus… Cela devrait s’inscrire dans le temps… Jusqu’à quand ?

On verra.

Aviez-vous gardé contact avec Raphaël Ibanez et Fabien Galthié, vos coéquipiers en 1999 en équipe de France avec laquelle vous allez jusqu’en finale de la Coupe du monde ?

Comme avec beaucoup de joueurs, de par leur activité, leur responsabilité, on ne s’appelle pas tous les jours, mais je vois ou j’ai au téléphone Raphaël régulièrement, et cela me fait toujours plaisir de croiser Fabien à l’occasion. Nous sommes une sorte de vieux couples avec le groupe 99, des copains du ballon. Nous avons tous des vies différentes, mais on se doit de créer le prétexte pour se revoir. C’était très bien que Midol pour ses Oscars annuels provoque la rencontre du plus grand nombre. Il faut le refaire, nous avons été égoïstes quelque peu, et avons manqué d’imagination pour nous retrouver.

Un groupe qui est allé en finale malgré de vrais antagonismes entre vous ?

Des garçons qui sont aussi dans mon cœur à jamais, comme Fabien Pelous, Olivier Brouzet, Franck Tournaire que j’ai eu en visio hier, ou même Marc De Rougemont avec qui j’ai déjeuné à Bandol avant-hier, « Cali » qui m’a appelé il y a cinq six jours… On s’aimait vraiment. Il faut arriver à se revoir collectivement. Personellement, souvent, je ne suis pas à la hauteur, car le téléphone n’est pas mon meilleur ami. Je ne revendique rien, mais j’aime ces mecs, on a passé des moments incroyables.

Christophe Dominici est porteur d’un projet ambitieux de reprise de Béziers, votre club formateur. Comment jugez-vous cette démarche ?

Je ne le juge pas. Je remarque qu’il a impulsé une dynamique et c’est très bien. Le club s’était endormi, doucement par des résultats peu épanouissants, dans le milieu du tableau de Pro D2. Il glissait lentement mais sûrement vers les bas-fonds, donc lui faire relever la tête c’est très bien. Mais il y a quelque chose qui m’a dérangé, ce sont les critiques acerbes qu’il y avait concernant les dirigeants actuels. Je n’ai pas d’affection particulière pour eux, mais ils ne méritaient pas cela. De pseudo-supporters ont eu des discours passionnels blessants alors qu’ils ne connaissaient pas tous les tenants et les aboutissants du dossier. Certains ont perdu rapidement la mémoire, vont trop vite pour faire des réseaux. Chacun doit rester à sa place.

Un des enseignements, de cette histoire et de la possible passation de pouvoir, c’est que l’ASBH suscite toujours un gros engouement, qu’il suffit d’une étincelle pure faire repartir la passion ?

Je n’en doutais pas, j’en suis convaincu. Le peuple biterrois est viscéralement rugby et vibre pour ce club ! J’ai joué neuf ans en équipe de première, j’ai fait mon école de rugby à l’ASBH, Béziers, c’est rugby ! Ce que je voulais dire, c’est qu’il ne faut pas mordre la main de celui qui t’a nourri ! Ni avoir la mémoire courte. Quand je suis parti de Béziers, au moment le plus important de ma carrière, parce que je mutais pour Toulouse, quelques semaines avant la Coupe du monde 1999, le club s’est retourné contre moi, avec un avenant non signé, tant et si bien que je me suis retrouvé six mois sans être payé. Je n’ai rien dit. Et pourtant quand six mois après, pour le match en équipe de France durant le Mondial face au Canada, une poignée de supporters me prennent à partie et me sifflent. Ils m’ont privé d’un retour serein chez moi. Au fond, et j’ai beau eu dire qu’ils ne m’avaient pas touché, ce n’était pas vrai. Cette bêtise m’a profondément meurtri. C’est pour ça que ces dernières semaines, quand j’ai observé certaines réactions, j’ai été choqué. Quand tu es juste dans la passion, tu deviens excessif. Après sur le projet Dominici, je ne le connais pas, mais les discussions entre les deux parties doivent se faire dans la sérénité. « Domi » est légitime mais le dialogue doit se faire en étant exemplaire, ne pas donner l’impression d’un discours de voyou. C’est contre-productif.

Quelle est la place de l’ASBH, le Top 14 ou la Pro D2 ?

Cela dépend comment on raisonne. Si on doit répondre d’un point de vue purement économique, Béziers peut difficilement défendre sa place en Top 14. Mais dans un autre contexte économique, avec un mécène, l’ASBH a les structures, l’engouement pour jouer les premiers rôles en Top 14. Et le projet Dominici permet d’y rêver, d’imaginer de nouveau une grande équipe capable d’atteindre des sommets, seulement dans ce programme, je ne voudrais pas que les jeunes joueurs soient les grands oubliés.

Ce projet permet de parler de Béziers autrement que comme une ville dirigée par un maire d’extrême droite ?

