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Philippe Sella : « Au-delà des rêves d’adolescent »

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Publié le Mis à jour
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Ancien trois-quarts centre d’Agen et du XV de France, Philippe Sella a remporté six Tournois des V Nations, réalisé un grand chelem, disputé trois Coupes du monde. Après un rendez-vous important pour son association « Les enfants de l’ovale », l’ancien attaquant du SUA aux 111 sélections est revenu sur sa carrière et notamment le tout début d’une aventure qui n’en fini pas de le porter vers de nouveaux objectifs. Un entretien de deux heures qui raconte ses parties entre cousins à Bourran jusqu’à son appréhension avant son premier match en Nouvelle-Zélande, de la timidité de ses débuts à son capitanat de l’équipe de France...

Quel est votre premier grand souvenir avec l’équipe de France ?

Le Grand Hôtel Opéra de Paris représente un lieu mythique, surtout pour moi. C’est ma première découverte de l’équipe de France. J’avais 17 ans. J’étais trop heureux d’être avec les Bleus. J’avais gagné le concours du jeune joueur en 1978 et donc l’année suivante j’étais invité sur des matchs de l’équipe de France par la Fédération. C’était le cadeau réservé aux gagnants : un match en France et un à l’étranger, donc j’avais assisté à un France-écosse et un Angleterre-France pendant le Tournoi. Aller au Parc des Princes, c’était magnifique. C’était le stade de la finale et du Tournoi. J’avais pu aussi assister aux finales en 1978 et 1979 puisque les trois premiers du concours étaient présentés au Parc des Princes à la mi-temps de la finale. Le bonheur de fouler la pelouse du Parc, que tu ne voyais qu’à la télévision, c’est un rêve pour tous les jeunes joueurs de l’époque. C’était mythique. Lors du match face à l’écosse, nous étions allés voir le match avant d’être conviés à la soirée avec les joueurs. C’est la première fois que j’allais au Grand Hôtel Opéra de Paris. J’ai assisté au banquet, j’étais trop heureux d’être là. J’étais à une table avec mon papa, pas très loin de celle des joueurs. À un moment, je suis allé à leur table. Je ne me souviens plus à côté de qui j’étais. C’était vraiment extraordinaire. J’étais avec les joueurs que je regardais à la télévision.

Pensiez-vous un jour jouer avec eux ?

J’avais un rêve, celui de jouer à Agen qui était le club phare du département. L’équipe de France, j’y pensais mais je me disais que c’était peut-être trop haut, trop loin. Là, je m’en étais rapproché. J’ai eu des frissons qui sont restés. Je me suis dit que j’avais envie de vivre une aventure similaire. Maintenant que ma carrière est passée, c’est facile à dire. Mais, à ce moment-là, tu ne sais pas comment ça va se passer. J’avais la bouche grande ouverte, je bavais. Il y avait Bertranne, Aguirre, Paparemborde… Il y avait Francis Haget qui est toujours mon pote avec qui on joue toujours au golf quand je peux. Et puis, il y avait Jean-Pierre Rives qui était mon idole de toujours. C’est quelqu’un que j’ai toujours vénéré. Je ne sais pas pourquoi, ça ne s’explique pas. Même aujourd’hui encore, je vénère Jean-Pierre Rives. J’aurais aimé jouer troisième ligne. C’était mon rêve quand j’étais adolescent, mais mon jeu et mon physique ont fait que j’ai joué ailleurs. Mon entraîneur avait eu du flair car quand j’étais à l’école de rugby je voulais être Jean-Pierre Rives, même si j’étais numéro neuf ou dix à Clairac. Au lycée de Marmande, j’avais réussi à dire au prof de sport que je voulais jouer troisième ligne (rires) et donc j’avais fait quelques matchs. J’observais Jean-Pierre et j’essayais de faire pareil : plaquer, me relever, plaquer, repartir, plaquer et courir tout le temps. J’avais cette impression-là, même si je ne sais pas si c’était bien sur le terrain. Donc, ce soir-là j’ai approché ces joueurs-là : Paco, Joinel, Bélascain, Gourdon, Gallion, Joinel et Vaquerin. J’étais aux anges car le grand Béziers ça représentait quelque chose. Quand j’avais douze ou treize ans, on rejouait des Agen-Béziers avec mon frère et mes cousins sur le terrain devant la ferme...

