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Ntamack : « C’est beau de voir de la crainte dans les regards irlandais »

  • Romain Ntamack (France) contre l'Irlande
    Romain Ntamack (France) contre l'Irlande Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Encore impressionnant et décisif samedi soir, il semble avoir franchi un nouveau cap ces dernières semaines, à l’image de cette équipe de France. Joint dimanche après-midi, le chef d’orchestre des Bleus revient sur les raisons de l’embellie, collective et personnelle.

Que voulez-vous retirer de ce Tournoi ?

Que du positif, de la joie et de la fierté de faire partie de cette aventure. Une nouvelle équipe se bâtissait lors du premier stage de Nice et on avait envie de bien faire mais on ne savait pas trop dans quoi on s’embarquait. Cette belle victoire contre l’Angleterre pour débuter le Tournoi nous a donné confiance. Quand on commence en battant le vice-champion du monde, ça forge un groupe.

Ce succès a-t-il fait basculer votre histoire, plus que celui au pays de Galles ?

Ce fut clairement le premier moment clé. Ce match nous a permis de croire encore plus en nous. On a quand même battu, avec la manière, le dernier finaliste du Mondial, une équipe qui se connaît par cœur depuis dix ans alors qu’on avait seulement quelques entraînements en commun. Chacun a pris conscience de notre potentiel ce jour-là, même s’il était encore tôt pour s’emballer. Il fallait confirmer mais cette victoire a justement amené celle au pays de Galles.

Existe-t-il une frustration de perdre le Tournoi au goal-average ?

ça fait râler mais il y a eu tellement de beaux moments… On a dominé les nations majeures et, même si ça se joue à peu, cela nous apprend qu’il ne faut jamais rien laisser aux adversaires. Cette deuxième place ne peut que nous faire grandir. Ce n’est que le début et, l’an prochain, notre objectif sera de faire mieux.

On a quand même l’impression que la meilleure équipe n’a pas forcément remporté la compétition…

Si on ne l’a pas gagnée, c’est qu’on a commis des erreurs que les Anglais n’ont pas faites. À ce niveau, les petites choses font de grandes différences. Notre marge de manœuvre est là.

N’avez-vous pas chambré Antoine Dupont pour ce ballon envoyé en tribunes une minute trop tôt contre l’Angleterre, qui a ensuite pris le bonus défensif ?

Pas du tout, et personne n’y a pensé. Si on marque plus de points contre les Italiens et qu’on en donne moins, le Tournoi est plié. Si on s’applique davantage en écosse, c’est pareil. Ce n’est pas la faute de « Toto » ou d’un autre…

Comment expliquer que les automatismes soient si vite revenus, après sept mois sans sélection ?

On se connaît par cœur, c’était simple de se retrouver. Il y a un tel enthousiasme, une telle joie de vivre entre nous. Ce groupe, c’est vraiment une bande de potes. Et quand on s’entend tous bien, c’est plus facile de jouer ensemble.

Votre passé commun est pourtant faible…

C’est vrai, mais beaucoup ont évolué ensemble dans les catégories de jeunes. D’autres se côtoient aussi en club et, pour cette période, avoir de gros rendez-vous d’entrée, en Coupe d’Europe par exemple, nous a aidés. Nous étions prêts pour jouer au niveau international. Les automatismes sont donc vite revenus durant la semaine du pays de Galles.

Antoine Dupont insistait sur l’importance de garder un XV de départ presque identique. Êtes-vous d’accord ?

C’est certain. À mon poste notamment, c’est mieux d’enchaîner les matchs, de prendre des repères stratégiques, avec le demi de mêlée mais aussi avec mes autres coéquipiers. C’était bénéfique de conserver cette ossature. Ça se ressent : c’est fluide et tout le monde sait où on va. On voit qu’on ne gagne finalement qu’ainsi… Les Anglais changent très peu, les Irlandais aussi. Aucune grande nation ne fait évoluer son équipe du tout au tout, d’un match à l’autre. Seul notre vécu commun nous fera encore progresser.

