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Le jour où Atonio a failli tout arrêter

  • Après une année difficile sur le plan personnel, avec notamment une opération des cervicales, Uini Atonio veut retrouver son niveau et aider La Rochelle à gagner un titre. Photo Icon Sport
    Après une année difficile sur le plan personnel, avec notamment une opération des cervicales, Uini Atonio veut retrouver son niveau et aider La Rochelle à gagner un titre. Photo Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Opéré du rachis cervical il y a dix mois, l’international avait repoussé l’appel du XV de France pour remplacer Bamba en pleine Coupe du monde, et pris une décision cruciale pour la suite de sa carrière. Avec le sourire qui le caractérise, il revient sur cette année particulière.

Est-ce que cela fait du bien de retoucher un ballon ?

Bien sûr, surtout après ce long confinement. Mais au-delà de toucher le ballon, ce sont l’entraînement avec les autres et l’ambiance au stade qui me manquaient le plus. Retrouver les copains fait du bien.

D’autant que vous êtes réputé très jovial…

Oui, et les relations avec mes partenaires n’étaient plus là. Mais j’ai eu un enfant au début du confinement, ce qui m’a quand même bien occupé. Bon, ce n’est pas pareil. On a l’habitude de partir de la maison le matin, de boire le café au stade en arrivant et de passer la journée avec les potes avant de rentrer vers 17 heures, ça crée une routine. Quand ça s’arrête, c’est bizarre. J’étais bien avec ma famille mais je fais la même chose tous les jours depuis dix ans… Ce petit café avant l’entraînement avec les coéquipiers durant lequel on rigole toujours, il me manquait vraiment !

Vous faisiez donc vos blagues à votre famille ?

Exactement (sourires). Surtout à mon fils !

On suppose que l’accouchement a été particulier…

Oui, j’ai eu une petite fille le 19 mars mais je ne pouvais pas être présent à l’hôpital et je n’ai pas pu assister à l’accouchement. C’était ch… Je ne l’ai vue que quatre jours plus tard. Mais elle va très bien aujourd’hui.

Comment vous êtes-vous entretenu physiquement ?

Cela a été dur, surtout pour moi qui ai besoin d’être avec du monde dans ces moments-là. Même pour une séance de vélo par exemple, c’est plus facile quand j’ai quelqu’un devant ou à côté. Tout seul, même si on avait du matériel du club, l’envie était là mais ce n’était pas simple de trouver la motivation. On n’avait pas de date de reprise. Personnellement, ce fut un peu délicat.

Avez-vous réussi à vous maintenir en forme ?

À partir du moment où on a commencé à avoir des dates de reprise, c’était mieux. En gros, on te dit : "Tu as deux semaines pour être en forme." Donc tu te rajoutes quelques petits entraînements individuels pour ne pas arriver ridicule !

La frustration fut d’autant plus grande que vous n’étiez revenu de blessure que début janvier, après trois mois d’arrêt et une opération des cervicales…

J’ai dû faire dix ou onze matchs cette saison. C’est, je pense, celle où j’ai le moins joué depuis le début de ma carrière. Mais je crois que cela va me faire du bien pour la suite. En tout cas, je l’espère.

Ce retour en janvier avait-il été une libération ?

Oui et non. Parce que je ressentais une sorte de peur. Quand tu te fais opérer du rachis cervical, tu commences à te poser des questions : "Putain, je ne sais pas si ça va le faire pour la mêlée." Beaucoup de piliers ont connu ce genre d’opérations mais, si tu reviens à 90 % et non à 100 %, à la première mêlée, le mec d’en face te fait décoller. Sur le rythme, c’était dur aussi et, forcément, tu redescends en bas de la hiérarchie. Il fallait essayer de regagner ma place. Dans l’ensemble, ce n’était pas si mal, même si on a pris cette branlée au Racing (défaite 49-0)

C’était votre dernier match de la saison, à l’arrivée…

Oui, et ce n’était pas la meilleure façon de la finir ! Il me semble que nous étions troisièmes avant ce match et on a donc terminé cinquièmes. Mais avec cinquante points dans le panier. Ce n’était pas très marrant, on aurait préféré arrêter autrement.

Votre absence des terrains fut-elle le moment le plus dur de votre carrière ?

Par nature, je ne suis pas quelqu’un de négatif. Mais quand tu ne t’entraînes plus avec le groupe et que tu fais tes trucs tout seul de ton côté… Là, c’était difficile pour moi. Mais dire que c’est le moment le plus dur de ma carrière, je n’irais pas jusque-là.

Avez-vous douté à certains instants ?

Pas vraiment douté mais, avant l’intervention, j’avais ce choix : soit je me faisais opérer et je rejouais, soit je ne me faisais pas opérer et… Voilà quoi.

Et c’est fini ?

C’est ça. Enfin, il reste deux solutions : soit tu arrêtes, soit tu quittes la France puisque tu n’as plus le droit d’y jouer. Là, je me suis dit : "Je ne sais pas mais il va peut-être falloir que je me casse." Bon, il me restait trois ans de contrat et je ne voulais pas partir sur une mauvaise note.

Avez-vous eu peur de ne plus rejouer au rugby ?