Vous n’étiez pas encore à Agen…

J’étais encore à Clairac. J’étais content de vivre ce bonheur-là. Ce milieu me faisait rêver et me donnait envie. Je me souviens que trois joueurs de l’équipe de France sont arrivés sur l’estrade. Paparemborde et Cholley sont arrivés déguisés en sumo avec un seul drap pour cacher leurs parties et Jean-Michel Aguirre servait de juge. C’était génial, je me suis dit que c’était des barjots. Ils sont arrivés comme des véritables sumos, ils faisaient les gestes, avec les mains sur les cuisses et Aguirre balançait du sel. C’était une image géniale d’ambiance de groupe, symbole d’une aventure commune.

Ce banquet vous a-t-il plus marqué que certains vécus comme joueur ?

C’est un peu ça. Je me souviens de quelques banquets mais, celui-là, il est gravé. C’est le premier. Je me souviens quand même de quelques banquets avec les Anglais, notamment en France, notamment un que j’avais passé aux côtés de Will Carling qui était génial. Souvent on parle des Anglais comme nos ennemis jurés, et quelque part, je suis allé jouer en Angleterre pour défier cette idée-là. L’entente cordiale existe. Tout dépend de comment on veut être dans la vie. J’ai fait une tournée mondiale en 1989 avec des joueurs qui venaient de partout et il y avait notamment les piliers du XV de la Rose Rendall et Probyn. J’adorais rester avec eux. Ils étaient devenus comme des frères.

Vous avez joué avec Jean-Pierre Rives votre idole. Souvenez-vous de votre première rencontre, de lui avoir parlé lors de ce France-écosse 1979 ?

J’avais déjà croisé Jean-Pierre Rives un peu avant. J’avais insisté pour que mes parents m’amènent voir le match Agen-Toulouse. J’avais attendu la fin du match, la fin de la douche. Je me suis approché des vestiaires pour espérer lui serrer la main. On a attendu très tard car Jean-Pierre sortait souvent en dernier. On a attendu, attendu mais quand il est sorti j’étais tellement tétanisé que je n’ai pas réussi à lui dire un mot ni lui serrer la main. J’étais quand même trop heureux d’avoir été juste à côté de lui. Il le sait. J’ai dû beaucoup le regarder à ce banquet sans jamais rien lui dire. J’ai un caractère de discret et de timide aussi. Le rugby m’a enlevé de cette timidité. Le fait d’avoir joué avec Agen, pour l’équipe nationale, le fait d’avoir rencontré du monde, ça permet de s’exprimer, de prendre confiance. Le rugby m’a beaucoup apporté là-dessus. Mais à ce moment-là, je l’ai juste regardé. Mais être assis pas loin, c’était déjà énorme.

Vous êtes alors encore à Clairac où vous aviez commencé à jouer à XIII…

Nous avions douze ans quand je jouais au rugby à XIII à Clairac avec mon frère Fabien. Il a eu un accident de vélo. Nos parents ont eu un petit peu peur et il n’y a plus rien eu pendant une demi-saison car nous allions à l’entraînement à vélo. Mon frère a eu le coude abîmé. Il a dû subir plusieurs opérations et il ne peut pas tendre le bras à 100 %. La peur avait été forte pour mes parents car nous faisions tout à vélo, nous allions à l’école à Bourran et au rugby et au catéchisme à Clairac. L’accident a jeté un grand froid. Je ne sais plus quelle avait été ma réaction par rapport à l’arrêt du rugby. Mais comme j’ai rejoué au rugby, j’ai dû demander de pouvoir rejouer. L’année d’après, une école de rugby à XV avait été créée à Clairac et comme mon père y avait joué jusqu’à 42 ans je suis passé du XIII au XV.

Quels sont vos premiers souvenirs de l’école de rugby ?

