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La mort subite des nourrissons bleus

  • Cameron Woki et les Bleus face aux Anglais.
    Cameron Woki et les Bleus face aux Anglais. Actionplus / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Bien que battus sur le fil à Twickenham (22-19), les bizuts Tricolores ont signé face aux vice-champions du monde et au gré d'un impensable scénario, une performance majuscule. Chapeau, messieurs !

Comment aurait-on pu y croire, franchement ? Au coup d'envoi, le seul Ben Youngs (108 sélections) comptait quarante caps de plus que la bande à Galthié dans son intégralité (68 sélections) ; les vice-champions du monde restaient sur sept victoires consécutives, pétaient tous les compteurs de stats (96 % de mêlées gagnées, 98 % de touches remportées et 92 % de plaquages réussis) et, bonne mère, l'équipe de France n'avait plus gagné en Angleterre depuis treize ans. Passé ce Crunch, on vous jure à présent que les statistiques sont d'odieuses menteuses et ne pèsent pas, ou peu, face à l'irrationalité du sport, la magie d'un moment ou le cœur des hommes. Quel match de dingue, nom de Dieu ! Et quelle performance majuscule de cette équipe de minots, certes battue sur le gong mais ayant prouvé, ce dimanche, que le réservoir français était plus conséquent qu'il n'y semblait au départ. De fait, la guéguerre à laquelle se sont livrés les clubs et la fédération avant que ne débute la parenthèse internationale fut finalement la meilleure chose qui puisse arriver à la sélection. Aurait-on vu Anthony Jelonch, si François Cros et Dylan Cretin avaient pu tout jouer ? Aurait-on redécouvert Brice Dulin, si Thomas Ramos et Anthony Bouthier avaient squatté Marcatraz ? Et enfin, quand est-ce que Yoram Moefana aurait-il été appelé par le sélectionneur, si celui-ci n'avait pas été contraint de démanteler la paire Fickou-Vakatawa qui régnait au milieu du terrain ?

 

Eddie Jones avait raison... 

Dans un élan assumé de mauvaise foi, voici ce qu'on retient donc de cette défaite étriquée dans le temple du rugby : les vice-champions du monde, seulement orphelins de Manu Tuilagi, étaient au complet ce dimanche ; l'équipe de France, elle, compte en théorie douze joueurs plus forts encore que ne l'étaient ceux du dernier Crunch et à ce sujet, on conclut donc que cet hommage d'Eddie Jones, ces mots que l'on avait pris au départ comme une galanterie tortueuse et censée désamorcer la bombe qu'avaient allumée les journalistes britanniques en comparant ce match à une « farce », prend aujourd'hui un tout son sens : « Fabien Galthié a construit un projet autour de 45 joueurs : ces supposés remplaçants sont remarquables et ont joué contre l'Italie de la même façon que ne l'avaient fait leurs prédécesseurs, plus tôt dans cette tournée d'automne. Ils sont tous nourris à la même mamelle, tous partie prenante de la même éducation ». Ainsi, le sélectionneur anglais avait mille fois raison, tant la performance collective des Tricolores dénombra, à Twickenham, si peu de fausses notes : aussi forts que les titans anglais sur les impacts, rivalisant avec Ford, Farrell et Daly dans ce jeu au pied d'occupation qu'affectionnent tant les Britanniques, les Bleus ont longtemps osé nous faire croire en l'impensable, prouvant s'il le fallait encore que la révolution était en marche, le cauchemar bel et bien terminé...

 

Cinquante joueurs de haut niveau

Au crépuscule de cette fenêtre internationale, à l'instant où le XV de France échoue en finale de la « Covid Cup » mais talonne la Rose au point de la faire douter, les raisons de croire en un futur éclatant sont légion et, pour tout dire, on se demande aujourd'hui ce qu'une équipe bâtie en quinze jours (c'était le cas de du XV de France s'étant incliné en Angleterre...) sera capable de réaliser dans six mois, un an et jusqu'à ce que n'approche enfin le Mondial 2023. De toute évidence, la bande à Galthié est à l'aise dans ce rugby moderne certes austère -où la possession n'a pas la cote et l'infâme « ping pong » nous colle de trop nombreux torticolis- mais qui gagne, le XV de France terminant l'année 2020 avec six victoires en huit matchs. Et si les Tricolores n'ont pas plus de « french flair » que Blacks, Beefs ou Boks, ils ont pour eux le mérite d'avoir su s'adapter au cycle régnant sur leur ère et ressemblant à s'y méprendre à celui, très « kick and rush » dans l'esprit, ayant déjà dominé ce sport lors du Mondial 2007.

En revanche, on souhaite à Fabien Galthié et ses collègues bien du courage, au moment où débutera le Tournoi : tôt ou tard, il faudra ainsi expliquer à Anthony Bouthier qu'il est en passe de trouver son maître en la personne de Brice Dulin, si « Galthié compatible » par son assurance dans les duels aériens et la longueur de son pied gauche ; il faudra prouver à Hassane Kolingar, titanesque en défense et dans le combat contre la Rose, que son concurrent Cyril Baille possède une gestuelle dont il est encore dépourvu ; il faudra être fort pour départager le finisseur ultime Teddy Thomas et le pluri-actif Gabin Villière, se passer d'Anthony Jelonch (19 plaquages contre l'Angleterre !) ou choisir entre François Cros et Cameron Woki, quand l'un et l'autre sont deux merveilleux leaders d'alignement. On n'en est pas là, dîtes-vous ? C'est un fait et, encore accaparé par l'ascenseur émotionnel de cet étrange paradoxe (une défaite exaltante, mille sabords !, on a presque oublié de vous dire que Billy Vunipola avait commis un en-avant, en amont de l'essai aplati sur le gong par son coéquipier Cowan-Dickie. C'est ballot, my dear *... Et fut conclut, surtout, par une mort subite de nourrissons que l'on n'aurait pu rêver plus tragique...

 

* Mon cher..

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