Vous avez battu les Gallois puis les Irlandais en commettant seize et quatorze fautes. Votre marge de progression est donc grande…

Heureusement, sinon on serait déjà champions du monde (rires). On a effectivement une grosse marge de progression dans de nombreux secteurs, surtout sur la discipline. Mais, malgré toutes ces fautes, notre générosité et notre enthousiasme nous ont fait gagner ces deux matchs.

En quel sens ?

Je prends un exemple contre l’Irlande. On reçoit un carton jaune et on se retrouve à quatorze. Eux décident d’aller en touche, à cinq mètres de notre en-but. Ils la prennent et on les défonce sur le ballon porté. C’est révélateur. Notre équipe a tellement un gros caractère qu’elle ne lâche rien. Oui, on prend des pénalités mais nos adversaires savent qu’il sera difficile de marquer. Et on a la chance de marquer assez rapidement de notre côté même s’il faudra corriger ça et descendre à moins de dix fautes par match.

Vous renvoyez presque une impression de facilité pour mettre un essai à la moindre opportunité…

On le travaille aux entraînements. C’est du jeu déstructuré et, franchement, on a plein de joueurs qui adorent évoluer dans le désordre, qui aiment toucher des ballons…

Est-ce le talent qui fait la différence ?

Dès qu’il y a un ballon de récupération, nous sommes tous à fond ! Ça appelle de partout, ça communique et chacun offre des solutions. On s’appuie là-dessus car ce sont les phases où les défenses sont les plus fragiles. Avec les joueurs qu’on a, on voit les espaces et on exploite les failles rapidement. La plupart d’entre nous pratique ce jeu-là en club et on se trouve les yeux fermés. Surtout, on marque souvent sur ces opportunités, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années.

Et vous savez, en perçant, que Dupont sera au soutien…

(Il rigole) Il y aura « Toto » à l’intérieur et Gaël (Fickou) à l’extérieur. Quand un mec traverse, il ne sera jamais seul. Cela montre notre appétit offensif.

Vous côtoyez Antoine Dupont au quotidien. Vous surprend-il encore ?

Il est impressionnant mais, en passant autant de temps avec lui tous les jours, plus rien ne m’étonne chez Antoine. Ce qu’il fait me paraît presque normal… De manière générale, dès que lui, Virimi ou Gaël ont un ballon, on sent bien que la ligne de défense adverse est en panique. C’est beau de voir de la crainte dans les regards irlandais devant les joueurs français. Ce n’était plus arrivé depuis un petit moment.

Même après un coup dur, on a le sentiment que rien ne vous atteint…

On a grandi sur ce plan et beaucoup appris du match en écosse où tous les faits de jeu étaient contre nous. Quand on a pris l’essai au bout d’une minute contre les Gallois, seuls les leaders de jeu ont pris la parole sous les poteaux et tout le monde a remis la marche avant. Nous sommes tellement sûrs de nos forces, de notre jeu, qu’il n’y a aucune panique. Pas besoin d’ailleurs, on a les joueurs qu’il faut aux postes stratégiques, ceux pour nous guider, nous faire avancer. Chacun connaît son rôle et personne n’en sort.

Est-ce une forme de détachement ?

Je ne crois pas. C’est plutôt de la lucidité. Prendre un essai ou un carton ne va pas nous faire perdre un match. Ce sont des faits de jeu, ça arrive. On ne va pas se mettre en panique pour ça.

Personnellement, n’avez-vous pas encore franchi un cap ces dernières semaines ?

Je suis satisfait de mes performances. J’ai eu la chance d’enchaîner tout le début de saison à l’ouverture en club, associé à Antoine, et j’ai pris confiance. Cela ne m’était encore jamais arrivé avec Toulouse et, que ce soit en Coupe d’Europe ou en Top 14, on n’a eu que des gros matchs à disputer. Cela m’a fait du bien. Je me sens à l’aise à ce poste, j’enchaîne et je suis bien entouré. Toutes les planètes sont alignées pour moi. Sincèrement, je n’ai aucune raison de me prendre la tête, surtout que ce n’est pas mon style.

