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Philippe Dintrans : « J'aimais vivre l'enfer ! »

  • Philippe Dintrans n’a pas tellement changé depuis l’époque où il jouait. C’était une forte personnalité, le genre de joueurs qui dès son plus jeune âge, fut désigné capitaine des équipes dans lesquels il figurait. Il fut aussi capitaine du XV de France, mais une terrible hernie discale, vint sérieusement perturber sa carrière. Photos Midi Olympique et Icon Sport
    Philippe Dintrans n’a pas tellement changé depuis l’époque où il jouait. C’était une forte personnalité, le genre de joueurs qui dès son plus jeune âge, fut désigné capitaine des équipes dans lesquels il figurait. Il fut aussi capitaine du XV de France, mais une terrible hernie discale, vint sérieusement perturber sa carrière. Photos Midi Olympique et Icon Sport
  • "J’aimais vivre l’enfer !" "J’aimais vivre l’enfer !"
    "J’aimais vivre l’enfer !"
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Ancien talonneur du XV de France, Philippe Dintrans nous a raconté sa carrière avec ses hauts et ses bas, la victoire à Auckland en 1979, le grand chelem 1981, sa grave blessure, ses relations avec Fouroux, Ferrasse. Son apprentissage sur le tas au contact de Ken Kennedy. Tout un pan d’histoire.

C’est un vrai monument du rugby français, la virilité et la détermination faites homme. 51 sélections dont douze comme capitaine en 1984 et en 1985, seize ans en équipe première du Stadoceste Tarbais. Philippe Dintrans est un joueur qu’on ne peut oublier, un homme chaleureux aussi, apte à confier ses émotions sans langue de bois.

Qu’est-ce que vous vous dites quand vous voyez les joueurs de Première division d’aujourd’hui ?

Quelle chance, ils ont de pouvoir jouer dans ces conditions. Mais ce qui me frappe le plus, c’est la somme d’entraîneurs, de kinés, de préparateurs physiques qu’ils ont à leur disposition.

Est-ce que ça vous impressionne ou est-ce que ça vous fait peur ?

Je me demande parfois si ça ne dilue pas la responsabilité ou l’autorité de l’entraîneur. Mais je me dis qu’avec une forte personnalité, ça doit quand même passer. En fait, c’est surtout au niveau budgétaire que ça me fait peur, payer tous ces gens, ça doit représenter une sacrée somme. À Tarbes, par exemple, (actuellement en Nationale), ce serait impossible de faire ça.

Pour comparer, à Tarbes à vos débuts en 1975-1976 combien aviez-vous d’entraîneurs ?

Il y avait déjà un entraîneur pour les avants, un entraîneur pour les arrières et puis, nous avions un gars qui s’occupait de la condition physique. Il s’appelait René Valmy, il avait fait les JO de Londres en 1948 sur 100 mètres et 4x100. Médaillé d’argent sur 4x100 aux championnats d’Europe.

Pour le grand public, votre image est attachée au XV de France. Dès 1978, vous êtes dans les radars de la sélection à 21 ans. Aviez-vous brillé dans les sélections de jeunes ?

Non pas vraiment, je n’avais pas été pris, ce qui me faisait râler d’ailleurs. Je n’ai eu droit qu’à la sélection "scolaires", ce qui était très dévalorisant pour certains qui estimaient qu’il fallait avoir un survêtement bleu blanc rouge. Et nous, nous n’avions qu’un survêtement violet. Vous imaginez… Mais ce survêtement violet il a vite pris tout son charme parce qu’on avait gagné contre l’équipe de France junior avec les Didier Codorniou, les Eric Buchet. Grâce à ça, je me suis retrouvé en France B, vers 19 ans. Une sacrée expérience car je cohabitais avec des vieux briscards qui avaient dix ou douze ans de plus que moi ! J’ai fait une sorte de campagne avec France B avec Daniel Dubroca comme pilier droit à mes côtés. Ça, c’était vers 1977-1978, je badais le XV de Fouroux qui venait de faire le Grand Chelem. Et puis, un jour, Midi Olympique a mis mon nom dans un titre, comme quoi j’allais partir en tournée avec les Bleus en tant que remplaçant d’Alain Paco. Je n’y croyais pas et puis, ça s’est fait. Je suis parti pour la fameuse tournée qui faisait le tour du monde car elle passait par Hong Kong, le Japon et le Canada. Sur le coup, je m’en foutais un peu des pays, alors que c’était extraordinaire en soi. Mais je me retrouvais aux côtés des gars de 1977, mes idoles, les Cholley, Paparemborde, Bastiat, Rives, Aguirre du pain bénit. Nous étions deux talonneurs avec Jean-François Perche, de Bourg-en-Bresse, un gars qui est toujours un bon ami.