Je me souviens que les joueurs du SUA, Francis Haget et Michel Morlaas étaient venus apporter leur soutien lors de la création de l’école de rugby. Nous étions huit ou dix la première année donc nous étions associés à l’école de rugby de Tonneins pour les tournois. La deuxième année, nous avions une équipe de poussins et une équipe de benjamins complètes, puis l’année suivant une en minimes, puis encore la saison suivante, nous avions une équipe junior. J’ai suivi le développement de l’école de rugby. En cadets, la première année, nous avons fait une saison où nous n’avons pas gagné un match. C’est terrible. Nous avions fait un match nul, sur le score de zéro à zéro. C’était en plein hiver et l’arbitre a arrêté la rencontre après quinze minutes tellement il neigeait. Nous étions tellement contents... C’était notre meilleur score de l’année ! J’aime cette anecdote car l’année d’après avec une équipe similaire, on s’est qualifié pour les championnats de France. Nous avions un groupe solidaire. Malgré les défaites lors de la première saison, les joueurs étaient toujours là, nous étions 17 au début de la saison et autant à la fin. Les entraînements avec Vincent Millan étaient intéressants. On s’amusait, on touchait le ballon. Je ne sais pas si c’était bien techniquement, mais on prenait du plaisir et tout le monde était présent. C’était un signe fort. L’année d’après on a donc affronté Gujan-Mestras au premier tour du championnat de France. On nous a mis en garde car ils avaient un arrière très fort, qui allait très vite avec des crochets redoutables. On a perdu finalement 10 à 6 mais nous étions heureux d’avoir été jusque-là. L’arrière en face, c’était Patrice Lagisquet. II m’avait ensuite raconté qu’ils avaient préparé le match de la même façon. On leur avait dit qu’il y avait un arrière à surveiller et c’était moi. Avec Patrice, on s’est retrouvé en scolaire pendant deux ans sur les finales d’Aquitaine d’athlétisme sur le 100 mètres, où je n’ai jamais réussi à la battre. En finale, j’étais largué alors que lui parvenait à se qualifier pour le championnat de France mais sur le 4x100 mètres nous étions meilleurs. Nous avions été champions de France à Charléty. C’est un bonheur aussi ce titre-là. Une aventure dans le milieu scolaire avec d’autres sportifs. Et avec Patrice Lagisquet nous sommes ensuite devenus des bons amis.

En vous écoutant, on a l’impression que le grand attaquant que vous étiez était frustré de ne pas jouer en troisième ligne ?

Oui par rapport à mon souhait que j’avais de douze à quinze ans. Mais j’ai vite compris car j’ai toujours joué neuf en minimes puis dix ou quinze en cadets et juniors. C’était mes deux postes quand j’arrive à Agen. Je n’avais jamais joué centre. Cela m’était arrivé une fois en France Universitaire. Après j’ai vraiment découvert le poste de trois-quarts centre à Agen en décembre 1981. J’avais débuté en équipe première en janvier de la même année. J’ai attaqué en raison des blessures d’une pénurie de numéro quinze. Les entraîneurs sont allés chercher un arrière chez les juniors. Et jusqu’en décembre, que ce soit avec les juniors ou l’équipe première, je jouais numéro 15. À ce moment-là, les entraîneurs ont refait toute la ligne d’attaque : l’ouvreur Bernard Viviès est passé à l’arrière, Coco Delage est passé à l’ouverture, Bernard Lavigne est passé du centre à l’aile, Philippe Mothe et Léo Lacroix n’ont pas bougé. Je me suis retrouvé au centre et cela avait été un peu difficile au départ car je n’avais pas trop de notions. Mais j’étais bien accompagné avec les joueurs autour. C’était important. Les coachs m’appelaient "le bébé" et donc tout le monde m’appelait comme ça. Avec le temps, tu changes de statut (rires). Aujourd’hui, c’est "papi Selloche". Il se trouve que cette équipe est championne de France six mois plus tard.

