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Jolmès : « Je viens à Toulon pour Patrice »

Par Pierrick Ilic-Ruffinatti
  • Thomas Jolmès a fait le choix du cœur en rejoignant Patrice Collazo sur la rade à Toulon.
    Thomas Jolmès a fait le choix du cœur en rejoignant Patrice Collazo sur la rade à Toulon. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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De titulaire indiscutable à persona non grata au Stade rochelais, Thomas Jolmès compte désormais se relancer du côté du RCT. Mais avant que la saison ne démarre par un croustillant La Rochelle – Toulon, le nouveau géant de la rade s’est longuement confié à Midi Olympique : ses premiers pas de rugbyman, ses études de kiné, ses années rochelaises et sa fidélité envers Patrice Collazo, voici Thomas Jolmès.

Franz, votre papa, a joué au FCG. Votre oncle n’est autre qu’Olivier Brouzet. Auriez-vous pu choisir un autre sport que le rugby ?

Bien sûr, j’ai d’ailleurs démarré par la natation, avant de faire du basket puis du judo. J’aimais bien ce dernier, mais comme physiquement j’étais plus imposant que mes adversaires, personne ne voulait se mettre avec moi… Alors j’ai signé ma première licence au RC Seyssins à 10 ans.

Quand et pourquoi avez-vous rejoint le FCG ?

Je m’éclatais avec Seyssins mais un jour, je me suis dit qu’il serait excitant de rencontrer des clubs d’un niveau supérieur. Et pile à ce moment, j’ai été repéré par Fred Pourcel, du comité des Alpes. J’étais en échange scolaire en Allemagne quand mon père m’a annoncé la nouvelle. J’avais 13 ans, on me conseillait de rejoindre Grenoble, j’ai foncé.

Devenir sportif de haut-niveau devient alors un objectif ?

Aucunement : j’étais juste heureux de poursuivre mon école de rugby dans le grand club de la ville. On ne parlait plus de l’un des clubs de la périphérie, mais du grand FCG. J’allais pouvoir me confronter aux jeunes d’équipes de Top 14 ou Pro D2, mais je ne pensais pas encore aux sélections jeunes ou à devenir pro. Je voulais juste m’éclater.

Quel était votre rêve, à cet âge-là ?

Avoir des superpouvoirs, comme les personnages des Comics (sourire).

Dix ans et un statut de rugbyman professionnel plus tard : avez-vous le sentiment d’y être parvenu ?

Pas franchement, mon seul superpouvoir c’est une application qui s’appelle Uber Eats, qui me permet de téléporter des pizzas en quelques clics (rires) !

À quel âge le rêve de devenir rugbyman s’est substitué à celui de devenir un super-héros ?

Ce n’était pas un rêve. Mais dès ma première licence, je me suis dit que vivre de ma passion serait dément… Cette ambition a pris du sens lorsque j’ai été retenu en France moins de 17 ans et quand j’ai été surclassé au Pôle France.

Plus jeune, quelles étaient vos qualités ?

J’étais à l’aise dans les airs et j’avais une bonne qualité de déplacement. En arrivant au Pôle France j’ai fait une énorme sèche (perte de 8 kilos, N.D.L.R.), qui m’a permis d’entretenir ces points forts. À l’inverse, ma grosse faiblesse était le plaquage. Ça m’a privé de sélection en moins de 20 ans…

Qu’est-ce qui vous freinait : l’aspect technique ou le contact en lui-même ?

L’appréhension ! En termes de développement physiologique j’étais en retard sur les mecs de mon âge : j’étais fort du bas du corps, mais j’avais des carences en haut. Tu rajoutes plusieurs blessures à l’acromio-claviculaire et ce tout fait que je manquais d’affection pour l’exercice. Puis finalement mon corps s’est développé. Je me suis fait violence, j’ai appris à prendre du plaisir et ça fait désormais partie intégrante de mon rugby.

Comment se déroule votre ascension au FCG ?

Avant de parler du terrain, il faut remettre en contexte : j’ai 16-17 ans, je voyage avec mes potes du FCG dans toute la France, je suis surclassé au Pôle France, je pars en Afrique du Sud, en Angleterre, en Irlande… J’étais le plus heureux des ados, mais se présentent à moi trois échéances : devenir pro, obtenir mon bac et réussir le concours pour entrer en kiné. La saison moins de 19 ans m’a demandé un investissement et une gestion émotionnelle incroyables. Ce qui s’est ressenti sur mon rugby. J’étais moins performant. Heureusement j’ai retrouvé le fil au terme du Pôle France, quand j’ai réintégré quotidiennement Grenoble : Fabrice Landreau m’a d’abord intégré au groupe pour la touche, la mêlée et après deux saisons en espoirs, j’ai eu ma chance avec les pros.