Vous êtes ainsi remplaçant pour le Tournoi 1979 derrière Alain Paco puis vous participez à l’inoubliable tournée en Nouvelle-Zélande. C’est à ce moment-là que le grand public vous a découvert avec la victoire à Auckland…

Ce qui m’a marqué évidemment, c’est l’influence de Jean-Pierre Rives. Ce qu’il a fait entre le premier et le deuxième test, ça reste extraordinaire. Je n’ai jamais vu un capitaine comme lui. Il faisait preuve à la fois de fermeté et de dérision, il vous donnait un moral d’enfer, y compris par son humour. Je n’aimais pas la défaite, mais je me sentais bien sur le plan personnel. On sentait qu’on pouvait faire quelque chose. On a vécu une semaine d’enfer, ceux qui n’aimaient pas les pompes et les abdominaux ont souffert, mais moi, ça m’a convenu, j’aimais vivre l’enfer. Et j’ai tout suivi à ses côtés.

C’est étrange, à cette époque, on ne parlait pas énormément des entraîneurs du XV de France, Toto Desclaux et Jean Piqué. Avaient-ils une influence ?

Oui, ils élaboraient quelques tactiques en touche et en mêlée et ça s’arrêtait là. Ils venaient te parler dans les vestiaires si tu avais joué. Mais en 1979, la préparation du deuxième test, c’est Jean-Pierre qui l’a faite, il n’y avait pas besoin d’entraîneurs.

Le Dacquois Toto Desclaux qui apparaît en filigrane de l’histoire du XV de France des années soixante-dix, quel homme était-il ? On le disait rude…

Oui, il avait son caractère, il ne fallait pas le contrarier. Je m’étais frotté avec lui, il me faisait placer d’une certaine façon sur les touches adverses. Moi j’avais appris une autre position avec Norbert Dargelès à Tarbes, alors j’avais contesté son choix. Il m’avait dit : "non !". Je n’avais pas lâché le morceau. Il avait fini par me dire : "Tu me fais ch…, fais comme tu veux !"

À partir de 1981, vous découvrez Jacques Fouroux, entraîneur à part entière du XV de France…

Oui, j’ai découvert un homme fantastique. Quelle colère il avait contre les adversaires, les journalistes, le monde entier. Je me suis moi-même heurté à lui, au sujet de ma concurrence avec Dubroca. Mais c’était un entraîneur… Entraînant. Aujourd’hui en Top 14, je vois des gars qui ne sont pas entraînants, qui se reposent toujours sur Pierre, Paul ou Jacques. Lui ne se reposait sur personne.

On disait de lui qu’il faisait des entraînements plus durs que les matchs…

Oui, clairement. Il allait même dans l’exagération, je lui ai fait plusieurs fois arrêter des séances. Je lui disais : "Jacques, tu es en train de crever nos piliers, nos deuxième ligne. On faisait jusqu’à cent mêlées !" Il me répondait : "Au contraire, c’est là que ça commence !" J’essayais de le raisonner avec humour : "Non, Jacques, ça va finir là."

Vous deviez vous marrer intérieurement, non ?

Oui, enfin à moitié. Il fallait ménager la chèvre et le chou avec lui. Mais il aimait bien les gars qui lui disaient les choses en face.