Et la même année, vous devenez international…

Je connais ma première sélection en octobre car j’avais été invité à participer à la tournée en Argentine à l’été. J’étais sélectionné mais la tournée a été annulée en raison de la guerre des Malouines. J’attends donc le 31 octobre 1981 contre la Roumanie. On m’a souvent demandé ce que j’avais ressenti lors de ma première sélection. Ça ne m’a rien fait du tout. En l’apprenant bien sûr, c’est extraordinaire, tu atteins le Graal, tu vas porter le maillot avec le coq. Ensuite, je ne me rappelle de rien de ce qui s’était passé avant, pendant et après. J’avais reçu un coup de pied dans la tête sur un renvoi aux 22. J’avais perdu connaissance. C’était une drôle de commotion et je m’étais "réveillé" le soir à 22 heures. On perd aussi, donc mon premier souvenir international est assez plat. Mais on m’a raconté ce que je faisais sur le terrain. J’étais K.-O. mais personne ne s’en était rendu compte. Alors comme ce n’était sûrement pas le plus grand match des Bleus, avec peu de rythme, j’ai pu jouer jusqu’à la fin. Mais c’était donc la première fois je jouais avec Pierre Chadebech et je lui posais tout le temps les mêmes questions : Où on est ? Qu’est-ce qu’on fait ? Des questions qui ne correspondaient pas du tout à un sportif qui joue un match de haut niveau. Il n’arrêtait pas de dire aux autres : "Mais le petit jeune, il se fout de ma gueule ? Il n’arrête pas de me poser des questions débiles le petit jeune." Et moi je continuais en boucle avec mes questions, ça le rendait fou. C’était une première bizarre. Donc je me souviens plus du match contre l’Argentine à Toulouse quinze jours plus tard, qui était le premier match international en région.

Et puis vient enfin le Parc des Princes la semaine suivante toujours face à l’Argentine, avez-vous vraiment pris conscience que vous étiez international ce jour-là ?

Toulouse c’était déjà le premier véritable premier match en France, donc émotionnellement c’était assez fort. Il a une saveur particulière car la famille était là et puis après on arrive au Parc… qui représentait le Tournoi des 6 Nations. Je pense avoir relativement bien maîtrisé toutes les émotions qui sont assez fortes, même s’il y a toujours une forme d’appréhension. Quand j’avais un souci émotionnel j’allais voir les joueurs que je connaissais en club, les Erbani, Dubroca, Viviès. Quelques regards, quelques mots étaient suffisants. Je l’ai surtout vécu lors de mon premier match du Tournoi des 6 Nations et lors du premier match de la tournée en Nouvelle-Zélande. Je ne parle pas du test face aux Blacks, mais lors du premier match de semaine. Pour mon premier match en Nouvelle-Zélande, il faisait très beau avec une luminosité blanche. C’était incroyable tellement c’était clair. Ça m’a mis une certaine pression et une appréhension. Tout s’est évaporé sur le premier ballon mais j’avais ressenti les mêmes sensations en avant-match que lors du Tournoi contre l’Angleterre en 1983. C’était beaucoup plus fort que sur les autres matchs. Dans ces deux cas-là, j’étais allé vers eux par manque de confiance personnelle. Cette timidité d’alors me poussait à aller chercher de la confiance chez les autres. Ces deux rencontres là ont été très spécifiques sur le plan émotionnel.

En arrivant en équipe de France, vous découvrez Jacques Fouroux. Comment se passent vos premiers pas en Bleus ?

Je l’avais déjà croisé quand il venait voir des matchs à Agen. Mais notre véritable première fois, c’était en 1982. Quand la tournée en Argentine a été annulée, nous avions été regroupés pour une mini-tournée en Catalogne pendant la Coupe du monde de football en Espagne. C’était mon premier rassemblement et nous avions affronté une sélection de Catalogne et une équipe d’Irlande. C’était juste magnifique. Je venais d’être champion de France et j’étais avec les joueurs de l’équipe de France. J’étais très impressionné par Robert Paparemborde, par la stature qu’il avait. Il était souvent avec Rives. Je rencontrais pour la première fois les joueurs que j’admirais, que je voyais à la télévision. C’est resté pour moi un moment important car il faut comprendre que j’aurais dû être au Creps à Bordeaux pour passer un examen pour valider ma première année et j’étais avec l’équipe de France en Espagne. J’ai passé l’examen au retour de cette tournée. J’étais tout seul dans le bureau du directeur. Personne n’est venu me surveiller. J’étais dans le bureau comme si j’étais le directeur. Mais tout le monde était heureux au Creps que j’ai réussi à accrocher quelque chose même si je n’étais rien.

