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Matsushima : « Être le premier Japonais à marquer en Top 14 »

  • Kotaro Matsushima lors de sa présentation à Clermont
    Kotaro Matsushima lors de sa présentation à Clermont ASM Rugby
Publié le Mis à jour
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Après avoir été une des sensations de la Coupe du monde 2019 au Japon dont il termina troisième meilleur marqueur d'essais avec 5 réalisations, la star des Cherry Blossoms a désormais débarqué en Auvergne, bien décidée à faire oublier les passages manqués de ses compatriotes Daisuke Ohata ou Ayumu Gorumaru. Également de prendre une petite revanche vis-à-vis du rugby français, après une expérience décevante du côté de Toulouse... Entretien.

Impossible de ne pas entamer cet entretien par l’actualité liée au coronavirus. Honnêtement, à l’heure actuelle, vous sentez-vous dans de bonnes dispositions pour jouer ?

Oui, je me sens prêt à jouer. Je me suis bien entraîné et je suis concentré autant que possible sur les prochaines échéances. J’essaie de ne pas me poser trop de questions, et de ne maîtriser que ce que je peux maîtriser.

La Top League ayant été arrêtée au bout de deux journées, vous avez passé votre confinement au Japon. À quoi cela ressemblait-il ?

Le confinement était normal, le même qu’en Europe, j’imagine… C’est arrivé pendant les mois d’avril, mai, avec les mêmes difficultés que pour tout le monde pour se maintenir en condition physique.

Avez-vous craint à ce moment de ne jamais jouer pour l’ASM ?

Peut-être un peu, à un moment… Mais devant certains événements qui nous dépassent, il s’agit de se montrer philosophe. Si ça n’avait pas pu se faire, ça ne se serait pas fait, et voilà… Même si j’ai été très heureux lorsque j’ai pu prendre l’avion pour rejoindre Clermont (rires)

Comment s’est passé votre transfert, au juste ?

Tout simplement. Je suis entré en contact avec Clermont depuis l’an dernier mais ce n’était pas le bon moment pour moi de bouger. Il y avait d’abord l’échéance de la Coupe du monde au Japon qu’il s’agissait de bien préparer. Mais après cela, l’ASM est devenue une excellente option pour moi.

Alors qu’ils étaient autrefois nombreux à rejoindre l’Europe pour assurer leur fin de carrière, les internationaux du Sud privilégient de plus en plus la Top League, qui apparaît comme le nouvel eldorado du rugby mondial. Pourquoi, dans ce contexte, avez-vous fait le choix de rejoindre l’Europe ?

On peut voir le problème comme ça mais je préfère raisonner autrement… Vous savez, cela faisait de nombreuses saisons que j’évoluais en Top League, dans une certaine routine. J’avais un peu fait le tour de ce que pouvait proposer le rugby nippon et j’avais tout simplement envie d’expérimenter quelque chose de nouveau. Pour cela, tenter le coup en Europe me semblait être la piste la plus intéressante pour moi.

D’autant que vous avez déjà joué en France, du côté de Toulouse…

C’est vrai ! (rires) Mais cela n’a pas duré longtemps, deux ou trois mois à peine… En plus, ça ne s’était pas très bien passé. J’étais trop jeune pour évoluer avec l’équipe professionnelle mais je voulais quand même faire mes preuves, ne serait-ce qu’à l’entraînement. Sauf que, sitôt arrivé ou presque, j’ai subi une blessure musculaire qui m’a éloigné des terrains un bon moment. Au final, je n’ai disputé qu’un match avec les Espoirs avant de rentrer chez moi. C’était assez frustrant.

Avez-vous conservé des contacts de votre intermède toulousain ?

Pas vraiment… Quand vous arrivez dans un nouvel endroit, que vous ne parlez pas la langue et que vous ne jouez pas, c’est toujours compliqué… Néanmoins, j’ai vécu un moment en famille d’accueil avec deux jeunes joueurs néo-zélandais. Du coup, je voyais régulièrement Luke McAlister. Mais pour le reste, non, je n’ai pas gardé beaucoup de contacts.