Franchement, j’ai hésité. Mais je pense être encore jeune pour un joueur de mon poste. Si la même chose m’arrivait dans deux ou trois ans, j’y réfléchirais plus sérieusement, pour savoir si je tente l’opération ou si j’arrête.

Aujourd’hui, comment vont vos cervicales ?

Nickel ! Je suis tout neuf.

Cette blessure vous a aussi privé de Coupe du monde car vous auriez dû être appelé après le forfait de Demba Bamba sur place…

Sincèrement, je n’étais pas trop concentré là-dessus. Je n’avais pas fait le Tournoi précédent et, dans mon esprit, c’était : "Tu continues à jouer en club, tu fais de ton mieux et si tu es rappelé un jour, ce sera une bonne nouvelle." Du coup, je crois qu’il y a eu deux blessures à droite… Mais je n’étais même pas prêt pour y aller de toute façon. Dans ma tête, ce n’était pas mon but. Quand le groupe a été annoncé, je n’y figurais pas et c’est difficile d’être appelé en pleine Coupe du monde, d’y aller et de jouer. Attention, cela pouvait évidemment être une très belle expérience. Mais c’est mal tombé pour moi, surtout avec cette opération.

Vous aviez été appelé avant qu’on apprenne, quelques heures plus tard, que vous deviez être opéré…

C’était bizarre car je n’étais pas au top. Je sortais d’un match à Bayonne qui avait été mitigé, avec une première mi-temps intéressante avant qu’on se fasse rouler dessus durant la seconde. Je ne pouvais partir dans ces conditions, c’est du moins ce que je crois. Quand j’ai été appelé, j’étais à la fois surpris et content. Mais je savais que… (Il coupe) Je ne pouvais pas répondre sur le moment si j’étais en mesure d’y aller. Mais il fallait dire oui ou non.

Vous ne le vivez pas comme un regret ?

Ça reste tout de même un regret, si. Dès lors que tu es appelé en équipe de France et que tu ne peux pas y aller, c’est forcément un regret. Mais, n’ayant pas été retenu lors des échéances d’avant, j’avais senti que j’avais reculé en quatrième ou cinquième position dans la hiérarchie. C’est comme ça, les jeunes jouent de mieux en mieux et il faut savoir l’accepter. On ne peut pas tous avoir deux cents sélections chez les Bleus, j’en suis conscient !

Aviez-vous toutefois regardé la Coupe du monde ?

Bien sûr ! Ce n’est pas parce que je n’étais pas avec eux que je n’ai pas regardé. Même quand je ne suis pas à l’intérieur du groupe, je suis toujours derrière le XV de France. Je fais quand même un peu partie de l’équipe (sourires).

Vous êtes revenu dans le groupe élargi durant le Tournoi 2020 mais votre dernière sélection remonte au 1er février 2019. Ce maillot bleu vous manque-t-il ?

Pour tout joueur qui prétend à l’équipe de France, c’est toujours un objectif. Après, certains mettent le club en priorité, d’autres la sélection. Mais enfiler ce maillot bleu procure une sorte de passion. Je crois que, même si j’étais appelé à 35 ans, la sensation serait la même. L’envie est là, surtout après ce Tournoi de fou, le meilleur depuis tellement de temps. Pendant des années, on a vécu des moments difficiles mais ça commence à payer, il y a des résultats.

Avez-vous été étonné de voir Jefferson Poirot et Sébastien Vahaamahina arrêter la sélection si tôt ?

Mon avis est partagé mais chacun mène sa carrière comme il l’entend. Ils sont tous les deux assez grands pour faire leurs propres choix. Ils doivent avoir autour de quarante sélections et, au bout d’un moment, c’est ton corps et c’est toi qui décides. Jeff est un excellent joueur mais, s’il pense que sa famille est devenue la priorité, je n’ai rien à redire là-dessus.

Que vous manque-t-il ? Un titre avec La Rochelle ?

C’est ça ! Quand tu fais dix saisons dans un club et que tu n’as encore rien gagné, ça commence à être long. Depuis des années, d’abord sous l’ère Collazo avec cette saison 2016-2017 incroyable quand on a gagné une dizaine de matchs d’affilée, le club a franchi un cap. Il y a deux ans aussi, quand on l’a emporté au Racing en barrage, ce qui était un exploit pour nous… Il reste cette dernière marche. Il manquait peut-être un peu de profondeur à l’époque lorsqu’il y avait des blessures.

L’équipe est-elle armée pour un titre cette année ?

C’est un peu tôt pour le dire. Seulement cinq recrues sont arrivées, donc le groupe n’a pas trop évolué. Quelques hommes clés comme Rattez et Balès sont partis mais des jeunes vont avoir leur chance en début de saison. Je sens de l’envie et je pense que ça pourrait bien se passer.

Vous évoquiez Patrice Collazo, dont vous étiez très proche. Êtes-vous encore en contact ?

Évidemment. C’est grâce à lui si j’en suis là. On s’envoie régulièrement des textos et on s’appelle de temps en temps pour prendre des nouvelles. Nous sommes restés amis.

Finirez-vous votre carrière à La Rochelle ?

Je ne peux pas le dire ! Je suis lié au club jusqu’en 2023. Vais-je arrêter après ? Je ne pense pas. Si La Rochelle me fait signer jusqu’en 2030, je reste (rires).

Vous êtes hors-jeu !

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