Il est difficile de revenir sur l’ensemble de votre palmarès, avec notamment six victoires dans le Tournoi des 6 Nations, mais aviez-vous la sensation de vivre une époque exceptionnelle ?

Si on prend juste les résultats, il y a des joueurs qui ont eu plus de titres, plus de résultats. Je ne vais pas faire de comparaison. Je pense avoir connu, dans un rugby amateur, une belle période avec des très bons résultats mais aussi des contre-performances et on peut aussi en parler. Globalement, c’est une belle période avec six victoires dans le Tournoi et quand on ne gagne pas on n’est pas loin. Mais, il y a aussi des tournées en Argentine où on s’est cassé les dents, n’arrivant jamais à gagner les deux matchs. Des équipes de France y sont arrivées alors que personnellement je n’ai jamais remporté les deux tests en Argentine.

Quelles sont vos moins bonnes périodes ?

En 1990, je me blesse. J’ai une pubalgie et je décide de ne pas me faire opérer. J’ai passé huit mois sans jouer. Mais, on ne retrouve pas son niveau comme ça après une telle période sans jouer. J’ai eu besoin de temps pour revenir. La fin d’année 1990 et l’année 1991 sont assez difficiles, d’autant plus que j’ai enchaîné plusieurs petits pépins physiques jusqu’en 1992. J’ai évolué un niveau en dessous. Je n’étais pas à la hauteur de ce que je pouvais faire. Après, j’ai eu le bonheur que Pierre Berbizier me nomme capitaine pour le Tournoi 1992. Je n’ai jamais couru après les grades ou les distinctions mais j’ai apprécié d’être capitaine aussi, même si ça n’a duré que cinq ou six sélections. C’était un honneur mais je me suis tellement impliqué que je m’y suis fatigué à essayer d’être proche de tout le monde, en observant tout pendant la semaine pour que rien ne nous échappe. Je n’avais encore jamais été capitaine à Agen et j’ai beaucoup appris cette année-là. Ça m’a fait beaucoup de bien et permis de me remettre en question. Même si c’était une année moins bonne pour moi en termes d’apport pour l’équipe nationale. Pierre Berbizier a alors décidé de nommer Jean-François Tordo. Après la tournée en Argentine, Pierre est venu me voir pour me le dire et il a ajouté : "J’ai besoin de toi". Il ne m’a pas fait un grand discours mais j’ai compris. Après, j’ai passé trois ans où je me suis régalé dans un rôle de leader mais en restant à ma place, en essayant d’être d’abord le joueur qu’attendaient les entraîneurs et les coéquipiers. J’ai adoré mes trois dernières années en équipe de France, même si j’étais trentenaire (rires). Je les ai adorés dans le côté participatif. Le capitanat m’avait enlevé beaucoup d’énergie mais, après ça, on a vécu en osmose avec le staff, le capitaine et les leaders. Il y avait des grands échanges.

Vous participez à votre troisième Coupe du monde, la première qui avait un aussi grand retentissement. Tout avait changé depuis 1987…

Ça n’avait plus rien à voir. En 1987, en Nouvelle-Zélande, on s’entraînait sur les terrains au milieu des parcs que ce soit à Auckland ou à Christchurch et il n’y avait personne. On vivait comme en tournée. Même après le premier match, on ne se rendait pas compte que l’on jouait une Coupe du monde. C’était une découverte. En 1995, nous étions à des années-lumière. Nous étions dans des camps d’entraînements, avec des vigiles, des pass pour y accéder, des horaires bien définis. Il y avait des entraînements fermés au public, d‘autres ouverts, et tous les jours nous avions des rendez-vous médias organisés. Ça n’avait plus rien à voir. C’était la dernière Coupe du monde du rugby amateur. Est-ce que l’on aurait pu la gagner ? On ne saura jamais. Il aurait fallu jouer contre les All Blacks pour savoir…

Malgré toutes ces années dans le milieu, on ne vous connaît pas d’ennemi. C’est assez rare. Êtes-vous ami avec tout le monde ?