Quand on repense à votre carrière, on ne peut pas oublier votre fameuse blessure. Cette hernie discale de 1985 qui a tout bouleversé pour vous, vous étiez alors le capitaine du XV de France à l’apogée de votre carrière…

Oui, évidemment. Je suis allé voir le professeur Lagarrigue à Toulouse qui m’a annoncé qu’il fallait m’opérer que je risquais fort de ne plus jouer au rugby. Je me suis mis à pleurer et je suis reparti chez moi en disant que je refusais l’opération. Il m’a prévenu que je reviendrais de moi-même dans les quinze jours en ambulance et il avait raison. Je souffrais tellement que je suis retourné en urgence le voir, il m’a donc opéré.

Et là…

Souffrir en rééducation j’ai découvert ce que ça voulait dire. Quand j’ai commencé, je ne pesais plus que 80 kg, je n’avais plus d’abdominaux alors que c’était mon point fort. Mes muscles du dos avaient fondu. J’ai dû tout reprendre à zéro. Et il n’y avait pas grand monde autour de moi, je vous le dis. Quelques amis malgré tout, dont Robert Paparemborde. Lui a été magique. Je me sentais vraiment handicapé, en novembre, j’étais allé boire le beaujolais nouveau en me disant que ça me ferait passer les douleurs. Le lendemain, j’étais quasiment mort ! À partir de janvier 86, j’ai fait de la rééducation, comme un fou.

Les clubs n’avaient pas les installations d’aujourd’hui. Où alliez-vous ?

J’allais dans une salle de sport, avec un gars qui avait fait du culturisme. Je pense qu’il avait pris des cachets puisqu’il m’en a proposé.

Ah bon ? Et alors ?

Je me suis mis en colère. Je lui ai dit que je ne voulais que du naturel et que j’allais quitter sa salle s’il continuait.

Comment s’est terminée votre rééducation ?

Je me suis retrouvé à 110 kg. J’étais trop lourd, évidemment. Mais toute ma carcasse tenait bien, c’était le plus important. Il ne me restait qu’à démarrer la préparation athlétique, pour retrouver mon poids de forme. J’ai retrouvé l’entraînement au début de la saison 86-87 avec les copains à Tarbes et là, tout d’un coup j’ai éclaté en sanglots.

Dès la saison 86-87 vous retrouvez le XV de France et c’est là que la question de votre concurrence avec Daniel Dubroca se pose. Il était passé au talonnage en votre absence et il était en plus capitaine.

Oui, il faut comprendre une chose. Jacques Fouroux m’avait dit, "dès que tu es prêt, tu me le dis et tu rentres." Et puis, il ne m’a pas fait pas rentrer. Il faut aussi savoir que pour mon temps d’absence, il m’avait demandé mon avis pour le poste de talonneur. Il y avait Bernard Herrero, mais Jacques n’y croyait pas, c’était comme ça. Il m’a proposé Daniel Dubroca. "Tu crois qu’il peut le faire ?". J’ai dit oui, je pense qu’il peut le faire. J’ai parlé honnêtement, vous voyez.

Mais dès l’automne 1986 vous étiez de retour aux portes du XV de France. Pensiez-vous affronter la Nouvelle-Zélande en tournée ?

Oui, absolument. La France perd donc le premier match face aux All Blacks à Toulouse. Et là, il y a bien cinq ou six gars qui ne font pas une grande partie, vous m’excuserez ? Au banquet qui suit, je ne regardais que Jacques, je le sollicitais du regard. L’air de dire : alors tu me prends ? J’ai fait plus de six mois d’arrêt, je vais revenir, non ? Il vient alors me voir, de la buée dans les yeux. Et me dit : "Non, Philippe Dintrans, je ne te prends pas, les "gros" ne veulent pas de toi."

Mais vous avez dû être vexé, non ?

Vexé ? J’étais fou, oui. Je me suis levé illico et j’ai quitté la salle, je suis reparti chez moi avec un copain, en plein brouillard sur la route. Je lui ai fait remarquer que c’était le même brouillard que celui qui régnait sur l’équipe de France.