La légende Daisuke Ohata a tenté l’expérience voilà une vingtaine d’années à Clermont, Ayumu Gorumaru en a fait de même à Toulon voilà quatre ans… Mais jamais une star japonaise n’a réussi à s’imposer en France. Craignez-vous de connaître le même sort ?

C’est vrai que pour l’heure, les joueurs japonais qui sont venus en France ont été très frustrés de leur passage. Mais par rapport à eux, j’ai une chance : celle de parler anglais, ce qui n’était pas leur cas. Cela me permet d’échanger avec les autres, de passer du temps avec mes coéquipiers, en attendant de parler un peu mieux le français. Ce qui est chouette, c’est qu’à l’entraînement, les gars font beaucoup d’efforts pour communiquer avec moi. Pour mon intégration, c’est vraiment très appréciable.

Comme vous le dites, vous parlez anglais, fruit de votre naissance en Afrique du Sud d’ascendance zimbabwéenne. Drôle de parcours…

Je suis né en Afrique du Sud mais j’ai rejoint le Japon lorsque j’avais quatre ou cinq ans. Si bien que j’ai très peu de souvenirs de ma jeunesse à Pretoria. Je ne suis revenu en Afrique du Sud que pour qulques saisons, en junior, que j’ai disputées au Cap sous les couleurs des Natal Sharks. Puis je suis rentré un temps au Japon, j’ai joué pendant deux ans en Australie, puis je suis revenu au Japon avec Suntory… J’ai pas mal bougé, en fait ! (rires) Mais j’aime ça.

Comment qualifieriez-vous votre culture rugbystique ? Plutôt japonaise ou sud-africaine ?

Elle est beaucoup plus japonaise, dans le sens où je suis porté sur la vitesse, l’évitement. En ce sens, les moments que j’ai pu passer dans ma jeunesse à l’étranger ont été formateurs puisqu’ils m’ont obligé à travailler encore plus mes appuis et mes attitudes au contact si je voulais rivaliser physiquement avec mes adversaires.

Toute ma carrière, j’ai joué contre des mecs plus costauds que moi, donc ce n’est pas de nature à m’effrayer

À ce titre, à quel poste comptez-vous évoluer avec Clermont ? Plutôt à l’arrière ou à l’aile ?

Ce n’est que pour cette Coupe du monde que le staff japonais m’a demandé de passer à l’aile. Le reste du temps, que ce soit à Suntory ou ailleurs, j’ai toujours joué à l’arrière, donc c’est évidemment à ce poste que j’espère m’imposer à Clermont.

Pour les observateurs français, votre nom est étroitement lié au mal nul décroché par votre sélection face aux Bleus en 2017 à Nanterre (23-23). Un match où votre talent a explosé aux yeux de tout le monde, y compris du sélectionneur Guy Novès, qui n’avait pas eu le temps de vous repérer lors de votre passage à Toulouse. L’aviez-vous vécu comme une revanche personnelle ?

Pas du tout puisque, comme je vous l’ai dit, je n’ai pu jouer qu’un seul match avec Toulouse. Mais ça reste un souvenir énorme pour moi, forcément, en tant que joueur mais surtout en tant qu’équipe, puisque nous aurions probablement mérité un peu plus qu’un match nul, ce jour-là… Je me souviens bien de ce magnifique stade : la pelouse synthétique m’avait permis d’exprimer mes qualités à fond. Mais pour être honnête, ce qui m’a fait le plus plaisir durant cette tournée européenne de 2017, ça avait été le match de la semaine précédente. Il s’était joué contre le Tonga à Toulouse, au stade Ernest-Wallon, sur la pelouse où j’aurais tant aimé évoluer quelques années plus tôt. C’était un clin d’œil du destin assez sympa. En plus, nous avions gagné (39-6, N.D.L.R.).

Je veux avant tout donner une bonne image du rugby nippon. [...] Qui sait, si je réussis, peut-être que le regard sur les joueurs japonais va changer, et que des opportunités s’ouvriront à d’autres après moi...

Votre sélection fut la sensation de la dernière Coupe du monde, avec une qualification historique en quarts de finale après de belles victoires en poule contre l’Irlande ou l’Ecosse. Gardez-vous néanmoins quelques regrets de votre large défaite (23-6) en quarts contre les Springboks, futurs champions du monde ?