Un soir d’avril 2016, à Montpellier…

C’est un souvenir éternel ! Le club était certain de se maintenir, alors Fabrice m’a donné ma chance. J’avais fait un bon premier match en Top 14 et j’ai enchaîné quatre titularisations consécutives.

Pourtant la suite ne se passe pas comme prévu : vous ne parvenez pas véritablement à gagner votre place, au point de rejoindre La Rochelle en 2017. Que s’est-il passé ?

Fabrice qui me faisait confiance est remplacé par Bernard Jackman à l’été 2016. On fait une grosse préparation, je me sens bien et à un moment il y a des blessés ; je me dis alors que je vais enchaîner, mais rien ne se présente à moi. Au lieu de ça, je suis envoyé dans des missions commandos, avec la moitié de l’équipe espoirs chez les Ospreys d’Alun Wyn Jones et Dan Biggar… Tu prends des 50 ou 70-0… Pour moi, ce n’est pas "intégrer un joueur dans un effectif pro", mais envoyer des mecs au casse-pipe. C’est une expérience, mais c’est peu gratifiant. A l’époque, je sentais que ma chance ne viendrait pas comme je l’espérais.

Patrice Collazo prend alors contact avec vous…

C’était en octobre 2016 : je n’avais pas d’agent, et je reçois un appel d’un numéro inconnu. Il se présente mais je ne savais pas qui était Patrice Collazo (sourire). Il me dit qu’il est entraîneur de La Rochelle et qu’il souhaite me recruter. Wahou.

Et ensuite ?

À ce moment tout se passait encore bien pour moi à Grenoble, alors je ne savais pas sur quel pied danser. Mais en février l’histoire était bien différente : le FCG était proche de la descente et je n’avais pas le temps de jeu espéré… Je repensais régulièrement à ce coup de fil, d’autant que le Stade rochelais était leader du Top 14. Inconsciemment, Patrice m’a donné une raison de me défoncer toute l’année. J’ai finalement accepté de rejoindre La Rochelle en mars 2017.

Votre explosion est alors en marche.

Patrice a tenu sa parole : il m’avait promis que j’allais jouer, et même si je suis arrivé avec une fracture du scaphoïde, j’ai disputé les dix rencontres pour lesquelles j’étais disponible. En suivant, Patrice est parti. Il restait Xavier Garbajosa, Grégory Patat et Globus (Aksventi Giorgadze, N.D.L.R.), et j’ai continué sur ma lancée. J’avais délaissé les études, j’étais à fond dans le rugby mais ce n’était pas évident. Je me suis poussé au bout du bout, j’ai mal géré mon investissement et à la fin j’étais cuit, que ce soit physiquement ou mentalement. Je l’ai payé la saison suivante, où ça s’est moins bien passé à La Rochelle, ce qui m’a poussé à aller à Toulon.

C’est la deuxième fois que vous évoquez vos études de kiné. Arrêtons-nous quelques instants sur le sujet. Le rugby se professionnalise, demande de plus en plus d’investissement de la part des joueurs : comment avez-vous suivi ce double cursus ?

Avec énormément de volonté. Quand tu es jeune, tu perçois le milieu pro comme une chose inaccessible. Tu sais qu’il va falloir se battre, s’arracher et en faire plus que les autres pour attirer les regards ; et en même temps il faut suivre avec assiduité des études exigeantes et avoir des résultats qui tiennent la route…

Quelle était votre journée type ?

À Grenoble je m’entraînais le matin, puis à 14 heures, puis à 18 heures, sans compter la muscu et au milieu je devais aller à l’école, bûcher les cours, préparer les partiels… Paradoxalement c’est à la signature de mon contrat pro avec le Stade rochelais que les choses sont devenues plus simples : je m’entraînais tôt le matin et le rythme était moins décousu.

Aurait-ce été un drame si vous n’étiez pas devenu rugbyman ?

Ce double cursus m’a justement aidé à avancer tout en sachant que je retomberais sur mes pieds en cas d’échec. Puis les études m’ont permis de grandir, et de relativiser : contrairement au lycée, il y avait le rugby, mais plus que. Tu découvres que quand tu enlèves les crampons, tu vois des potes qui s’en moquent du ballon ovale, tu rencontres des copains/copines, tu sors le jeudi soir… À La Rochelle c’était un peu différent : je n’étais plus espoir mais joueur pro, j’avais une exigence de résultat. Mon école de kiné était à Nantes, et ma seule priorité devenait le rugby.

La question d’arrêter les études s’est-elle parfois posée ?

Souvent, car j’étais parfois limite dans mon investissement. Quand tu sors de l’entraînement, que tu as les partiels à préparer, que tu suis en parallèle ton stage dans un cabinet de kiné, c’est dur d’être bon de partout. Je voulais dissocier rugby et études, tout en me donnant à 100 % pour les deux ; c’était injouable. J’aurais mieux fait d’apprendre à mieux partager mon temps dès la première année.