L’humain dans la vie c’est ce qui te permet d’échanger, de donner, de recevoir, de prendre du plaisir. Tout le monde ne peut pas être ami avec tout le monde. Mais si ce n’est pas ami, il y a une camaraderie. Il y a pu avoir des moments de tensions, mais il faut aussi savoir faire son mea culpa. Quand il y a un moment de tension, on n’a pas toujours raison. Il faut savoir faire amende honorable à certains moments. En revanche, j’ai eu des sollicitations politiques et je n’y ai jamais répondu car je n’y arrive pas. Je ne pense pas être fait pour ça car certainement que j’ai des amis dans chaque camp. Je pense que j’aurais trop mal au ventre de me couper de certaines personnes. Et quand il y a des élections, c’est souvent viril et pas toujours correct. Je n’ai jamais eu de problème sur un terrain. J’ai joué contre Toulouse, et la rivalité avec Agen était forte, mais elle n’existe que quand je joue contre Toulouse, ça veut dire que j’ai envie de gagner avec mon club. Mais à Toulouse, j’ai Denis Charvet et Eric Bonneval pour ne citer qu’eux qui jouaient en face. Le côté humain a une importance pour moi. Tu es joueur de rugby sur le terrain mais en dehors tu deviens un homme avec un grand H. Par rapport à cela, je n’ai jamais pu répondre sur cette page politique. Je serais peut-être malheureux par rapport à certaines personnes. C’est mon caractère. Dans une politique de club ça va, mais dans cette politique fédérale ou même dans la vie civile, ça ne m’apporte pas d’excitation. J’aurais peur des déceptions par rapport à ces liens qui pourraient couper avec certains. Parfois, je me dis que je suis quelqu’un de bizarre, mais après je me dis que c’est moi. Après ça ne m’empêche pas de faire des actions, par exemple avec la Nouvelle-Aquitaine, mais c’est pour les jeunes. Il y a un côté sociétal important mais l’aspect politique n’existe pas. S’il y avait une idée politique derrière je ne le ferai pas car je serai malheureux quelque part.

Comment définiriez-vous votre rapport au rugby ?

Le rugby, c’est tout un côté émotionnel, des bons moments, des rencontres. J’ai vécu des moments extraordinaires qui sont venus de très loin, de cette campagne clairacaise et bourranaise. Je pense que ce côté familial de départ, où tout le monde jouait, a permis que la fibre prenne comme ça même si tu ne sais pas ce qui peut arriver. J’ai voyagé avec les Barbarians français, les Barbarians britanniques, les Barbarians australiens, les Barbarians sud-africains, avec Agen, avec l’équipe de France. Jamais, je n’aurais pu faire des choses comme ça. C’est un grand merci au rugby qui m’a permis de vaincre ma timidité. Avec mes copains, ça allait, mais le rugby m’a permis de m’ouvrir au monde extérieur. Même ce que j’ai vécu avec Sella Communication et mon associé Jean-Claude Bonetti, c’est grâce au rugby. On a fait des choses que l’on ne pouvait pas imaginer à 16 ans, c’est allé au-delà des rêves d’adolescent. Il faut continuer à aller chercher ce petit piment dans la vie, même si j’approche des 60 ans. C’est ça la vie. J’ai évolué dans mon rôle à Agen, mais je continue de me mettre des challenges en tant que commercial car il y a besoin d’aller chercher des finances pour accompagner encore mieux nos jeunes joueurs en formation. Il faut donc chercher des ressources humaines ou financières. Nous avons un grand projet de fond de dotation pour aider nos jeunes et c’est mon défi d’aujourd’hui.

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