Comme des Baa-Baas

  • Denis Charvet (Barbarians)
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Publié le Mis à jour
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L'édito de Léo Faure... C’était en 2015, au mois de juin. Justement débarqués à l’Emperador hôtel de Buenos Aires, encore dans le hall, les Barbarians français se voyaient transmettre le mot d’ordre du séjour : "faire les choses sérieusement, sans se prendre au sérieux." Denis Charvet, fleur d’Argentine, empruntait ici aux mots tendres de Jean-Pierre Rives. Lendemain matin, entraînement sur les immenses plaines du Club Universitaire porteños (CUBA) : un lancement en touche, puis deux. Une attaque testée, puis deux. "Bon, les gars, football ?"

C’était en 2013, deux ans plus tôt. Les Samoans étaient en visite à Clermont et les Barbarians, encore eux, traînaient également dans le coin. Match prévu le samedi à Marcel-Michelin, entre les deux sélections. Une semaine seulement d’entraînement en commun pour les Baa-Baas emmenés, pour la première fois à cette occasion, par Aurélien Rougerie. Séance d’entraînement le mardi, pour décrasser les corps et les affinités. Premières vagues de passes, premières déconnades. Et Rougerie, en leader qui s’assume : "Les mecs, vous avez vraiment envie de vous entraîner ?". La séance s’arrêta là. Pas la soirée.

Tout ça, pour dire quoi ? Qu’on peut jouer au rugby loin de l’austérité d’une semaine où la géométrie du travail justifie tout, du succès à l’échec. Le discours rigoriste s’entend : bien sûr que les joueurs, les entraîneurs et plus généralement les clubs, tous professionnels, travaillent. Ils répètent des gammes, peaufinent des détails, soignent des lancements, gonflent des corps et, le week-end venu, justifient leur résultat par ce seul prisme : "il faut qu’on se remette au travail", les soirs de défaite ; "on sort d’une bonne semaine de travail" les jours de victoire.

Seulement voilà : contraints par la sale bête Covid-19, les clubs ne travaillent plus. Ou moins. Certainement pas comme ils le voudraient. Ce qui aura la fâcheuse tendance à plomber le spectacle du dimanche, peut-être. Cela reste à prouver. Ce qui enlèvera surtout l’explication et la solution imparable à tous les problèmes.

Ce week-end quand sonnera l’heure des matchs, il ne sera plus vraiment question de savoir qui a le mieux travaillé, avec le plus de précision. Personne n’a vraiment eu ce loisir. Il sera temps de savoir qui, dans son groupe, recèle du plus de créativité pour s’adapter à l’incertitude. Il sera question de talent et de cohésion, bien avant le couplet du Stakhanov.

Ce n’est plus tant le travail qui fera gagner que l’audace et le lien qui unit les hommes. C’est une autre forme de justice, pas plus mauvaise, qui remet le rugby au rang de jeu avant d’être une profession. Une sorte de retour aux valeurs premières, dont on peine à s’émouvoir. Les clubs, moins sérieux, seront-ils faibles pour autant ? Pour information, les Barbarians sans travail, pas sans légèreté, avaient triomphé des Samoans en 2013. Puis des Pumas en 2015.

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