C’est difficile à dire… Peut-être que si nous avions procédé à davantage de turnovers tout au long du tournoi, l’issue aurait pu être différente. Vous savez, nous sommes une quinzaine à avoir disputé les cinq matchs du Japon durant la Coupe du monde. Cela fait beaucoup… D’autant que tous nos remplaçants ne rentraient pas forcément en jeu à tous les matchs, ce qui est un peu dommage sachant que ce sport est susceptible de se jouer à 23. Sur le plan mental, il n’y a pas de souci, nous étions prêts. Mais physiquement, nous avons un peu manqué de fraîcheur en quarts de finale. Or, pour battre une équipe aussi dure que les Springboks, il faut être prêt à 100 %… Cela reste un petit regret, mais ça n’enlève pas la fierté d’avoir réalisé un aussi beau parcours.

Revenons à Clermont. Avez-vous conscience d’être un peu plus qu’un simple joueur de rugby, cette saison, mais bien un ambassadeur du rugby japonais en France ?

Oui, j’en ai bien conscience. Attention, il ne s’agit pas d’être parfait à tous points de vue, je ne suis qu’un homme. Mais ce que je veux, c’est évidemment évoluer aux plus hauts standards possible, afin de donner une bonne image du rugby japonais et de moi-même. Je veux réaliser de bonnes performances et devenir un bon joueur de Top 14.

Devenir le premier joueur japonais à marquer en Top 14, cela signifierait quelque chose ?

C’est en tout cas un bel objectif individuel. Être le premier rugbyman japonais à marquer un essai en Top 14, ça signifierait évidemment beaucoup de choses… Et qui sait, si je réussis, peut-être que le regard sur les joueurs japonais va changer, et que des opportunités s’ouvriront à d’autres après moi. C’est une petite responsabilité, en fait ! (sourire)

Le rythme du Top 14, considéré comme lent et physique, est très différent de la Top League où l’on privilégie la vitesse au combat. Pensez-vous que votre jeu pourra s’adapter à ce contexte-là ?

Oui, je le pense. J’ai vu beaucoup de matchs de Clermont, et je pense que le système de jeu de l’équipe peut me permettre de bien m’exprimer. Et même si le Top 14 semble effectivement très différent de la Top League, je ne pense pas que cela soit rédhibitoire. Toute ma carrière, j’ai joué contre des mecs plus costauds que moi, donc ce n’est pas de nature à m’effrayer. J’essaie toujours de rester positif et confiant en mes moyens.

Quels sont vos objectifs avec Clermont cette saison ?

Je sais qu’il y a eu pas mal de renouvellements à l’intersaison, dont je fais partie. Cela ne sera peut-être pas évident pour l’équipe d’être performante tout de suite, mais on travaille très dur pour y arriver. Remporter un titre dès cette saison, c’est évidemment mon objectif et celui de toute l’équipe. D’autant que, comme vous l’avez dit, nous aurons plusieurs chances d’y parvenir.

Certains de vos coéquipiers vous ont-ils déjà impressionné pendant la préparation ?

Honnêtement, oui. Même à l’entraînement, les contacts dans les zones de ruck sont vraiment très intenses. Et au-delà des joueurs professionnels, c’est le niveau des jeunes qui effectuent la préparation avec nous qui m’a étonné, car il est vraiment excellent.

Deux Coupes d’Europe et un championnat se profilent mais aussi une longue fenêtre internationale, durant laquelle le Japon devrait affronter la France ! Avez-vous d’ores et déjà évoqué cette possibilité à certains de vos coéquipiers ?

Non, je n’en ai pas encore parlé avec eux mais c’est vrai que j’ai coché cette possibilité dans ma tête. On va d’abord attendre quelques mois, réaliser les meilleurs matchs possible et espérer être sélectionné. Mais si c’est le cas et que nous sommes plusieurs à avoir la chance d’être appelés, je ne manquerai pas de leur en parler. Jouer au niveau international contre des coéquipiers de club, ça doit quand même être très sympa et j’espère que l’on y parviendra !

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