Mais vous n’étiez donc pas à Nantes pour le deuxième test d’anthologie ?

Si, car le lendemain, Jacques Fouroux m’appelle et me dit : "Alors, tu viens ou non ?". Je n’avais pas envie d’y aller, d’autant plus que Jérôme Gallion avait vécu la même chose et m’avait dit qu’il ne voulait plus venir chez les Bleus. Mais c’est vrai, l’équipe de France, c’était ma base, c’était mon équipe. Je lui ai dit : "Tu me prends remplaçant, quand même ?" Il m’a répondu que oui. J’y suis allé.

La France de Daniel Dubroca a gagné 19-3, match magnifique. Le choix n’était donc pas trop mauvais. Mais avez-vous su le fin mot de l’histoire ? Les "gros", c’est-à-dire les autres avants, vous ont-ils vraiment rejeté ?

Tu parles, les gros, c’était les gros… Par-dessus, c’est l’équipe dirigeante Ferrasse-Basquet qui ne voulait plus de moi. Je m’en suis expliqué par la suite avec Daniel Dubroca d’ailleurs qui est devenu un ami.

Ne voulaient-ils pas un Agenais capitaine de l’équipe de France ?

Sans doute, peut-être, mais c’était surtout un excellent Agenais. Un joueur formidable, je le reconnais.

Quand vous parlez des embrouilles entre vous et Fouroux, c’est à ça que vous faisiez référence ?

Oui, il me disait que j’étais son dieu, puis après, il ne me faisait plus jouer. Je lui ai dit, il s’est vexé.

Dans quel était d’esprit êtes vous allé à cette première Coupe du monde ? Vous étiez remplaçant d’un capitaine qui entre-temps avait quand même gagné le Grand Chelem…

Cette Coupe du monde, j’y suis allé avec l’espoir de jouer sur une blessure ou un mauvais match de Daniel. Je me suis retrouvé à commander l’équipe face à la Roumanie pour le second match. Mais attention, je voulais la meilleure équipe autour de moi, la même que Daniel Dubroca. On commençait à vouloir m’enlever Blanco, Pierre, Paul ou Jacques. Alors j’ai dit ce que je pensais. Je ne voulais pas tomber dans une sorte de guêpier. Mon imagination travaillait, même si maintenant, je ne veux pas y croire.

En pleine Coupe du monde, ça a dû faire désordre une telle attitude, non ?

Basquet a dit, furieux : "Il nous fait ch…, il n’a qu’à la faire son équipe !" Mais c’est passé. Je lui avais déjà fait le coup quelques années avant quand il avait voulu virer Paparemborde. J’avais menacé de ne pas jouer.

Sur ce, je reçois un télégramme de mon épouse, elle me disait : "Regarde ce que Ferrasse a dit dans l’équipe du jour." Il affirmait : "Peu importe ce que fera Philippe Dintrans, peu importe qu’on gagne ou qu’on perde. Le capitaine, c’était Dubroca et ça le resterait quoi qu’il arrive." C’est ce que m’avait laissé entendre Jérôme Gallion quelque temps avant, idée confirmée par Pierre Berbizier ensuite. Ça m’a fait mal au ventre, croyez-moi. J’ai alors croisé Ferrasse dans un couloir. Je lui ai dit : "Vous savez ? Après ces propos, vous avez perdu un de vos fils car pour vous, je serais allé au feu partout. Mais là, c’est fini." Je pensais qu’il allait m’engueuler, il a eu la larme à l’œil.

Et que s’est-il passé ?

Alors, nous sommes montés tous les deux ensemble et quand je suis passé devant ma chambre, il m’a donné une tape dans le dos et voilà.

Ça n’a pas dû être facile de finir le Mondial dans ces conditions. Étiez-vous vraiment au soutien de cette équipe ?