C’est vrai, que l’arrivée de Robert Ménard ne s’est pas faite de manière classique. Mais Béziers n’est pas une ville comme les autres. C’est une cité qui aime la corrida, passionnée, débordante. À Béziers tu es bloqué par la mer presque, tu ne peux pas aller plus bas, si tu files plein Sud… Le peuple biterrois est formidable, plein de vie. Tu n’es pas chez des gens aseptisés ! Et tant mieux ! Je n’ai pas l’impression que les Biterrois se plaignent du maire actuel. Ce ne sont pas mes convictions politiques, mais il a été réélu facilement. Il n’y a pas d’émeutes dans cette ville, le cœur de la cité se porte plutôt bien. Les tensions s’amenuisent… Je ne suis qu’un ex-sportif qui souhaite le bien de l’ASB, mais avec calme et sérénité.

Il s’est aussi pas mal investi pour que les deux parties s’entendent sur la reprise du club, et a poussé derrière Christophe Dominici. C’est positif ?

Je ne sais pas si ça l’est ! On verra en fonction des résultats. Ce qui est positif, c’est qu’il y a une dynamique qui se met en place, mais rien n’a démarré encore… On jugera sur pièce…

Quel regard portez-vous sur le renouveau du Stade toulousain, votre deuxième club ?

Je suis toujours aussi bien accueilli dans ce club. Le président Didier Lacroix, s’est appuyé sur les anciens joueurs. L’histoire du club est bien relayée, je ne vais pas dire exemplaire, mais le mélange des générations est réellement effectif. Il y a de très nombreux rendez-vous pour que joueurs actuels et anciens se rencontre. La transmission n’est pas un vain mot. La politique de Toulouse a souvent une ou deux longueurs d’avance. Didier et ses équipes ont effectué un très, très bon boulot. Ce n’est pas évident de ménager tout le monde et d’arriver à avoir une équipe première performante. Mais même pendant la période du Covid, il y avait des échanges de mails, de l’entraide. De l’humain quoi !

Consommez-vous encore du rugby à la télé ?

Oui, à mon grand étonnement. Bon, l’offre télévisuelle est pléthorique, mais oui durant le week-end, je regarde au moins une rencontre, parfois, je l’enregistre et je regarde en accéléré, durant trente minutes. Mais oui, très clairement je garde contact avec le rugby. D’ailleurs à la rentrée, pour la première fois de mon existence, je vais exercer, partager de mon temps avec les joueurs de Nègrepelisse. Je vais donner un coup de main à ce club de Fédérale 2, sur la mêlée. Gracieusement, avec des purs amateurs. Je suis tout excité par cette mission qui sera une grande première.

Né et formé à Béziers, Cédric Soulette a connu 13 sélections et une Coupe du monde avec le XV de France
Né et formé à Béziers, Cédric Soulette a connu 13 sélections et une Coupe du monde avec le XV de France PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport

De l’équipe de France de 1999, beaucoup sont devenus entraîneurs, Galthié ou Ibanez, mais aussi Marc et Thomas Lièvremont, Emile Ntamack un temps, Marc Dal Maso…

Pour Pour Raphaël Ibanez c’était écrit. C’est un garçon réfléchi, un grand angoissé qui veut toujours bien faire, généralement il sait se faire comprendre par tout le monde. Il a toujours mis beaucoup d’application dans ses missions. Ce rôle de manager des Bleus, lui va comme un gant. C’est un grand pédagogue qui a toujours un discours adapté à son auditoire. C’est un garçon apaisant. Fabien, ses compétences rugbystiques ne sont plus à démontrer comme Marc Lièvremont et les autres. J’ai été surpris par le parcours de Dal Maso, qui est un besogneux dans le bon sens du terme. C’était un taiseux, un homme généreux mais qui avait beaucoup de pudeur. Compétiteur, il a toujours su où il voulait aller et a su se protéger des paillettes. Maintenant dans son aspect technique, je le vois faire mouche, son approche sur le travail en mêlée fermée mérite le respect.

Comment faisiez-vous les premières lignes en 1999, notamment vous et Franck Tournaire, les titulaires au poste de pilier face à une concurrence exacerbée pour ne pas dire plus entre Raphaël Ibanez et Marc Dal maso, vos talonneurs ?

Il ne fallait surtout pas choisir son camp et personnellement, j’étais juste content d’être là. Pas question de me focaliser sur l’orgueil mal placé ou pas des hommes. Le reste c’était leurs conneries à tous les deux un peu comme Marconnet et Califano. Je n’ai pas souffert de tout cela. Je me refusais de prendre parti. Après, je me souviens d’une fois avec Pieter de Villiers, que j’aime énormément, avec qui je passais pas mal de temps en chambre, et un jour il m’a collé des réflexions sur le fait que Cali, Tournaire et Dal Maso étaient solidaires et que je faisais parti de leur clan. Il s’était monté le bourrichon. Je lui avais rétorqué que non, et qu’il ne fallait surtout pas raisonner comme cela, que je m’en foutais de tout cela, que c’était inapproprié. C’est le seul exemple que j’ai, sur une pollution dans nos rapports entre tous. Après, je vois bien de quoi vous voulez parler, je n’étais pas aveugle, mais Raph et Marc étaient des adultes et faisaient la part des choses. J’ai pu être appelé pendant trois ans avec les Bleus et à chaque fois, j’étais immensément fier et j’ai voulu en profiter jusqu’au bout.

Avez-vous conservé vos maillots ?

Franchement oui, tous. Et puis j’ai celui des Blacks de la demi-finale, qui me suit partout, il est rangé dans une armoire. Bien plié. Il me suit partout même si je ne le porte jamais. Il est là, pas loin de moi.

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