Vous aviez réclamé de vous installer en 10 en club

C’était un peu le plan et une volonté aussi du staff toulousain de m’installer à l’ouverture. On connaît la difficulté du poste de 10 et, vu que j’y jouais en sélection, j’avais émis le souhait de m’y fixer. Passer de 12 à 10 en équipe de France, ce n’était pas simple sur le papier mais je m’en étais bien sorti. Je voulais faire la même chose au Stade. Cela s’est fait naturellement.

Qu’est-ce que représente le fait de dominer des monuments comme Biggar ou Sexton ?

Ce n’est pas moi qui les ai dominés, c’est la France qui a dominé le pays de Galles et l’Irlande (sourires).

Mais vous avez gagné vos duels…

Quand on vous fait le boulot devant et que vous avez des solutions de partout derrière, c’est presque facile le rugby. J’ai juste essayé de placer mes partenaires dans de bonnes dispositions et de mettre les points au pied. Après, si je peux apporter des choses individuellement de temps en temps…

Comme sur le quatrième essai. Pouvez-vous raconter cette action ?

Il y a une mêlée au départ où on annonce quelque chose. Mais je dis à Antoine que, s’il y a un avantage, on le joue. Les gros enfoncent les Irlandais, il y a l’avantage. Vincent Rattez va d’abord percuter. Puis je vois le 9 adverse rentrer dans la ligne et je me dis : « Allez, il faut tenter ce petit coup de pied par-dessus, il n’y a rien à perdre. » Je le fais instinctivement et j’ai le bon rebond. Surtout, j’ai encore du soutien de tous les côtés, avec Antoine et Virimi. Ce n’était pas annoncé mais tu vois la réactivité des mecs au quart de tour. Ils sont tous deux sortis comme des balles et « Viri » a marqué en marchant.

Comment jugez-vous votre progression comme buteur ?

Je suis content. Je ne suis pas le buteur numéro un à Toulouse car c’est Thomas Ramos…

Mais vous êtes monté dans la hiérarchie…

Oui, quand Thomas ne bute pas, c’est moi maintenant. Mais Thomas est souvent sur le terrain (rires). Cela a toujours été comme ça et il n’y a aucun problème. Mais je sais qu’en sélection, je suis le buteur numéro un, donc je m’entraîne tous les jours. Ma réussite a été bonne ces deux derniers week-ends et, au niveau international, c’est primordial.

Pour finir, vous aviez évoqué dans ces colonnes, il y a quelques mois, l’image froide que vous pouviez renvoyer et émis l’envie de la faire évoluer, d’être plus démonstratif. Il semble que vous y êtes parvenu ces derniers temps…

C’est dur de m’auto-juger sur cet aspect mais les choses ont effectivement un peu changé. J’ai sûrement plus confiance en mon jeu, j’enchaîne à l’ouverture. Cela m’enlève un poids et me libère l’esprit. Je joue naturellement.

On repense à la fin de match à Clermont où, même si vous avez été très calme au micro de Canal + au coup de sifflet final, on vous avait vu vous emporter sur votre essai refusé…

Je n‘avais pas endossé un rôle. Quand j’ai râlé, c‘était naturel, ce n‘était pas pour faire le show. J’ai parlé correctement au micro de Canal mais bon… Je vais vous raconter une anecdote sur le match de samedi soir. Quand on a pris ce dernier essai à la fin, tous les joueurs avaient la tête baissée sous les poteaux. Je suis arrivé un peu après dans le cercle, j’ai regardé Charles Ollivon et j’ai pris la parole : « Oh les mecs, on ne va pas faire la tête. On est deuxièmes et on vient de battre l’Irlande. » Moi qui suis un peu froid et qui ai la réputation de ne pas montrer mes émotions, j’étais là à leur dire : « Putain, on a gagné, soyez heureux. » Cela montre à quel point je me sens bien.

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