Oui, oui, je suis resté premier supporteur des Bleus. J’ai ramassé les ballons à Daniel Dubroca, j’ai joué le jeu à l’entraînement et à l’échauffement sans discuter, je n’ai pas fait une faute de goût.

Ce match face à la Roumanie, gagné 55-12 à Wellington devant à peine 5 000 spectateurs fut donc un morceau de bravoure pour vous.

Oui, oui, j’avais décidé de faire une préparation spéciale. Je sentais que la blessure morale pouvait revenir à tout moment pour me faire du mal. Alors, je n’ai pas opté pour les coups de tronche, j’ai décidé de faire marcher tout le monde dans les vestiaires en se regardant droit dans les yeux. Pendant vingt minutes. Croyez-moi, c’est long.

Le match s’est bien passé, et à l’époque, les Roumains étaient encore redoutables, on se méfiait d’eux. Berbizier m’a glissé en fin de match, c’est ton dernier match, tu dois marquer un essai. J’ai refusé, la victoire me suffisait.

Mais votre carrière ne s’est pas arrêtée en 87, vous avez fait le Tournoi 89 quand même…

Oui, j’étais heureux de montrer que j’étais revenu à mon meilleur niveau, mais à la réflexion, je me dis que si j’ai un reproche à faire à Jacques, un gars aussi malin et futé que lui, c’est de ne pas avoir plus joué avec les remplacements, en cours de match. On avait un bon banc. Oui, le coaching était en théorie interdit, mais on aurait pu simuler des blessures. Mon époque était très cruelle pour les remplaçants…

Revenons à votre carrière avec Tarbes. Vous avez quand même fait partie de cette équipe qui s’est hissée en finale du championnat 1988 en éliminant Agen, puis un grand Toulon en demi-finale 31-12. On disait que vous étiez une équipe de contre par excellence…

Oui, nous n’avions pas de gros moyens. Et puis le Stado avait une tradition, il ressentait encore l’empreinte de Gérard Fournier, l’entraîneur de 1973. C’était un certain style, qu’on reconnaissait au premier coup d’œil. Mais ceci dit, Mitou Fourcade était arrivé pour nous mettre sur la voie d’un jeu total. Cette demie avait été euphorique, c’est sûr. Les matchs contre Toulon étaient toujours rugueux, mais respectueux. Se retrouver en finale, c’était fabuleux car il n’y avait que des Tarbais ou presque. Maintenant, tout a bien changé, les clubs font leur marché, avec un budget et avec trente euros, c’est plus facile qu’avec dix.

Et quel souvenir gardez-vous de cette finale 1988, perdue 9-3 sans prendre d’essai ? Elle fut sévèrement critiquée pour un spectacle terne.

C’est Agen qui a cadenassé les débats. Ils étaient plus forts que nous, sans doute. C’était une mini-équipe de France. Mais quand on revoit le match, je trouve que nous n’avons pas été très favorisés… Un arbitre qui a quelques problèmes et qui sort, René Hourquet qui entre… Mais ils n’ont pas marqué d’essai, ils n’ont pas franchi la ligne d’avantage. Avec un soupçon de talent en plus derrière, on pouvait l’emporter. N’en parlons plus, quand un match est joué, il est joué.

Et votre passage au poste d’entraîneur de Tarbes en 1992, est-ce un bon souvenir ?

Oui, je me sentais bien dans ce rôle. J’essayais d’appliquer les leçons apprises au CREPS avec Robert Bru, un dieu pour moi. Mais il fallait travailler, j’étais prof d’EPS mais j’avais fait aussi une école de commerce et j’avais commencé à bosser dans la grande tradition. Ce n’était pas simple pour moi.

Malheureusement, il y a eu cet épisode de 1992, ce quart face à Toulon futur champion que vous menez de douze points à la 70e et qui se finit par une élimination à 30-30 après prolongations. On vous a reproché d’avoir sorti votre pilier droit Teulé trop tôt…

Oui, mais c’est ce qu’il fallait faire. On peut dire ce qu’on veut, il n’y a qu’à regarder les images. Alain Teulé n’en pouvait plus physiquement. Il m’avait fait signe. On menait largement. Et puis, celui qui est entré, il était international B quand même. Et puis, dès son arrivée on a reculé en mêlée. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? (sur le moment, il déclara tonitruant : "j’ai été trahi ! N.D.L.R. ") Alain Teulé, voilà un super pilier, il était aussi fort que Garuet.