Quand en avez-vous pris conscience ?

Le jour où j’ai dû déclarer forfait pour la demi-finale 2019 de Top 14 contre Toulouse. La veille de la rencontre j’ai ressenti des vertiges liés à ma tension, et là j’ai pris une claque… Entre le besoin d’assurer les phases finales et de préparer mes partiels sur lesquels j’accumulais du retard, mon corps m’a rappelé à l’ordre. À trop vouloir en faire, je ne faisais plus rien correctement.

Où en êtes-vous désormais de vos études ?

Il me reste un mémoire à faire et quatre UE (Unités d’Enseignements) à valider : si tout se passe bien je serais diplômé d’un bac + 5 en juin 2021. Ç’aurait dû être plus long, mais j’ai gagné beaucoup de temps la saison passée.

Comment ?

Étant donné que j’ai dû "couper les ponts" avec le Stade rochelais en cours de saison, j’ai pu faire mon stage obligatoire en trois mois au lieu d’un an.

On dit que la fin à La Rochelle a été conflictuelle, est-ce le cas ?

Je ne reviendrai pas dessus. Cette période est derrière moi et je ne souhaite pas en parler.

Alors simplement : comment avez-vous vécu ce coup d’arrêt, vous qui êtes passé de titulaire indiscutable à joueur utilisé trois fois dans la saison ?

Je n’imaginais pas que ça tournerait ainsi, je n’ai donc pas eu le temps de m’y préparer… Ce qu’il s’est passé, c’est que j’ai pris conscience après toutes ces années à pousser mon corps à la limite qu’il fallait apprendre à mieux me gérer. Je n’avais plus d’énergie et j’ai continué de me battre jusqu’au point de rupture. J’aurais aimé que ça ne se passe pas de la sorte, mais c’est arrivé : j’avais des convictions, j’ai dit stop.

Que se passe-t-il à ce moment-là ?

La seule solution était de couper les ponts. Et là je me suis complètement relâché. Je faisais moins de sport, je ne faisais plus attention à mon alimentation et j’ai pris beaucoup de poids : je suis passé de 127 à 140 kilos. Je pense que mon corps avait besoin de cette période. J’ai pu recentrer mes priorités, mes envies, me ressourcer et lâcher complètement. Être mis à l’écart est éprouvant et en même temps, c’est ce qui m’a permis de boucler mon stage de kiné, de réviser mes rattrapages et de réussir mon année.

Certains clubs vous contactent alors. Pourquoi choisir Toulon ?

Parce que Patrice Collazo ! Il a été un entraîneur déterminant dans ma carrière, en m’offrant mon premier contrat pro et en me donnant l’opportunité de jouer au plus haut-niveau. Je voulais travailler à nouveau sous ses ordres. L’argent et l’ambition sont importants, mais l’affect est bien supérieur. Si un entraîneur te stimule, te donne envie d’avancer, ça prévaut sur tout.

Qu’a-t-il de plus qu’un autre entraîneur ?

Je ne peux pas comparer car je ne connais pas tous les coachs, mais Patrice sait faire la part des choses : il est gentil et rigole avec toi, mais s’il doit te recadrer il le fait. Taper du poing sur la table, mais pour faire avancer la situation dans ton intérêt et celui de l’équipe. Et toujours avec bienveillance. Puis il est franc et tient ses promesses, comme il l’a fait quand j’ai signé à La Rochelle. Je viens à Toulon pour Patrice. C’est un choix affectif.

Dans un rugby ultra-professionnel, la relation entre l’entraîneur et son équipe fait-elle encore la différence ?

On peut parler technique ou tactique, mais à la fin l’entraîneur c’est le patron ! C’est lui qui te transcende, et quand tu crois viscéralement en ce qu’il te dit c’est plus facile de se défoncer. Un entraîneur qui galvanise son groupe a déjà un coup d’avance. C’est le cas de Patrice.

Que représente le RCT pour vous ?

L’ennemi du FCG (sourire) ! Plus sérieusement c’est le club de la dernière décennie. Mais Toulon a changé de projet, et Patrice est le symbole de ce RCT nouveau. Un Toulon qui veut confectionner une équipe où tu auras des stars comme Eben (Etzebeth) et Sergio (Parisse), mais également des mecs du centre de formation qui ont la dalle. Patrice pose son empreinte sur les clubs où il passe, et j’avais envie de faire partie de cette histoire.

Dans quelle forme êtes-vous ?

Je suis arrivé en surpoids, et je ne suis toujours pas à mon poids de forme. Il va falloir que je continue de m’arracher. Je progresse, bien qu’aujourd’hui je ne me considère pas encore compétitif. Je le serai quand je pourrai tenir 80 minutes et apporter une véritable plus-value au groupe.

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