On vient d’apprendre la mort de Andy Haden (lire page 8), légende des All Blacks et l’un de vos coéquipiers à Tarbes…

Oui, il était très fort techniquement, il m’a appris comment libérer les ballons. Après, il était un peu lymphatique, je veux dire pas trop guerrier. Si tu allais à Narbonne, face à Claude Spanghero, il valait mieux avoir Christian Paul à ses côtés que lui.

Quel est le match le plus éclatant auquel vous ayez participé ?

La victoire à Auckland en 79 bien sûr, mais aussi les quatre matchs du Grand Chelem 1981 avec Fouroux entraîneur débutant. Il était en guerre contre tout le monde, il nous répétait qu’on disait partout qu’on était "une petite équipe de France" et qu’on allait donc "se battre comme des chiens". Mais le comportement des joueurs internationaux était différent. On avait l’impression qu’on allait défendre le pays en guerre avec notre cheval. Et il y avait une folie autour du XV de France, que les jeunes ne croient pas qu’ils soient les premiers à vivre des grands événements.

Quels sont les joueurs qui vous ont le plus impressionné ?

Je reviens sur Jean-Pierre Rives, bien sûr, un mec extraordinaire. Je pense aussi à Jérôme Gallion aussi, tête haute, grand seigneur, des jambes de folie. J’ai été impressionné par Pierre Berbizier si fort tactiquement. Avec lui, c’était une longue histoire, nous nous connaissions depuis le CREPS. Et puis, il y avait Patou.

Robert Paparemborde ?

Oui, il était incroyable, quel savoir technique. On se comprenait parfaitement. Sur introduction adverse, il savait quand j’allais talonner, il mettait sa canne et c’était parti.

Les joueurs d’aujourd’hui, que pensez-vous d’eux ? Ont-ils moins de mérite que votre génération ?

Non, non. Je suis allé récemment à l’UBB en tant qu’ambassadeur d’Eden Auto. À l’entraînement, tout le monde est venu me dire bonjour, ça m’a touché. C’est la preuve que certains se souviennent de ce qui s’est passé. Après, je les trouve très bons, ils m’impressionnent mais ils ont des moyens énormes à leur disposition et je regrette de ne pas avoir eu tout ça pour m’exprimer.

Au fait, vous souvenez-vous du match qui vous a fait vraiment fait toucher le haut niveau du doigt ?

Oh oui, c’était à 17 ans, lors d’un tournoi à sept à Paris où je suis allé avec Tarbes. Tout un programme déjà. À la fin, on a fait un match à quinze entre les Français et les étrangers. En face de moi il y avait tout simplement Ken Kennedy, 33 ans, 45 sélections pour l’Irlande et quatre pour les Lions. C’est là que j’ai compris que pour certains les matchs amicaux n’existaient pas. Il m’a tout fait, le coup du trapèze, coups de tronche, coups dans les tibias et compagnie. J’ai dit à Christian Paul mon coéquipier : "Faut faire quelque chose." Il l’a fait. Il l’a calmé… Jusqu’à la mêlée suivante. Kennedy a fait un festival. Et à la fin, il m’a dit ; "Toi, tu seras en équipe de France."

C’était une référence pour vous ?

Oui, on ne voyait pas beaucoup de matchs, mais on lisait les journaux et ça stimulait nos imaginations. Et quand je me suis blessé, il m’a contacté pour que je vienne dans sa clinique à Londres pour bénéficier des meilleurs soins.

Cette blessure, elle a vous a vraiment marqué…

Oui, sans elle, je pense que j’aurais eu trente sélections de plus, ma carrière aurait presque été un long fleuve tranquille.

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